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Usine Goodyear : Montebourg se dégonfle

d'Adélaïde Minguet   5 mars 2013
Temps de lecture 4 mn

Dans un contexte économique morose, la situation de l’emploi en France n’est pas rose, comme l’atteste l’effet ricochet des fermetures d’usines. Après l’usine Mittal à Florange, c’est à Goodyear à Amiens Nord d’alimenter la fracture entre les syndicats, le gouvernement et les patrons. En jeu : 1 200 salariés risquent de rejoindre les guichets de Pôle Emploi. Dans cette situation, la reprise de l’usine par un investisseur potentiel reste le meilleur moyen de sauver les emplois… En théorie mais pas en pratique, comme le montre les derniers « mots doux » échangés entre le PDG de Titan, groupe américain de pneumatiques agricoles, et le ministre français du redressement productif, 100% made in France. Retour sur le match Maurice Taylor vs Arnaud Montebourg.

En 2012, Titan International propose de reprendre plus de 500 salariés de l'usine en difficulté à Amiens dans le nord de la France. En janvier 2013 : le gouvernement relance le projet d’une éventuelle reprise suite à la suspension de celui-ci. En février 2013, las de ces discussions qui n’en finissent pas, M. Taylor envoie une lettre peu diplomatique à Arnaud Montebourg, le laissant KO.

Cette lettre porte le coup suprême, difficile à encaisser, dans laquelle Maurice Taylor explique pourquoi il ne souhaite plus reprendre l’usine : « Goodyear a essayé pendant plus de quatre ans de sauver une partie des emplois à Amiens, qui sont parmi les mieux payés, mais les syndicats et le gouvernement français n'ont rien fait d'autre que de discuter ». Il ajoute : « Les salariés discutent pendant trois heures et travaillent pendant trois heures, vous pouvez garder les soi-disant ouvriers ». Il reproche la dictature syndicale et l’interventionnisme de l’Etat. Il accuse le soldat Montebourg de n’avoir rien fait pour sauver l’usine Goodyear en ayant laissé le syndicat « fou » mener le combat. Le gong sonne la fin du premier round.

Le PDG « tyran » de Titan est connu pour son caractère affirmé. Il est d’ailleurs surnommé le « Grizzly ». Fidèle à lui même, il garde le ton sec, maintient les mots tranchés, on lui prête volontiers une lame à la place de la plume. Amoureux de la France, il se décrit comme un admirateur des femmes et du vin français, et rappelle qu’en visitant les plages de Normandie il a vu ce que l’Amérique avait fait pour la France.
Taylor est un vrai industriel et non pas un investisseur financier. Il bouscule, il dérange car il dit tout haut ce que certains pensent tout bas ! On peut lui reprocher la forme mais dans le fond, il soulève l’épineux constat que si les syndicats continuent de mener la danse, nous assisterons au bal de l’explosion industrielle chinoise et indienne. Le savoir-faire français est en péril, le made in China regarde nos industries françaises du coin de l’œil. Voilà la sonnette d’alarme que tire Maurice Taylor. Taylor tape du poing sur la table et fait sursauter notre ministre qui peine à se redresser même s’il tente maladroitement d’être productif.

Perçue comme une attaque injuste, la réponse de Montebourg (qui n’en est pas à sa première bourde) ne se fait pas attendre. Dans cette guerre des mots, il répond sur le même ton que son provocateur. « Vos propos aussi extrémistes qu'insultants témoignent d'une ignorance parfaite qu'est notre pays, la France », écrit-il. M. Montebourg rappelle aussi le nombre d'entreprises américaines installées en France et insiste sur les liens historiques unissant les deux pays, que ce soit l'aide du Marquis de La Fayette à l'indépendance américaine ou le débarquement américain en Normandie du 6 juin 1944. Puis, il ajoute par la menace : « Soyez assuré de pouvoir compter sur moi pour faire surveiller, par les services compétents du gouvernement français, avec un zèle redoublé vos pneus d'importation ».

