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Les archives Soljénitsyne : un trésor dévoilé.

de Paul Anel    19 juin 2012
Littérature, temps de lecture : 3 mn

Mardi 5 juin, en marge de la grande foire du livre qui se tient chaque printemps au Javitz Center à Manhattan, Natalia Soljénitsyne était invitée à donner une présentation des archives de son défunt mari, Alexandre Soljénitsyne (1918-2008).

"Cela, nous explique Natalia Soljénitsyne, c'est une partie seulement de la collection de livres historiques que Soljénitsyne
a constitué en vue de la rédaction de son roman historique La Roue Rouge. Et chacun de ces livres est couvert de notes."

Survivant des Goulags soviétiques et Prix Nobel de Littérature, Alexandre Isaievitch Soljénitsyne est connu pour avoir lutté toute sa vie contre les idéologies, de gauche comme de droite. Mais ce qui est moins connu, c'est l'arme qu'il a utilisée dans cette lutte, et que cette présentation des archives a dévoilée.

Avant toute autre considération, permettez-moi simplement de m'incliner avec respect devant la monumentalité de cette œuvre. Un lecteur assidu de Soljénitsyne a vite fait de remplir plusieurs rayons de sa bibliothèque. Mais si, comme Natalia Soljénitsyne nous en a fait la promesse, tous les écrits inédits du maître russe sont un jour édités, quelques rayons ne suffiront plus. Ce sont quelques bibliothèques qu'il faudra pour contenir ces dizaines de classeurs, ces centaines de carnets, ces dizaines de milliers de lettres.

Il y a une raison à cela. Si Soljénitsyne semble ne s'être jamais accordé une minute de répit, c'est qu'il se sentait la difficile, presque impossible, responsabilité de ramener à l'objectivité du réel un peuple embourbé dans plusieurs décennies de mensonge.

Natalia Soljénitsyne nous dévoile ainsi l'existence de plusieurs centaines de carnets, classés par thèmes et remplis de notes, d'observations, d'anecdotes, de portraits. Autant de faits, de gestes, de paroles minutieusement enregistrés par Soljénitsyne pour la matière de ses romans. On trouve ainsi un carnet intitulé "vieilles personnes", un autre "jeunes filles", un autre encore "poissons" et "arbres." En toute chose, il s'agit pour lui de ne rien inventer, mais de rester au contraire au plus près du réel.

A cela, certains objecteront peut-être que l'observation ne garantit pas l'objectivité, car les faits font toujours l'objet d'une interprétation. Soljénitsyne en était bien conscient, lui qui souffrait de voir combien le Parti Communiste déformait et manipulait l'histoire.

Son remède ? Se mettre à l'écoute, une écoute attentive et critique, de toutes les interprétations correspondant à un fait donné… Natalia Soljénitsyne nous montre dans ce sens une diapositive représentant une bibliothèque dont les rayons sont couverts de plusieurs centaines d'épais volumes: "Cela, nous explique-t-elle, c'est une partie seulement de la collection de livres historiques que Soljénitsyne a constitué en vue de la rédaction de son roman historique La Roue Rouge. Et chacun de ces livres est couvert de notes."

A notre époque oú le langage et les faits font l'objet d'une manipulation médiatique constante, Soljénisyne nous rappelle qu'il n'y a pas de liberté sans attachement à la vérité. Mais il nous avertit également que le réalisme n'est pas une évidence : il faut de la passion, du courage, et parfois beaucoup de patience pour parvenir au cœur de la réalité.

C'est un enseignement si précieux et nécessaire que nous ne pouvons qu'espérer que ces archives seront bien vite traduites et publiées!


Natalia Soljénitsyne, Ignat Soljénitsyne et Paul Anel au Javitz Center de Manhattan

 

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