de Renee Kurz 01 juillet 2013
Temps de lecture 3 mn
« Danser me permet de voir qui je deviens » disait Kiana, une étudiante de première année du lycée catholique pour filles John W. