de Thomas de Parscau 24 avril 2013
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De la pierre surgit un cri, le cri d’une évidence. C’est le cri de la transcendance qui traverse toute vie, dans sa plus profonde souffrance, dans l’espérance et jusque dans la joie la plus parfaite. De la pierre surgit ce cri, cette pierre c’est le marbre du chemin de Croix de Lourdes tel que l’a réalisé Maria de Faykod. Rencontre…
Jésus tombe pour la première fois © Tous droits réservés
Si un seul mot devait qualifier l’œuvre de Maria de Faykod, ce serait : transcendance. Et ce, particulièrement pour le chemin de Croix dit de Lourdes. Chacune des dix-sept stations du chemin de Croix est traversée par une horizontalité et une verticalité qui parlent d’elles mêmes. Un chemin de Croix finit traditionnellement par la mort du Christ en Croix. Ici, il finit sur la scène de la révélation du Christ aux disciples d’Emmaüs. Là est tout le mouvement voulu par l’artiste : un mouvement qui part du bas et qui élève toujours. Au bas de chaque sculpture, les lignes sont lourdes, pesantes, épaisses, horizontales. Mais ensuite le regard trouve plus haut une verticalité qui l’amène à regarder au-delà de ce que l’on voit. Même dans les stations les plus douloureuses, les plus insensées, on trouve à travers les lignes, à travers le souffle qui agite un drapé, une invitation à regarder au-delà.
Comment une création d’une telle ampleur peut-elle surgir de l’esprit d’un artiste ? Pour Maria de Faykod, son processus de création est particulier. L’idée naît d’elle-même. Tout vient naturellement, c’est reçu. Il n’y a pas de combat en la matière. Et d’ailleurs le processus de création suit la même logique. A travers les mains de l’artiste, la matière prend forme naturellement suivant l’intuition reçue. Maria de Faykod précise que la statue préexiste à sa création. Sa mission est de rester fidèle à l’intuition reçue et d’enlever le marbre superflu pour faire apparaître la transcendance préexistante.
Maria de Faykod, française née en Hongrie, perçoit dès ses plus tendres années que la sculpture sera son moyen d’expression le plus complet et le plus profond. « Déjà toute petite il y avait une sorte de présence en moi. C’était tellement fort, c’est comme si j’étais poussée ». Ensuite ce qui est une recherche longue et exigeante pour de nombreux artistes apparaît comme une évidence pour Maria de Faykod : « Je sais que c’est la présence divine qui m’anime, c’est une évidence pour moi. C’est une présence universelle qui m’offre la sensation que Dieu est en toute chose ».
L’art devient le moyen de sublimer cette présence et de la partager : « L’art est le reflet du chemin dans lequel on est. Et puis ce don, il fallait que je l’exprime, que je le partage. C’était alors pour moi l’occasion d’un perpétuel émerveillement ». Pour vivre pleinement son art, Maria de Faykod quitte la frénésie parisienne et choisit le silence de la Provence. « A Paris cela me gênait toujours de voir comment certains galeristes voulaient influencer mon art. Maintenant je choisis le silence, mais c’est un silence tellement rempli où l’on tend toujours vers le plus grand. Chaque instant devient alors extrêmement plein et donc précieux ».
Jésus rencontre Sa très sainte Mère © Tous droits réservés
Fidèle à la démarche d’un chemin de Croix, l’œuvre de Maria de Faykod est une invitation à vivre de l’intérieur le chemin du Christ. « Je ne voulais pas insister sur l’homme qui condamne le Christ, l’homme qui flagelle le Christ et encore moins sur l’injustice et l’atrocité. Au contraire c’est plus intérieur. Le Christ vivant à l’intérieur de nous, le chemin de Croix, c’est notre propre souffrance et c’est le Christ qui la porte ». Là est tout le sens du chemin de Croix d’ailleurs dédié aux malades et aux handicapés. Malgré notre pauvre humanité, nous rentrons dans une espérance nouvelle. Maria de Faykod l’a voulu ainsi : dans chaque station il y a les prémices d’une espérance nouvelle. Par la Croix l’homme est renouvelé. Le chemin de Croix devient un chemin de compassion et de consolation.
Réaliser un chemin de Croix… Il y a un côté vertigineux à se lancer dans une telle aventure qui sera tout aussi technique qu’intérieure. Pour Maria de Faykod, c’était plus fort qu’elle. « Il fallait que j’exprime cette intuition. J’ai pris conscience que je devais dire quelque chose ». Ce quelque chose c’est une invitation à aller au-delà, à voir plus loin. « Au cœur de la souffrance profonde de la passion, il y a quand même une élévation. C’était l’occasion pour moi d’un perpétuel émerveillement ».
L’espérance qui traverse le chemin de Croix rejoint notre humanité de manière toute particulière. « Quand j’observe le monde, tout tend vers l’élévation, même le plus petit être. Et là dans le chemin de Croix, au cœur de la souffrance on trouve cette transcendance ».
Dans son expression artistique, la notion de transcendance trouve tout son sens en tant que caractère de ce qui est au-delà de tout perceptible et des possibilités de l’entendement. Ici naît une toute nouvelle mission pour l’artiste : celle de rejoindre l’homme, de le réveiller, de lui témoigner de cette transcendance qui peut nous animer et ce, même dans la souffrance la plus insensée. Et l’homme est rejoint comme le témoigne cette réaction d’un visiteur : « Je suis athée, mais c’est tellement beau qu’on a envie de croire ».
Théophanie du Christ ressuscité aux disciples d'Emmaüs © Tous droits réservés
Là est toute la mission de l’artiste : réveiller par quelque chose d’extérieur la beauté intérieure. La sculpture permet de poser les bonnes questions et d’y répondre d’une certaine manière. « Je veux emmener les gens vers eux-mêmes, au plus profond d’eux-mêmes pour qu’ils puissent y découvrir qui y habite. La mission de mon art, c’est ouvrir une petite porte ». Pour cela l’art chrétien doit être universel, il doit ouvrir en chaque personne une petite possibilité de faire une rencontre au fond d’eux-mêmes.
La véritable mission de Maria de Faykod, « … être fidèle au germe semé en moi pour transmettre cette transcendance ». Le sculpteur n’est plus seulement sculpteur. Il devient prophète.
J'avais eu l'occasion de contempler directement ce chemin de Croix, il y a quelques années au cours d'un pélérinage à Lourdes.
Ceci, c'est la marque de l'autenticité de cet art : "Maria de Faykod précise que la statue préexiste à sa création. Sa mission est de rester fidèle à l’intuition reçue et d’enlever le marbre superflu pour faire apparaître la transcendance préexistante."
Ceci la marque de sa profondeur : "C’est une présence universelle qui m’offre la sensation que Dieu est en toute chose ».
Et ceci la raison de ma profonde gratitude : « Je ne voulais pas insister sur l’homme qui condamne le Christ, l’homme qui flagelle le Christ et encore moins sur l’injustice et l’atrocité. Au contraire c’est plus intérieur. Le Christ vivant à l’intérieur de nous, le chemin de Croix, c’est notre propre souffrance et c’est le Christ qui la porte ». Là est tout le sens du chemin de Croix d’ailleurs dédié aux malades et aux handicapés. Malgré notre pauvre humanité, nous rentrons dans une espérance nouvelle. Maria de Faykod l’a voulu ainsi : dans chaque station il y a les prémices d’une espérance nouvelle. Par la Croix l’homme est renouvelé. Le chemin de Croix devient un chemin de compassion et de consolation.