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Le Bienheureux Père Jerzy Popiełuszko, martyr de la foi, a vaincu le mal par le bien.

La Pologne célébrait le 19 octobre dernier le 35ème anniversaire de la mort du bienheureux père Jerzy Popiełuszko, martyr, combattant pour la vérité. Interview autour de cette belle figure avec Joanna Chlebicka, en mission à Procida (Italie).

 

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TdC : Peux-tu présenter brièvement ce bienheureux si cher aux polonais ? 

JCh : Jerzy (George) Popiełuszko (1947-1984) est un prêtre et martyr Polonais. A l’époque de la Pologne communiste, il raffermissait la société, enseignant à vaincre le mal par le bien et offrant la souffrance de ses compatriotes sur l’autel eucharistique. Les messes pour la patrie qu’il a célébré rassemblaient des milliers de croyants de toute la Pologne. Elles étaient un oasis de liberté et une communauté de prière intense. Le 19 octobre 1984, le père Jerzy fut enlevé et sauvagement assassiné par les autorités communistes. Il avait 37 ans et 12 ans de sacerdoce. Il a été béatifié par le Pape Benoît XVI en 2010. 

TdC : Il fut nommé par l’épiscopat polonais comme aumônier du mouvement Solidarité. Pourquoi une telle nomination, pourquoi ces personnes avaient-elles besoin d’un pasteur ? De quoi souffraient-elles et en quoi consistait sa mission ? 

JCh : Le Père Jerzy Popiełuszko était le pasteur de la communauté médicale (médecins, infirmières, étudiants en médecine). Comme prêtre, il voulait être là où régnait la plus grande souffrance. C’est ainsi que, d’une manière naturelle, un lien fort s’établit entre lui et le monde des travailleurs. Il devint aumônier de Solidarité parce que les ouvriers étaient le groupe le plus nombreux et le plus vulnérable dans le système communiste. Le syndicat indépendant Solidarité leur permettait de lutter ensemble pour des conditions de travail et de vie décentes. 

La société Polonaise connut de vastes répressions, surtout après l’introduction de la loi martiale – licenciement (dans un système où l’État était le seul employeur, il n’était pas possible d’obtenir un nouvel emploi), emprisonnement et internement, arrestation et torture, écoute clandestine, surveillance, interdiction des rassemblements publics, censure, manque d’accès aux produits essentiels dans les magasins. Telle était la réalité dans laquelle vivaient les Polonais. Le père Jerzy croyait que le rôle du prêtre était de placer ces souffrances de la nation sur l’autel de l’Eucharistie, les reliant au sacrifice du Christ.

TdC : Toute la génération se souvient de la voix du bienheureux Jerzy Popiełuszko, qui prêchait une fois par mois un sermon à la messe pour la patrie. De quoi parlaient les sermons ?

JCh : Son enseignement était très riche, mais le plus souvent il revenait à la question de la vérité, la vérité, qui est le Christ, qui détermine la liberté et la dignité inaliénable de tout être humain. Quelques phrases de lui sont restées dans tous les esprits : 

– Nous surmontons la peur lorsque nous acceptons de souffrir ou de perdre quelque chose au nom de valeurs supérieures. Si la vérité est une telle valeur pour nous, pour laquelle il vaut la peine de souffrir, il vaut la peine de prendre un risque, alors nous vaincrons la peur, qui est la cause directe de notre esclavage. 

– Un homme qui témoigne de la vérité est un homme libre, même dans des conditions d’esclavage extérieur. 

– Pour rester spirituellement libre, il faut vivre dans la vérité (…). La vérité est immuable. La vérité ne peut être détruite par une décision ou une autre, une loi ou une autre.

– Seul peut vaincre le mal celui qui seul est riche en bonté, qui prend soin du développement et de la croissance en lui des valeurs qui font la dignité humaine d’un enfant de Dieu. Multiplier le bien et vaincre le mal, c’est prendre soin de la dignité de l’enfant de Dieu et de la dignité de sa propre personne. 

