d'Isabel Rodelet 17 juin 2013
Temps de lecture 3 mn
Dans un monde où règne une grande confusion quant à la féminité, l'être féminin, la place de la femme dans la société, sa vocation dans l'Eglise, Edith Stein (cf. articles : "L'art éducatif maternel" et "Edith Stein et la théorie du genre") apporte des éléments de réflexion intéressants pour aider les femmes à être plus libres et à découvrir quel est leur génie propre. En revenant sans cesse à la spécificité féminine, la grande philosophe dénonce indirectement l'idéologie égalitaire omniprésente et nous aide à redécouvrir la complémentarité entre l'homme et la femme.
© Points-Cœur
Quand Edith Stein s'interroge sur la "spécificité féminine", elle repart toujours de la nature. Si elle puise parfois dans différentes sources (philosophie, psychologie, science), elle aime surtout s'appuyer sur le livre de la Genèse pour comprendre quelle est la destination propre de la femme. A partir de ce fondement biblique, elle rappelle que Dieu a créé l'Homme à son image et ressemblance et qu'il l'a créé homme et femme. C'est par conséquent l'être humain homme et femme qui est à l'image et à la ressemblance de Dieu. Par ailleurs, chacun reçoit une mission propre. Celle de la femme est d'être compagne et mère.
C'est la nature même de la femme qui demande qu'elle s'accomplisse comme compagne et comme mère. Un germe a été déposé en elle, qui est appelé à se développer : tout son être (corps et âme) est marqué par cela. "Seul celui qu'une ardente passion du combat a aveuglé peut nier ce fait patent que le corps et l'âme de la femme sont formés en vue d'une fin particulière. (…) Son corps est doté des propriétés requises à cette fin (être compagne et mère), mais sa spécificité psychique est également à l'avenant." [1] "(…) si l'âme est la forme du corps, la différence physique doit nécessairement être l'indice d'une différence psychique. La matière est là pour la forme et non l'inverse. Cela suggère même que la différence psychique est première." [2]
Cette destination naturelle rend donc évident qu'il existe une "spécificité féminine". Edith Stein en souligne quelques caractéristiques.
La femme a une disposition à se porter sur la sphère personnelle (là où l'homme est davantage axé sur ce qui est objectif et à investir toute son énergie dans un domaine d'objets) : elle aime associer toute sa personne à ce qu'elle fait ; elle s'intéresse à la personne vivante, concrète (qu'il s'agisse d'elle-même ou des autres) ; l' "objet" ne l'intéresse que dans la mesure où il sert ce qui est vivant et personnel, mais non comme une fin en soi (elle peut en revanche se mettre au service d'un objet par amour pour une personne) ; elle s'intéresse au tout concret et non à une petite partie au détriment des autres parties. "Partager la vie d'un autre être humain, c'est-à-dire prendre part à tout ce qui le concerne, aux grandes comme aux petites choses, à ses joies comme à ses peines, mais aussi à ses travaux et à ses problèmes – c'est un don chez elle et cela fait son bonheur."
La femme se caractérise donc par une inclination naturelle à se mettre au service et à obéir, à être un appui, un soutien et à se donner totalement. Elle aspire à donner de l'amour et à en recevoir. "(…) une soif ardente de donner de l'amour et de recevoir de l'amour et, par là même, une aspiration à dépasser le cadre étroit de son existence réelle présente pour s'élever à un degré d'action et d'être supérieurs". [3]
A ces dispositions d'esprit pratique, correspond une disposition d'esprit plus "théorique" : son mode cognitif naturel est une disposition à tendre vers le concret qu'elle appréhende par l'intuition et la sensibilité (l'abstraction lui est relativement étrangère).
Les qualités qui sont les siennes ne sont pas réduites à son cercle familial le plus proche : partout où elle rencontre des êtres humains, elle peut laisser sa valeur spécifique porter ses fruits et exercer son action bienfaisante en apportant conseil, soutien, secours. Une femme qui accueille sa nature et lui permet de s'épanouir selon le dessein de Dieu, devient dès lors un "être complet" qui "s'apparente à un pilier inébranlable sur lequel de nombreuses personnes peuvent s'appuyer".
« La grande masse des êtres humains est en proie à des conflits intérieurs, manque totalement de convictions fermes et de principes solides, va à la dérive et n’a aucun garde-fou ; or, la frustration engendrée par ce genre d’existence a pour conséquence qu’elle est sans cesse à l’affût de plaisirs nouveaux et de plus en plus raffinés, afin de s’étourdir ; quant à ceux qui sont en quête d’un sérieux fond de vie, ils en arrivent bien souvent à être submergés par un travail professionnel unilatéral qui les protège, certes du tourbillon de la vie actuelle, mais qui ne leur permet pas non plus d’endiguer ce tourbillon. Pour porter remède à ce mal du siècle, il faut des êtres complets tels que nous les avons décrits, c’est-à-dire <*des êtres humains> qui soient solidement ancrés dans le fondement que constitue l’éternité, et dont la façon de voir et d’agir ne subit point l’influence changeante des opinions à la mode, des folies et des travers de la mode tout autour d’eux. De tels êtres s’apparentent à des piliers inébranlables sur lesquels de nombreuses personnes peuvent s’appuyer ; grâce à eux, elles peuvent à leur tour avoir de nouveau pour appui des bases solides. Si donc les femmes parviennent elles-mêmes un jour à devenir des êtres complets et si elles aident les autres à le devenir, elles créeront des cellules germinales saines et vivaces grâce auxquelles le corps du peuple tout entier sera pourvu de forces vitales saines. » [4]
Merci pour cet article d'une grande profondeur et d'une grande sagesse, dans lequel je me reconnais totalement. Quand notre monde ouvrira-t-il les yeux sur le fait qu'être compagne et mère n'a rien de dévalorisant, rien d'handicapant, rien de limitant ? Je voudrais crier à ces fanatiques au pouvoir de bien vouloir nous laisser être qui nous sommes, de ne pas décider pour nous quelle doit être notre place (ou plutôt notre non-place), de ne pas détruire chez des générations de petites filles ce qu'il y a de plus profond en elles et qui est si nécessaire au monde. De quel droit ?
Vous êtes libre d'être compagne et mère, de vous épanouir dans ces rôles magnifiques et difficiles.
Mais je ne suis pas moins femme aujourd'hui, sans enfant et sans compagnon, que je le serai si je croise un compagnon avec qui je décide de fonder un foyer d'amour.
Il y a tant d'amour à donner qu'il ne saurait nous astreindre à des rôles attendus. La vie est tellement plus riche que cela !
Lorsque vous serez compagne et mère, ce que je vous souhaite de tout cœur, vous aurez la joie de voir quel accomplissement c'est. Et c'est justement le tout-inattendu, ce qui vient vous surprendre et vous bouleverser, l'anti-rôle par excellence… la découverte de vous-même comme un mystère qui dépasse tellement vos conceptions les mieux armées !