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La dormition d’Alfonse Borysewicz

Méditation sur la peinture d'Alfonse Borysewicz intitulée Dormition.

© Alfonse Borysewicz, Dormition, 2011, huile sur bois.

Au pied de la croix se tenait la Mère. "Stabat", dit le latin en Jn 19. Alors que, touchant enfin au terme de sa passion, le Roi des Rois "s'endormait", Notre Dame de Compassion, debout, portait l'espérance de l'humanité et le poids du corps de son fils.

A présent, les rôles sont inversés. Le Seigneur est ressuscité, mais la Reine est couchée dans la tombe. On pourrait croire qu'elle ne fait que dormir. Mais le voile qui tombe sur son visage tandis que ses mains croisées reposent sur sa poitrine nous avertissent d'une autre réalité. Marie, la première et la mère de tous les disciples, suit maintenant son fils dans la mort. Et saint Paul ajouterait : "afin d'être unie à lui dans sa résurrection." (Rm 6,5).

Dormition, d'Alfonse Borysewicz, est une toile qui se tient à la frontière fragile qui sépare le Dimanche du Samedi, la Résurrection de la Tombe, et la figuration de l'abstraction. Est-ce un mystère joyeux ou un mystère douloureux ? De riches nuances de rose pâle et de blanc créent autour du corps de la Mère un halo de joie. Mais soudain le voile, plus ténu, laisse apparaître davantage la couleur, et le rose se révèle sang. Rouge passion. Que celui qui regarde ne cherche pas davantage à percer le secret de ce voile: le mystère qu'il cache est un mystère d'amour. C'est aussi un mystère de souffrance. Le corps de Marie s'étend d'un bout à l'autre d'un canevas brisé, irrégulier, image de l'Eglise qui n'est pas sans brisures, sans souffrance. Autour de ce corps, de petites alvéoles blanches se serrent les unes contre les autres. Comme si à son contact la masse sombre et informe de la terre prenait une qualité nouvelle. Comme si, au lieu de se décomposer ce corps composait dans le silence de la terre une symphonie nouvelle. Cette ruche immaculée, qui semble tirer sa substance du corps autour duquel elle prend forme, est un élément récurrent dans le peinture de Alfonse Borysewicz. Elle symbolise la communauté, l'Eglise. Comme la lampe de terre cuite protège la flamme, l'Eglise est la chambre qui protège le sommeil de la Mère, son lit mortuaire. Comme si à la structure-Eglise n'était assignée d'autre mission que celle de protéger ce corps, de fournir un abri pour l'épouse du Christ. Un abri contre le froid, contre la nuit. Clôture qui délimite et situe, au milieu des terres anciennes, une terre nouvelle, promise, une terre-Mater où la foi, l'espérance et l'amour rayonnent doucement au coeur de la nuit et au creux de la terre.

L'épouse dort. L'espérance dort. Comme une semence qui sommeille au coeur de chaque homme, une semence qui attend au coeur de la nuit. Prête à s'éveiller à la voix de l'Epoux.

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