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La crise grecque : une opportunité pour la France ?

de Paul Anel     5 mars 2012
Economie – Temps de lecture : 3mn

«Le monde est malade. Son mal réside moins dans la stérilisation des ressources ou dans leur accaparement par quelques-uns, que dans le manque de fraternité entre les hommes et entre les peuples1 Ces mots de Paul VI, cités par le pape Benoît XVI dans son message de carême de cette année, m’inspirent trois réflexions. La première concerne la différence entre l’amitié et la fraternité. La seconde, les raisons de ce « manque de fraternité. » La troisième, la situation actuelle de la Grèce et la crise de l’euro. Je sais, tout cela semble a priori avoir bien peu en commun, mais lisez d’abord vous jugerez ensuite.

Premier point. Paul VI évoque une crise de la « fraternité. » Pour mieux comprendre ce que l’on entend par « fraternité, » nous pouvons distinguer ce mot d’un autre mot qui lui ressemble : « amitié ». L’amitié, en effet, naît d’une reconnaissance mutuelle et d’un choix, tandis que la fraternité s’enracine dans une origine commune, dans une paternité. La fraternité, au sein d’une famille comme à l’échelle des peuples, relève donc d’une appartenance qui n’est pas tant choisie que donnée. Et s’il est vrai qu’une relation donnée peut aussi – le moment venu – être choisie, et donc que mon frère peut devenir un ami, il n’en reste pas moins que la fraternité en tant que telle en appelle à une origine qui est objective, une commune descendance, constitutive de mon identité en même temps qu’elle me lie à mes frères.

Deuxième point. Notre monde souffre d’un « manque de fraternité. » Les raisons de ce manque sont, à n’en pas douter, nombreuses et variées. Parmi elles, sans doute, se trouve la réduction du nombre d’enfants par famille. Après guerre, 7% seulement des enfants étaient uniques ou issus d’une fratrie de deux enfants. Aujourd’hui en France un tiers des femmes n’ont qu’un seul enfant. Il en découle nécessairement que le sens de la « fraternité » est beaucoup moins éduqué – et avec lui disparaît également un certain sens du sacrifice des intérêts subjectifs. L’expérience que nous avons des relations humaines se resserre autour du modèle de l’amitié, où une large part est faite au choix, et où, lorsque les choses se dégradent, il me reste toujours l’option de rompre.

Troisième point : et la Grèce, dans tout cela? Revenons à Paul VI : entre les peuples aussi, il est des rapports d’amitié et de fraternité. Il y a les alliances librement choisies, parfois avec des peuples géographiquement – et culturellement – aux antipodes du nôtre. Et puis, il y a ces peuples auxquels nous sommes liés de par nos origines, que nous le voulions ou non. La Grèce est de ceux-là, comme tous les pays d’Europe. Il ne s’agit pas seulement d’une alliance, politique ou économique, mais de la reconnaissance d’une commune appartenance, quelque chose que nous ne pouvons nier sans nous nier nous-mêmes. Indépendamment des nécessaires discours sur les responsabilités en jeu, et les moyens à mettre en oeuvre pour aider la Grèce à ne pas s’effondrer, il est bon de se rappeler une chose. Les sacrifices consentis par les pays de l’Union sont un acte de charité, non seulement à l’égard d’un pays voisin, mais à l’égard d’un peuple frère. Rompre n’est pas une option, comme le suggèrent certains candidats à l’élection présidentielle, ou bien il faudra en payer le prix, autrement plus cher : l’oubli de notre origine et la perte de notre identité. Si c’était notre pays qui se trouvait au fond du trou, ne serions-nous pas heureux que nos frères fassent pour nous ce qu’aujourd’hui nous faisons pour eux ?

Peut-être la crise de l’Euro et la souffrance de la Grèce relèvent-elles d’un enjeu qui n’est pas seulement économique : une opportunité pour la France, et pour les pays d’Europe, de retrouver le sens et le pourquoi de la fraternité.

1Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio [26 mars 1967], n. 66

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3 Commentaires

  1. poine

    Premier point sur "L'oubli de nos origines et la perte de notre identité" : la Grèce d'aujourd'hui est une création du romantisme du XIXème siècle, un Etat totalement artificiel sans aucun rapport avec la Grèce antique.
    Deuxième point sur la "charité" ou la "fraternité" France-Grèce : "aider" la Grèce d'Etat à Etat est aussi peu pertinent que l'aide à l'Afrique : c'est donner de l'héroïne à un drogué, c'est tout sauf de la vraie fraternité.
    Troisième point : la France est presque aussi ruinée que la Grèce, il est donc totalement suicidaire de verser quelque aide que ce soit à quelque pays que ce soit, européen ou non. La faillite de la France pourrait certes lui être salutaire, mais son gouvernement ne doit quand même pas chercher à la provoquer délibérément en jetant l'argent par les fenêtres en cherchant à remplir le tonneau des Danaïdes d'autres pays en faillite.
     

    1. Céline

      Quelle serait selon vous l'attitude de "vraie fraternité" à avoir envers la Grèce ? Car il me semble plus utopiste de faire comme si sa faillite ne concernait pas la France que de chercher à l'aider malgré nos propres difficultés économiques.

  2. gabrielle bonansea

    Merci Père Paul pour cette piqûre de rappel sur le vaccin de la Fraternité. Et oui que l'on aimerait bien que l'on agisse comme celà pour nous mêmes en cas de besoin. Merci de nous le rappeler pour que cela  nous incite à réviser  une position individualiste.

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