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Espérer envers et contre tout

Dans ce livre publié aux éditions Salvator, Johann Baptist Metz et Elie Wiesel portent tous deux la même question : Comment vivre après Auschwitz ? Comment continuer de croire en l’homme ? Johann Baptist Metz va jusqu'à se demander : « Le genre humain n’est-il pas incurablement blessé par la catastrophe d’Auschwitz ? »

Outre la sincérité des réponses, le désir d’aller en profondeur et de ne pas trop vite donner des réponses toutes faites mais d’interroger honnêtement le passé, il est un point très intéressant à soulever dans ce livre. Johann Baptist Metz et Elie Wiesel parlent tous les deux de la nécessité du silence face au drame, de la nécessité de laisser les événements douloureux nous pénétrer pour que nous puissions les faire nôtres mais aussi leur permettre de faire naître en nous quelque chose de nouveau. Elie Wiesel s’interroge : « Que faire de notre passé ? (…) Je le porte. Je le reçois. J’aimerais qu’il devienne de plus en plus partie prenante de ma conscience, qu’il se transforme même, pour moi qui suis écrivain, en un acte de créativité. Si j’étais musicien, j’aimerais qu’il se transforme en musique. »

Johann Baptist Metz, quant à lui, note que « rares sont ceux qui mettent en relation les crises actuelles de l’humanité avec Auschwitz : on est de plus en plus sourd aux valeurs générales et « grandes », la solidarité s’écroule, on s’adapte en faisant profil bas, on refuse toujours davantage de doter le Moi de l’homme de perspectives morales, etc… »

Trop souvent nous laissons les images défiler sous nos yeux sans nous y arrêter, trop souvent nous détournons le regard d’événements douloureux ou cherchons à  rebondir après une crise sans vraiment nous emparer des images, des événements, de la crise et les laisser nous transformer. Ne perdons-nous pas alors en qualité humaine et en créativité ?

« Faire mémoire » d’Auschwitz, n’est-ce pas aussi prendre conscience de la faiblesse humaine et reconnaître la possibilité du mal dans notre  humanité ? Cette prise de conscience nous invite à une conversion morale. Si ces « perspectives morales » ne sont plus prises en compte, qu’adviendra-t-il le jour où nous serons en position de pouvoir ? Qu’est-ce qui nous permettra de ne pas reproduire les camps de concentration ? La voix d’un ami, peut-être, mais aurons-nous l’humilité de l’entendre ?

 

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1 Commentaire

  1. Tabitha

    Pour des hommes qui ont vécu ce drame, on comprend que la question se rapporte à leur histoire personnelle et l'esquisse de réponses évoquées dans ce court article montre la hauteur à laquelle il faut accéder pour continuer à vivre, et à vivre en ayant confiance dans le destin de l'homme.
    A contrario, le suicide d'un Primo Levi dit bien l'inacapacité dans laquelle il s'est trouvé, lui aussi, comme d'ailleurs tous les témoins de cette horreur, à partager tant soit peu leur expérience avec ceux qu'ils ont retrouvés, une fois revenus à la liberté, et notamment avec leurs proches.
    Toutefois, il me semble qu' Auschwitz ne peut représenter le tout de l'expérience de l'homme en matière de Mal : je penche plutôt pour un continuum, où la Foi au Christ Sauveur permet à celui qui n'a rien connu de tout cela, moi en l'occurence, de dégager le sens de la Vie, telle qu'elle nous a été confiée par Dieu et telle que le péché des Origines l'a défigurée.
    Sauvée par et dans le Christ, elle continue toutefois à avancer vers son terme avec tout ce cortège d'horreurs dont nous savons bien qu'il déroulera jusqu'à la Fin, la litanie abominable de crimes de toutes sortes.
    Mais nous savons aussi et cela, évidemment, n'appartient pas aussi clairement à un homme de la stature d'Elie Wiesel, mais plutôt aux simples dont nous sommes, que le Christ est venu, a souffert tout ce qu'il est possible de souffrir, est mort puis est revenu de la Mort pour nous entraîner avec Lui dans l'Eternité de Dieu : c'est là LE motif d'espoir et surtout d'Espérance qui nous empêche de sombrer dans la déréliction.