L’homélie des messes pour la patrie faisait une référence aux grands événements de la vie sociale (comme la béatification de Maximilien Kolbe, les pèlerinages du pape Jean-Paul II en Pologne, les anniversaires du soulèvement national au XIXe siècle). Les messes elles-mêmes étaient mises en valeur par de nombreuses contributions des fidèles : récitation de poésies, décoration de l’autel, beauté des chants. Le père Jerzy appuyait souvent ses homélies sur les enseignements du cardinal Stefan Wyszyński (dont la béatification aura lieu le 7 juin 2020) et du pape Jean-Paul II.

 

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TdC : Malgré son énorme influence sur les Polonais de son temps, il était un homme très réservé et timide.

JCh : Bien qu’issu d’une famille simple et rurale, il avait une grande sensibilité artistique et linguistique. Dans ses homélies, cependant, il utilisait un langage simple pour les rendre compréhensibles de tous. Le père Jerzy était un homme très modeste. Il était très attentif à chacun. Les gens lui présentaient leurs problèmes, sachant qu’il ne resterait pas indifférent. C’était un homme en mauvaise santé et un peu courbé, mais il portait sur ses épaules les problèmes de milliers de personnes. Dans le même temps, il faisait lui-même l’objet d’une surveillance exceptionnelle des services spéciaux – écoutes téléphoniques, espions dans le voisinage immédiat, menaces et tentatives d’intimidation, surveillance constante, provocations, convocations pour interrogatoires et arrestations. Son entourage immédiat essayait bien de le protéger, mais tout le monde, y compris lui, était conscient de la menace qui pesait sur sa vie. Le père Jerzy considérait que le rôle du prêtre était de proclamer la vérité, de souffrir pour la vérité, et s’il faut, donner sa vie pour elle.

TdC : Cette année, l’Eglise Polonaise célèbre le 35ème anniversaire de sa mort, sa figure est-elle encore importante pour les Polonais et les chrétiens de notre temps ?  

JCh : Le père Jerzy était un prêtre ardent, proche des gens et un grand patriote, c’est donc une figure très importante pour la nation polonaise. Le culte du Père Jerzy Popiełuszko ne se limite pas à la Pologne. Il y a déjà plus de 1400 reliques de 1er degré dans le monde, dont 400 hors des frontières de la Pologne, sur différents continents. Son culte est encore en développement – le processus de canonisation est en cours. Son enseignement sur la vérité est aussi valable à l’époque du sécularisme universel qu’il ne l’était à l’époque du communisme. 

 

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TdC : Vous avez travaillé au Musée Popiełuszko, en quoi consistait ce travail? Quelle est votre relation avec le Bienheureux ? Pouvez-vous partager quelques anecdotes avec nos lecteurs ?

JCh : En 2011, le Cardinal métropolitain de Varsovie, le Cardinal Nycz, a créé le « Centre de Documentation de la Vie et du Culte du bienheureux père Jerzy Popiełuszko « . Le siège du centre est situé dans l’appartement du Père Jerzy à la paroisse St. Stanislas Kostka à Varsovie, où il a passé les dernières années de sa vie. Le centre dispose d’une grande collection de documents, de photographies, d’enregistrements audio et vidéo et de documents.

J’ai travaillé au centre pendant 14 mois (aussi longtemps que durera ma mission avec Points-Cœur) pour coordonner le projet de numérisation. Ce fut une grande grâce de travailler dans l’appartement du Père Jerzy, apprenant à connaître les témoins de sa vie, apercevant chaque jour de la fenêtre un groupe de pèlerins (du monde entier) venu prier sur sa tombe et écoutant les témoignages sur les grâces reçues par son intercession. Ils sont la preuve que le père Jerzy est un intercesseur très efficace pour toutes sortes d’affaires. Le Père Jerzy continue à rassembler des gens merveilleux autour de lui et cette relation étroite avec eux – dans un esprit d’amour pour l’Eglise et la Patrie – fut une grande grâce pour moi. 

Propos recueillis par Clément Imbert

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