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Georgia Meloni, féministe ?

Si les journaux transalpins sont unanimes sur les premiers moments historiques et sans aucun faux-pas de Georgia Meloni, mentionnés également par plusieurs opposants de longue date, celle-ci fait cependant l’objet de violentes diatribes émanant d’effigies féministes de la gauche, aussi bien du Parti Démocrate que du Mouvement Cinque Stelle.

 

Georgia Meloni

 

Finalement, la référence explicite aux racines judéo-chrétiennes de l’Europe et à la figure de saint Benoît, la citation de saint Jean-Paul II sur la question de la liberté « étoile polaire de son gouvernement » [1]Citation sur Jean-Paul II : « Le jour de la prestation de serment de notre gouvernement devant le chef de l’Etat, tombait la mémoire liturgique de Jean-Paul II. Un pontife, un homme d’État, un … Continue reading , et celle du pape Francois sur la valeur du travail et du danger de « l’assistanat » [2]Citation du Pape François : « La pauvreté ne se combat pas par l’assistanat, la porte de la dignité de l’homme est le travail sont passées presque inaperçues. C’était pourtant chose exceptionnelle que d’entendre résonner de telles références dans l’enceinte d’un parlement européen.

Madame « le » Président

Ce qui a plutôt surpris les observateurs, c’est la virulence de certaines féministes qui n’en revenaient toujours pas que la droite classique réussisse l’exploit historique de percer le toit de verre en faisant élire une femme comme président du Conseil. N’ayant que peu d’arguments à leur disposition, à part le choix de son « ministre de la famille et de la natalité », personnalité appréciée des milieux Pro-life, celles-ci se sont repliées sur une polémique linguistique. En effet, Georgia Meloni selon elles, dans un réflexe « neo-fasciste et patriarcal » a maintenu, par fidélité à la grammaire italienne encore en vigueur, le titre de « Madame le Président du Conseil » – et non « la Présidente » – en référence à la fonction exercée et non à sa personne.

Des femmes exceptionelles

Pourtant, Georgia Meloni, dans son discours introductif au Parlement précédant le vote de confiance, avait osé bien davantage sans que personne n’y prenne gare. Dans la longue liste de personnalités de femmes auxquelles elle rend hommage [3]Des femmes qui ont osé, par élan, par raison ou par amour. Comme Cristina (Trivulzio di Belgioioso), élégante organisatrice de salons et de barricades. Ou comme Rosalie (Montmasson), assez têtue … Continue reading , la dernière d’entre elle, Chiara Corbella, est une surprise inattendue. Jeune mère de famille celle-ci décède dix jours après la naissance de son enfant au prix d’un choix héroïque. C’est peut-être dans ce choix moins emblématique et plus personnel que se dévoile en grande partie la « contribution féministe » de Georgia Meloni. Car pour elle, la question de la femme et celle de la maternité restent intimement liées.

 

Chiara Corbella Petrillo (Source)

 

Ci-dessous la traduction d’un article [4]Publié le 28 octobre dans Il Giornale.it sur Chiara Corbella Petrillo, citée par Georgia Meloni:

Maria Anselma cuisinait, Roberto, dans la pièce voisine, aidait en mettant la table. C’est un jour ordinaire dans la maison des Corbella. Puis le son du téléphone portable accompagné de la vibration. C’est un ami qui écrit. Roberto lit le message WhatsApp mais n’y croit pas : « Le président du Conseil a nommé Chiara » , est-il écrit. C’est le premier. Peu de temps après, un autre arrive, puis un autre. Roberto commence maintenant à penser que ce ne sont pas des hallucinations. Il allume la télévision et appelle sa femme.

Des images du discours de Giorgia Meloni défilent sur l’écran : « Je pense aussi, avec révérence, à ceux qui ont construit avec les planches de leur exemple l’échelle qui me permet aujourd’hui de grimper et de briser la lourde verrière au-dessus de nos têtes » , scande le nouveau premier ministre. Au panthéon des femmes « qui ont osé par élan, par raison ou par amour » , il y a aussi Chiara Corbella Petrillo. Le sien est le dernier des seize noms évoqués par Meloni. Il est là comme un sceau, comme pour dire qu’en fin de compte, l’amour est le plus universel et le plus fort des exemples. C’est ce qui fait bouger le soleil et les autres étoiles, dit Dante. Quelle était son émotion ? Roberto n’a aucun doute : « C’est grand et inattendu, nous ne nous y attendions pas vraiment, j’ai mis du temps à me convaincre que c’était vraiment arrivé ». « C’était beau, émouvant et en même temps consolant. Nous sommes fiers que Chiara ait rejoint un groupe de femmes qui ont tant donné au pays » , fait écho son épouse.

 

Chiara et Francesco (Source)

 

Tous deux sont assis autour de la table du salon, feuilletant des coupures de journaux, des photographies, des lettres. Ils racontent l’histoire d’une petite fille aux yeux doux, qui jouait du piano puis du violon, s’amusait à être un modèle en montant et en descendant les escaliers à la maison. « Un enfant insouciant comme tant d’autres qui, même à un très jeune âge, parlait à Dieu. Chaque jour, elle prenait le temps de prier et d’interroger le Seigneur, elle écoutait » , se souvient Maria Anselma. C’est là, dans ce dialogue constant et franc, parfois presque confidentiel, qu’elle a toujours trouvé clarté et réponses. Comme lorsque, à 18 ans, elle a choisi Enrico Petrillo, le garçon qui allait devenir son mari. Après six ans de fiançailles, caractérisées par des hauts et des bas, ils ont décidé de se marier le 21 septembre 2008 à Assise. Au retour de son voyage de noces, Chiara découvre qu’elle est enceinte.

