d'Elise C.
En plein cœur de l’été, il peut arriver que certains événements importants échappent à notre vigilance. Tel le décès accidentel – fortement controversé – du dissident cubain Oswaldo Payá le dimanche 22 juillet.
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Hérault de l’espérance cubaine, ce père de famille de soixante ans quitte tragiquement la scène politique de l’île à un moment crucial, après toute une vie de lutte pied à pied pour les valeurs que lui dictait sa foi en Dieu et en l’homme. La première chose qui impressionne chez lui est sa recherche de la vérité depuis sa jeunesse, et sa conscience aigüe d’avoir une responsabilité politique personnelle, issue de son expérience spirituelle et de son éducation. Convaincu de pouvoir œuvrer pour la liberté, dont l’absence lui paraissait si criante, il se refusa jusqu’à la fin à quitter l’île : c’est de l’intérieur qu’il a toujours voulu répondre présent, quelles qu’en puissent être les conséquences.
Après avoir fondé le Mouvement Chrétien de Libération, c’est avec le « Projet Varela » qu’il devient le dissident le plus connu de Cuba. Son but était simple : la constitution cubaine stipule que dix mille signatures peuvent obtenir un référendum sur un texte de loi. Ce sont plus de quatorze mille personnes qui demanderont un référendum pour l’obtention des libertés fondamentales : liberté d’expression, liberté d’entrée et sortie du territoire national, droit à l’entreprise privée et surtout réforme électorale en vue d’élections démocratiques. Cette pétition unique au cours des cinquante dernières années n’aura pas le résultat escompté, mais lui vaudra entre autres le prix Sakharov des droits de l’homme de la communauté européenne en 2002, et un très grand soutien dans le monde international. Lors d’une tournée en Europe pour la réception de son prix, il put en effet rencontrer un grand nombre de personnages de premier plan.
Au cours des dix dernières années, Oswaldo Payá a fait un immense travail de cohésion des dissidents cubains, insulaires ou exilés et quelles que soient leur ligne politique et leurs convictions. Dans un contexte actuel très délicat, son décès laisse une place béante. Son action s’est toujours déroulée sur le terrain, basée sur l’organisation, les rencontres, les contacts. Il n’agissait pas en idéologue, mais voulait plutôt lancer un grand mouvement civique : que les demandes faites au régime ne viennent pas de l’extérieur ni de personnes hauts placées, mais du peuple cubain réclamant ses droits. C’est donc la conscience du peuple qu’il a toute sa vie essayé de mobiliser pour une vie libre plus digne, plus grande, plus juste et plus humaine.