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Que ma joie (de rire) demeure

Clément Imbert   21 juin 2013
Temps de lecture 3 mn

Comment rendre le solfège intéressant dès la première minute ? Voici le défi pour le moins original que s’est lancé Alexandre Astier dans son spectacle « Que ma joie demeure » donné en 2012 au théâtre du Rond-Point. Pour cela, le célèbre roi « Arthur » de la série Kaamelott dont il est aussi le réalisateur, a choisi de mettre en scène son vieil et improbable ami Jean-Sébastien Bach, « ni Jean-Séba, ni Jeanjean, ni vieille branche, ni coucouille, c’est Herr Kapellmeister, terminé ! ». C’est en effet en tant que maître de chapelle de l’église Saint-Thomas de Leipzig que le grand compositeur apparaît sur scène pour donner une leçon de musique à l’occasion des portes ouvertes de l’église.

Et nous y découvrons un personnage auquel nous n’aurions pas tellement pensé mais que nous n’avons pas de difficulté à reconnaître. Jean-Sébastien Bach est le génie que nous connaissons et que la détestation de tout ce qui est médiocre rend insupportable, ce que l’humour décalé d’Astier rend admirablement. Il est ce mathématicien de la musique qui déploie son travail sur une architecture et une rigueur tout à fait implacable. Il est ce grand esprit incompris obligé de faire face à des paroissiens retors, un accordeur d’orgue alcoolique et des élèves-musiciens médiocres. Il est ce père de famille frustré qui partage au détour d’une portée sa douleur d’avoir perdu autant d’enfants à la naissance.

Tous ces éléments ne semblent pas très idéals pour réaliser un spectacle humoristique, pire même on redoute que ce grand musicien ressorte égratigné par un mauvais interprète ou un satyre. Il ne fallait rien de moins qu’un autre génie pour relever ce défi.

Avant d’être comédien et acteur, Alexandre Astier a étudié la musique au conservatoire et à l’American School of Modern Music de Paris. Le clavecin qui se trouve sur scène n’est pas là simplement pour décorer, il est en réalité, en compagnie du tableau où est dessinée une portée musicale, le véritable interlocuteur d’Astier alias « Bach » durant tout le spectacle. Et le comédien musicien, dans la peau de l’ingénieur-compositeur, nous fait rentrer dans le génie trop lourd à porter du créateur, avec finesse, intelligence, compétence, et surtout… avec humour.

Que l’on ait toujours voulu tout savoir sur le contre-point ou que l’on n’ait jamais distingué une sonate d’une fugue. Que l’on sache parfaitement ce qu’est un tempérament mésotonique ou que l’on ne sache pas distinguer une gamme majeure d’une autre gamme mineure. Que l’on soit un grand passionné de Bach ou que l’on craigne de passer pour un terrible ignorant. Que l’on soit déjà un grand fan d’Astier et de sa série devenue culte Kaamelott, ou que l’on soit un néophyte. Ce spectacle s’adresse à tous. « Que ma joie demeure »  est une remarquable leçon de solfège pour un débutant comme pour un musicien confirmé. L’on y retrouve un Alexandre Astier fidèle à lui-même, maniant magnifiquement la langue française tout en plaçant ses tournures verbales totalement anachroniques déjà caractéristiques du roi Arthur de Kaamelott.

Au fur et à mesure du spectacle (ou des interviews données autour), nous découvrons combien Astier s’est imprégné de ce personnage au point qu’on ne sait plus bien ce qui est de l’ordre de la composition et ce qui est « basé sur des faits réels ». Ce qui est bien réel en revanche, c’est la sonate qui surgit en plein pique-nique du maître de chapelle, à partir de la position des miettes de pain dans le moule « en imaginant qu’il y a une portée… et si jamais on le tourne comme ça… ré-si-fa-ré-fa-fa » et après un exercice prodigieux d’émondage de la première ébauche avec l’aide du clavecin :

Ce qui est bien réel aussi c’est le dictionnaire universel de la musique présenté sous nos yeux avec une simplicité que nous n’aurions jamais osé espérer. A ne pas manquer « une petite combine pour la musique asiatique… » (à partir de 5’00) :

Ce qui est bien réel, ce sont les règles extrêmement précises qui président à la grande musique de Bach et que le comédien transmet avec brio :

Il ne fallait rien de moins qu’un véritable disciple pour réussir le tour de force d’allier le spectacle musical, le cours de solfège, une franche rigolade et un hommage authentique à Jean-Sébastien Bach. L’humour que nous découvrons dans ce spectacle d’Alexandre Astier donne le goût des grandes choses, il intègre une véritable exégèse de la beauté et  permet ainsi dans une ambiance très « bon enfant » de se réapproprier l’un des trésors de la musique, de la culture.

Beau, fin, drôle, bravo Herr Kappellmeister !

 

Consultez ces interviews sur son spectacle, où Alexandre Astier prolonge l’identification à Jean-Sébastien Bach :

 

Retour dans la peau d’Alexandre Astier qui partage sa fascination pour Bach :

Et « Vous en êtes où au niveau solfège ? » :

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2 Commentaires

  1. Antoine R.

    Je consière que le sketch sur les miettes de pain résume en 5 minutes ce que peut-être un exemple de création artistique : Réalité quotidenne, idée, bouffonnerie, travail, tout est si bien mélé intimement, que le processus en lui même est magnifique à observer !

    Merci Clément pour cet article.

    A noter qu'une tournée dans 7 villes françaises a lieu à l'automne pour ce spectacle et qu'un DVD du spectacle sort aussi.

  2. Très très hâte de voir ce spectacle fin septembre à la Cité de la Musique (musicien + fan de Kaamelott oblige…)

    Billets achetés dès le premier de jour de vente, ils sont partis comme des petits pains !!!! J'ai eu de la chance…