Certains français auraient aimé que notre ministre prenne un peu de hauteur et ne rentre pas dans le jeu de Maurice Taylor. « Tourne sept fois ta langue dans ta bouche », notre gouvernement confond trop souvent vitesse et précipitation.

Taylor se défend d’y apporter ses seuls intérêts, il est attaché à la France et veut conserver le savoir-faire français. Il veut proposer une réalité constructive et non un suicide économique. A cette allure, si le gouvernement reste impuissant face à ces sujets de reprise d’usines, c’est à un débarquement à l’Est auquel nous assisterons bientôt…

Photo en page d'accueil : CC BY Dave Catchpole

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4 Commentaires

  1. Anonyme

    Je regrette que cet article ne prenne pas plus de hauteur également. Il me semble que cet article utilise un fait pour réaliser une attaque en règle d'un gourvernement, pour un tel problème qui comme indiqué dure depuis plus de 4 an.

    Plus qu'un vrai industriel, nous avons besoin de chefs d'entreprise qui ne négligent pas leurs employés, collaborateurs,  en les traitant de fainéants, mais de vrais patrons, habités d'un esprit de communion.

    le ton partisan de l'aticle n'apporte que division dans un monde où l'on a besoin de plus en plus d'unité. c'est regrettable.

  2. LT

    je regrette le ton de cet article, qui devrait lui aussi prendre un peu plus de hauteur.

    si la critique peut être sévère, elle ne doit pas être dénigrante et partisane, et l'énergie à monter les personnes les uns contre les autres à créer des divisions devrait être utilisée à créer l'unité dont notre monde a tant besoin.

    Face à une problématique qui dure depuis 4 ans comme vous l'indiquez, il est injuste de reporter la cause sur une personne voir un gouvernement ; face à un industriel qui insulte ainsi ses collaborateurs. 

    plus qu'un "vrai"? industriel nous avons besoin de vrais patrons, de vrais chefs d'entreprise capable d'esprit de communion.

    que "Terre de compassion" soit un terreau pour la compassion et pas pour la division.

  3. A Minguet

    Effectivement le sujet touche une polémique dans un contexte très douloureux de fermeture d'entreprise. Dans ce contexte déprimant de querelles, de divisions et surtout de perte d'emplois et de désindustrialisation, il est important de chercher une espérance : un industriel ne fait d'habitude jamais de politique, il  s'en va lorsque le contexte économique n'est plus favorable et investit ailleurs. Monsieur Taylor prend la plume et de la hauteur pour dire des vérités difficiles à entendre. C'est plus courageux que de claquer la porte "poliment", c'est aussi un encouragement à ne pas regarder avec fatalisme la désindustrialisation de la France, ni à dénoncer des boucs-émissaires. Mr Taylor dénonce certes la responsabilité des syndicats qui sont enfermés dans une logique destructrice mais surtout il rappelle la responsabilité de chaque homme devant le travail. 

  4. Jean-Marie

    Salut, merci pour cet article ! Je ne le trouve ni méprisant ni partisan, je trouve au contraire qu'il prend au sérieux la souffrance des gens de tous bords: la souffrance des ouvriers auxquels on ne donne plus le sens de leur travail (à part: gagner plus d'argent, mais c'est un sens tellement réduit…) ; la souffrance des patrons, qui veulent faire avancer le schmilblick et sont en butte à toutes les accusations ; la souffrance du gouvernement, qui visiblement n'arrive pas à penser en 3D (je veux dire en s'extirpant des polémiques pour inventer de nouvelles solutions) ; et aussi la souffrance de gens comme Taylor qui réellement aiment la France et sa culture, et disent: "si vous ne changez pas votre culture du travail, vous allez mourir, et il n'y aura plus personne pour vivre comme vous le faites, boire votre bon vin et manger du fromage". Bref, merci !