Cinq mois passent et les médecins lui annoncent que le bébé, Maria Grazia Letizia, naîtra avec une malformation rare du crâne. Beaucoup lui ont conseillé d’interrompre sa grossesse, mais elle a choisi de la mener à terme. Elle fera de même avec son deuxième fils, Davide Giovanni, atteint d’une malformation viscérale. « Le diagnostic pour les deux était une incompatibilité avec la vie, mais Chiara a voulu les accompagner, nous permettant ainsi de les connaître et de les embrasser, même si c’était pour un temps très court » , racontent ses parents, émus. En 2010, une nouvelle grossesse est arrivée. Chiara l’a accueillie avec enthousiasme. Le bébé est en bonne santé, en parfaite santé. Cette fois, cependant, c’est la santé de la mère qui vacille. D’abord une blessure sur la langue, puis des examens qui confirment les pressentiments les plus sombres : il s’agit d’un carcinome et une intervention immédiate est nécessaire.

 

Chiara visitant le Pape Benoit XVI avec sa famille (Source)

 

« Elle a subi une première opération, très douloureuse mais sous anesthésie locale, donc sans danger pour la santé du bébé qu’elle portait. Dans ces cas, la procédure implique une deuxième opération pour retirer les ganglions lymphatiques, ce qui est plus risqué et sous anesthésie générale », explique le père. À ce moment-là, la jeune femme se trouve à la croisée des chemins. Sa clarté de pensée habituelle et son assurance la guident dans une direction inconnue et impénétrable . Elle se fera opérer à nouveau, mais pas à ce moment-là : elle veut d’abord donner naissance à son fils Francesco. Le bébé est né le 30 mai 2011. Il est aussi beau que sa mère. Le 3 juin, Chiara a subi la deuxième partie de l’opération. Elle commence également une chimiothérapie, mais « le dragon » , comme elle l’appelle, a maintenant tout pris : ganglions lymphatiques, poumons, foie. Il a même atteint son œil droit. Elle le recouvre d’un pansement lorsque la maladie vient brouiller même sa vision.

Le 13 juin 2012, Chiara est décédée entourée de l’affection de ses proches. « Jusqu’alors, j’avais toujours cru qu’entre la vie de la mère et celle de l’enfant, il était plus logique et raisonnable de donner la priorité à la première, mais Chiara m’a montré une autre voie » , poursuit Roberto. « Si elle avait pris la direction que j’avais imaginée, nous n’aurions pas eu la certitude de l’avoir encore à nos côtés et nous n’aurions certainement pas eu Francesco ici » . Cet enfant qui a maintenant 11 ans est l’incarnation de l’amour pour lequel on peut tout défier. « Il ressemble beaucoup à Chiara, pas seulement physiquement : il a son caractère, ses penchants. Le tenir dans mes bras, c’est comme si je pouvais à nouveau la serrer dans mes bras » , dit Roberto, cette fois sans pouvoir retenir ses larmes.

Cette jeune mère de famille, décédée à seulement 28 ans, n’est pas allée sur la lune, n’a pas été la première femme à obtenir des postes institutionnels prestigieux, n’a pas obtenu le prix Nobel, ni accompli des exploits miraculeux. Sa grandeur réside dans sa simplicité et dans le sillage lumineux de foi et de courage qu’elle a laissé derrière elle. Peut-être deviendra-t-elle une sainte à l’issue du processus de béatification ouvert par l’Église catholique en 2018. « Elle a toujours vécu avec sérénité, réussissant à trouver le côté positif même dans ce qui aurait pu sembler tragique, une leçon précieuse en ces temps d’incertitude et de crise » , explique sa mère. Dans ses mains, elle tient la dernière lettre que Chiara a écrite à Francesco le jour de son premier anniversaire. C’est dans ces mots que réside la force perturbatrice de son message : « Si tu éprouves un amour véritable, tu te rendras compte que rien ne t’appartient vraiment, car tout est un don » .

 

References

References
1 Citation sur Jean-Paul II : « Le jour de la prestation de serment de notre gouvernement devant le chef de l’Etat, tombait la mémoire liturgique de Jean-Paul II. Un pontife, un homme d’État, un saint, que j’ai eu le privilège de connaître personnellement. Il m’a appris une chose fondamentale, que j’ai toujours conservée précieusement comme un trésor. « La liberté », disait-il, « ne consiste pas à faire ce qui nous plaît, mais à avoir le droit de faire ce que nous devons ». J’ai toujours été une personne libre, alors j’ai l’intention de faire ce que je dois faire
2 Citation du Pape François : « La pauvreté ne se combat pas par l’assistanat, la porte de la dignité de l’homme est le travail
3 Des femmes qui ont osé, par élan, par raison ou par amour. Comme Cristina (Trivulzio di Belgioioso), élégante organisatrice de salons et de barricades. Ou comme Rosalie (Montmasson), assez têtue pour partir avec le Mille qui a construit l’Italie. Comme Alfonsina (Strada) qui a pédalé fort contre le vent des préjugés. Comme Maria (Montessori) ou Grazia (Deledda) qui, par leur exemple, ont ouvert les portes de l’éducation aux filles de tout le pays. Et puis Tina (Anselmi), Nilde (Jotti), Rita (Levi Montalcini), Oriana (Fallaci), Ilaria (Alpi), Mariagrazia (Cutuli), Fabiola (Giannotti), Marta (Cartabia), Elisabetta (Casellati), Samantha (Cristoforetti), Chiara (Corbella Petrillo
4 Publié le 28 octobre dans Il Giornale.it
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