29 mars 2013
Temps de lecture 4 mn
Sur l'île de Procida (Italie) © Jean-Marie Porté
d'Agathe Astruc – Naples
Vendredi Saint, nous partons vers 6 h 00 du matin pour l’île de Procida où se déroule la traditionnelle procession de la Passion : tous les hommes natifs de l’île, en âge de marcher (c’est-à-dire dès deux ou trois ans !), sont vêtus de blanc et bleu ciel, et défilent en portant des chars de plus en plus lourds selon leur âge, représentant des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, principalement axés sur le Triduum Pascal. Les bébés sont vêtus de la tenue de la Mère des Douleurs (noir et or) et défilent à la fin de la procession portés par leur père ou grand-père, entourant cette dernière. En fin de cortège arrivent les chaînes de l’enfer traînées sur le sol dans un vacarme épouvantable, précédant le gisant de Jésus (une magnifique statue du XVIIIe siècle recouverte d’un filet noir) escorté par les autorités civiles, militaires et religieuses de l’île. Une Banda funèbre clôture la procession. C’est impressionnant de voir l’île entière qui s’est préparée toute l’année pour ce grand jour, la noblesse du peuple procidien, le silence et le recueillement qui entoure le corps du Crucifié à la fin du cortège.
De retour à la paroisse pour l’office de la Passion, nous participons ensuite au grand Chemin de Croix qui se déroule pendant plus de deux heures dans les rues du quartier. Tous sont là, tous les paroissiens, chantant à pleine voix, amassés dans les petites cours préparées par les habitants pour chaque station. Les anciens restent au balcon, ou sortent sur le pas de la porte. Une vieille dame en fauteuil roulant est si émue d’accueillir dans son cortile Jésus rendant l’Esprit. Et après la dernière station dans l’église, chacun repart en silence, l’Église est en deuil de son Seigneur.
Samedi Saint, la vigile des ténèbres à la lumière, toute l’assemblée renonce au mal d’une voix forte à faire fuir Satan lui-même, pour ensuite proclamer sa foi dans un « Credo ! » retentissant. Comment mieux entourer les onze catéchumènes de ce soir-là (cinq bébés et six garçons du quartier des Mattoni) ? Parmi eux, Nando neuf ans, est touché par la grâce, d’une manière presque palpable. Le sourire qui est accroché à ses oreilles et sa demande incessante de prier depuis cette mémorable messe de Pâques nous prouvent l’action particulière de l’Esprit Saint à travers le baptême. Je vais m’arrêter là malgré tout ce que je pourrais encore vous dire sur cette magnifique période pascale, si incarnée dans la vie quotidienne ici !
de Elie Front – Manilles
La semaine Sainte est un événement important et vraiment sacré aux Philippines. Du Jeudi saint au Lundi de Pâques, les bureaux sont tous fermés, même le métro. Le Vendredi est le jour le plus important, tous les commerces sont fermés, l’économie s’arrête totalement, tout le pays fait le deuil. Pour certains, c’est le seul jour de l’année où ils ne travaillent pas. Il y a alors de grandes processions dans toutes les villes, des mises en scène de la Passion, le Chemin de Croix et parfois, de manières exceptionnelles et très localisées de réelles flagellations. Les Philippins sont vraiment conscients des souffrances du Christ.
Puis, arrive le jour de Pâques, étonnement il y a peu de monde à la première messe, la vigile. Les fidèles préfèrent se rendre à la messe de 5 h 00, précédée d’une procession qui commence à 3 h 00. Avec la communauté, nous avons participé à la procession. Ce fut pour moi vraiment surprenant de voir en pleine nuit les rues remplies de fidèles. La majorité de participants ne put même pas entrer dans l’église, tellement ils étaient nombreux ! C’est vraiment beau et vivifiant de voir cette Église philippine, jeune, pleine d’énergie et qui ne rebute pas au moindre sacrifice. Il est vraiment difficile d’imaginer la même chose en Europe.
Au Salvador © Points-Cœur
de Françoise-Thérèse Blanloeil – El Salvador
Il est de coutume, au Salvador, d'orner les rues de tapis au couleurs variées pour la procession du Saint Enterrement le Vendredi Saint. C'est une tradition que même les petites villes s'emploient aujourd'hui à encourager pour conserver ce patrimoine culturel.
L'origine de cette pratique aurait deux sources
-Dans la période pré-hispanique, on sait par des chroniqueurs espagnols du XVIème siècle et des témoignages indigènes écrits, que les "princes" et "les prêtres" marchaient, lors de certaines cérémonies, sur des tapis de fleurs, de pin, de plumes d'oiseaux précieux.
-La coutume semble avoir été importée également par les conquistadors espagnols, particulièrement des Îles Canaries, où des tapis étaient élaborées depuis des siècles. Une autre tradition catalane consistait à semer le sol de branchage de plantes parfumées (romarin, lavande..), où passait la procession de la Fête Dieu. En 1524, le conquistador Jorge de Alvaro introduisit plus particulièrement cette coutume du Vendredi Saint au Guatemala. Peu après, elle gagna le Salvador comme il est expliqué dans le livre d'Elizabeth Bell : "L'Antigua de Guatemala".1 Les tapis rappellent l'entrée de Jésus à Jérusalem qu'on lit chaque Dimanche des Rameaux; lorsque le peuple sut que Jésus s'approchait de la ville, monté sur un âne, la foule lui tendit alors des manteaux et des branches d'arbre sur le sol en l'acclamant. (Mt 21,8)
Au El Salvador, ces tapis sont élaborés à partir d'un dessin effectué à la craie sur le sol. On applique ensuite de la sciure plongée dans la teinture depuis la veille. Le travail demande plusieurs heures et commence le matin très tôt pour se terminer dans l'après-midi. Ces œuvres représentent la plupart du temps des crucifixions ou des scènes de la passion dans des couleurs très vives. Elles sont destinées à recueillir l'effigie du corps de Jésus mort afin de lui offrir le repos et de le vénérer, lors d'une procession silencieuse qui dure plusieurs heures. Au milieu de la gravité et du recueillement de la liturgie du vendredi saint, ces couleurs invitent à l'espérance et à la foi en la Vie plus forte que la mort.