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Les Pussy Riots enfin libérées

Lors du dernier jour du procès très médiatisé des Pussy Riots, Maria Alekhina a fait lire à son avocate un texte bouleversant qui témoigne de tout son cheminement de liberté intérieure depuis son arrestation il y a six mois. 

 

Maria Alekhina a demandé pardon pour la dimension « farfelue », provocatrice et blessante de son action avec les Pussy Riots. Elle a d’abord expérimenté le mirage d’une liberté relativiste, d’une liberté comme un chaos, comme une possibilité de dire ou de faire n’importe quoi. La presse occidentale a massivement soutenu les Pussy Riots au nom de cette vision tronquée de la liberté qui s’exprimerait comme une opposition, une provocation, une affirmation nombriliste et violente de soi contre le système. 

Maria Alekhina ouvre ensuite un chapitre beaucoup plus profond sur le sens de la vraie liberté : « Je crois que c’est justement l’honnêteté et la puissance de la parole, et la soif de vérité qui nous rendront tous un peu plus libre ». La vérité n’est pas un acquis mais c’est un processus, une quête de vérité, un long chemin pour devenir humain.

Maria Alekhina évoque son expérience en prison et note que ce qui nous enferme est le besoin d’être reconnu dans un rôle ou une position : « En l’absence également de toute initiative individuelle. Ici, c’est le règne de la délation. De la suspicion mutuelle. En prison, de la même façon que dans le reste du pays, tout est basé sur la dépersonnalisation et sur l’assimilation de l’individu à sa fonction. Qu’il s’agisse d’un employé ou d’un détenu. Le règlement sévère de la prison, auquel on s’habitue rapidement, ressemble au règlement de la vie qu’on impose à chacun dès sa naissance. Dans le cadre de ce règlement, les gens commencent à s’attacher aux choses insignifiantes. En prison, c’est par exemple une nappe ou de la vaisselle en plastique qu’on ne peut se procurer qu’avec la permission du chef. Dehors, l’équivalent, c’est le statut social, auquel les gens sont particulièrement attachés. Ce qui m’a toujours beaucoup étonnée ». 

Présentée dans la presse comme l’icône de l’individualisme contre « le groupe », Maria Alekhina affirme au contraire que la liberté est un processus d’éducation sociale. On ne naît pas libre. Seul, on ne peut se libérer ni de l’état, ni de soi-même  : « Toutes les institutions en charge aujourd’hui de l’éducation s’efforcent avant tout d’inculquer aux enfants les principes d’une existence automatique. Sans tenir compte de leur âge et des questions propres à cet âge. Elles inoculent la cruauté et le rejet de toute idée non conformiste. Dès l’enfance, l’homme doit oublier sa liberté ». C’est l’automatisme des instincts égocentriques ou de la pensée commune.

La liberté est le fruit d’une éducation culturelle, philosophique, sociale. La liberté s’acquiert peu à peu à travers des relations et une communauté qui valorisent les intérêts des personnes et leur permet de donner leur pleine mesure, tout le contraire de la primauté donnée aujourd’hui à l’état providence qui  : « L’éducation, là où commence la formation de la personne sociale, ignore ce qui constitue cette personne. Mépris de l’individu, mépris de l’éducation culturelle, philosophique, mépris des connaissances élémentaires qui font une société civile. … Résultat : la marginalisation de la culture dans l’esprit de chaque individu, la marginalisation de la réflexion philosophique, et le sexisme érigé en stéréotype. »

L’animatrice des Pussy Riots aborde enfin avec beaucoup de finesse la question du blasphème et de la religion. Contre le pharisaïsme ambiant et les règles, elle valorise la foi chrétienne qui n’est pas faite pour « asservir » l’homme mais pour le conduire « à la libération complète », un système fondé sur la peur et la soumission inconditionnelle pousse à la résignation qui est « l’ontologie des esclaves de Dieu et non des enfants de Dieu ». Elle n’hésite pas à citer l’évangile : « Notre motivation reste identique dans une expression directe. Cette motivation est très bien exprimée par ces mots de l’Evangile : « Car quiconque demande, reçoit ; et qui cherche, trouve ; et à celui qui frappe à la porte, on ouvrira. » Et moi, et nous tous, nous croyons sincèrement qu’on nous ouvrira ».

Quel que soit le comportement passé des Pusy Riots, Maria donne aujourd’hui un témoignage magnifique de force personnelle, elle montre que ces six mois de prison ont été un moment de grande maturation et libération intérieure : « Et je n’ai pas peur de vous. Je n’ai pas peur du mensonge, je n’ai pas peur de la fiction, je n’ai pas peur de cette mystification mal fagotée, je n’ai pas peur du verdict de ce soi-disant tribunal. Parce que vous  ne pouvez me priver que d’une soi-disant liberté. C’est la seule qui existe sur le territoire de la Fédération de Russie. Ma liberté intérieure, personne ne pourra me l’enlever ».

Texte cité dans les Inrocks : Maria Alekhina, 17 août 2012 – traduction Helmut Brent publié dans :

http://www.lesinrocks.com/2012/08/22/actualite/maria-alekhina-pussy-riot-je-nai-pas-peur-de-vous-11288149/

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