Comme tous les 19 septembre, il y a beaucoup de mouvement du côté de la Cathédrale de Naples. Les gens ne marchent pas, ils courent jusqu'au lieu où le miracle doit avoir lieu au jour et à l'heure fixés. Il ne s'agit pas seulement de quelques fidèles, mais bien de toute une ville qui, depuis la veille, discute et se perd en conjectures, espère et désespère, crie et insulte en espérant que les choses se passent comme tous l'attendent : que le sang devienne liquide.
Telle est la réalité : aucune ville au monde n'est aussi liée dans son présent, son passé et son futur au sang. Et ce sang ne déçoit pas.
Cette année, avant même que le reliquaire contenant l'ampoule de sang ne soit ouvert, il était déjà liquide, attendant de montrer à tous que «San Gennaro vuole bene a Napoli» (San Gennaro aime Naples) et qu'il scelle à nouveau sa prédilection et sa protection avec un miracle, miracle qui ne passe pas inaperçu auprès de presque un million de napolitains.
L'« amitié » entre San Gennaro (Saint Janvier) et la ville remonte à bien longtemps. Tout a d'ailleurs commencé sous le signe d'une amitié. Gennaro, évêque de Benevento décide de venir à Pozzuoli (dans les environs de Naples) pour accompagner et intercéder en faveur de la libération d'un de ses amis diacre. Les supplications n'eurent aucun effet sur le Consul Dragonce. Après divers supplices, l'évêque Gennaro mourut martyre avec deux fidèles qui l'avaient défendu.
De ce geste d'amitié est née toute la dévotion et la passion d'un peuple pour son saint.
Depuis 1700 ans, cette amitié se renouvelle avec les différentes générations de napolitains qui, d'un siècle à l'autre, ne laissent pas tomber dans l'oubli ce signe de fidélité. Ce fut d'abord la fameuse «Eusebia» qui, témoin du martyre, a guardé le sang du Saint dans deux petits vases de cristal. Ce seront ensuite des évêques, des rois et des reines de différentes dynasties, des conquistadors, des marins, des joueurs de football, le marchand de légume du quartier qui uniront leurs destins et celui de leur ville à ce sang versé, ainsi jusqu'à nos jours.
En ce mois de septembre 2012, c'était véritablement une multitude qui, dans l'enthousiasme, attendait de savoir si ce lien d'amitié allait continuer à être aussi fort qu'avant, si cette prédelection se ferait à nouveau concrète et tangible, si ce signe serait toujours aussi puissant. A 9h12, la nouvelle fut annoncée : San Gennaro renouvelait son amitié avec Naples. Tous ceux qui étaient dans la Cathédrale se mirent à applaudir, à crier et à pleurer. Il n'y avait pas que les napolitains. C'est aussi avec ceux qui, comme dans toute ville cosmopolite, viennent de toute l'Italie et du reste du monde que se renouvelle l'amitié, tous ceux qui sont venus chercher fortune sur cette terre généreuse et accueillante, qui souffre pourtant comme toutes les autres de la crise et du désespoir devant un avenir qui paraît bien sombre. Mais San Gennaro est là. C'est une histoire de 17 siècles, une amitié qui se poursuit dans le temps. De siècle en siècle, elle dure et tant que San Gennaro reste présent, c'est une histoire d'amitié qui a une saveur d'espérance, un goût d'éternité.
© CC BY-NC-SA Julia Janßen