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d'Emmanuel Grossetête      24 janvier 2012
Expérience de travail avec des Roms – Temps de lecture : 5 mn

Entre le code R.O.M. de Pôle emploi, le Rhum des marins, la Rome italienne, les CD Rom, le célèbre petit village haut Savoyard, Romme sur Cluse, les Roms et les Rroms, il y a matière à perdre son romain.


CC BY-NC-ND Novopress

Le terme de « Rom » ou « Rrom » est celui sous lequel l'ensemble des groupes – Gitans, Manouches, Roms – présents lors du premier congrès mondial tsigane à Londres en 1971 ont choisi de se rassembler dans une perspective politique de lobbying auprès des institutions. Le terme « tsigane » fait référence à une dimension sociologique qui concerne les descendants d'un peuple d'origine indienne qui a migré en l’an 1 000 pour des raisons contestées et qui s'est diversifié au cours de l'histoire en plusieurs ethnies qui ont néanmoins gardé une culture commune et la conscience d'appartenir à une seule communauté. A ne pas confondre avec le terme de « gens du voyage » qui correspond à une « invention » administrative propre à la France, une terminologie pratique pour éviter toute connotation ethnique.

 Si les Roms, les Gitans, les Manouches se définissent tous comme « Roms », les gadges (les non-Roms) les regroupent différemment ! L’Institut National des Langues et des Cultures Orientales divise actuellement l'ensemble des Tsiganes, en trois groupes correspondant à trois grands ensembles historiquement différenciés en Europe :

• les Roms d'Europe de l'Est, du Proche-Orient, d'Amérique et d'Australie,
• les Sintis ou Manouches de France, d'Italie, du Benelux et d'Allemagne,
• les Gitans ou Kale du midi de la France, d'Espagne et du Portugal.

Étymologie

Quoi qu’il en soit, Rom signifie « êtres humains » en hindi. Ce nom a été adopté par l’Union Romani Internationale et les Nations Unies pour désigner cet ensemble de populations dont les langues initiales sont originaires du nord-ouest du sous-continent indien. Rom et Roumain sont donc bien différents ! Ce rapprochement est juste fortuit puisque c’est en Roumanie qu’est recensé la plus grosse population Roms (2,5 millions).

Les Roms parlent une langue commune : le « romanes » né de ces multiples influences. La parenté de cette langue universelle avec le sanskrit est clairement établie, avec des influences avestique et hébraïque. 

Peuples en marche

Les raisons qui ont poussé les Roms à prendre la route il y a un millénaire, restent encore floues. Leur premier périple vers le IXe et le Xe siècle les ont conduits du nord de l'Indus vers l'Iran, la Grèce et l'Europe via l'Empire byzantin. La présence des Tsiganes est clairement attestée à Constantinople en 1150. C'est au XIVe siècle que les Roms commencèrent à venir en Europe centrale. En 1419, on signale leur arrivée en France (à Macon) et en 1427, à Paris.

Aujourd’hui :

Neuf millions de Roms vivent dans l'Union européenne (source : « Publication du Conseil de l’Europe » 2004). La non-intégration des Roms, victimes de mesures d'exclusion dans leurs pays respectifs, les réduits à la précarité. Ils ont émigré en France, en Espagne, en Italie, à la recherche de travail. Depuis l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne en 2007, les Roms peuvent se déplacer librement sur tout le territoire de l’UE. Toutefois, une circulaire du 1er janvier 2007 restreint leurs droits de circulation et de travail au sein de certains pays européens jusqu'à la fin de 2013.

Ils s'inscrivent donc dans une économie de survie, avec pratique de la mendicité. Rencontrant de grosses difficultés administratives pour travailler, ils s’adonnent à la mendicité et autres petits trafics illicites même si, estiment les ONG, le taux de criminalité chez les Roms n’est pas plus élevé que chez d’autres populations.

Vue locale. Mise en lumière d’une expérience varoise :

Voici quatre ans que je travaille avec les Roms. C’est peu, mais suffisant pour se poser de bonnes questions. Y a-t-il un avenir viable pour les Roms dans leurs pays d’accueil (la France, en ce qui nous concerne) ? Où se situe le nœud qui fait que peu de Roms arrivent à percer la misère ?

Au bout de ces quelques années de travail social, la tentation est grande de se décourager. De nombreux exemples au quotidien semblent étayer la thèse des « à quoi bon » : une femme enceinte de huit mois et demi avec trois enfants en bas âge, à qui l’on propose un hébergement et qui refuse au dernier moment…  D’innombrables rendez-vous pris avec interprètes, annulés le jour J… Des couvertures jetées ou brûlées à l’approche de l’été et quémandées en pleurs à l’approche de l’hiver… Les exemples sont nombreux, peut-être tout autant que les raisons de désespérer.

Ce qui me permet de ne pas tomber dans le pessimisme global et ambiant est le fait de mettre des noms sur des visages et de voir en ces personnes autre chose que des problèmes à traiter. Au fur et à mesure des rencontres la mue s’opère. Il s’agit donc de personnes et non plus d’une invasion de dix millions de Roms parmi les cinq cents millions de citoyens européens. Il s’agit de Calo, Adina ou Georgetta qui ont une vie et une espérance en-dehors de ce décorum d’opérette qu’ils se donnent forcément à l’heure de la manche. Grossière mascarade ? Pas plus, pour eux, que de mettre une cravate et de se rendre au bureau. Ce qui me sauve c’est de passer du temps avec eux, en-dehors du schéma classique donnant-quémandeur et de me rendre compte qu’ils aiment tout autant que moi le chocolat au lait chaud, la musique et le lard fumé. Ce qui me sauve, c’est de les considérer hommes avant d’être Roms.

 

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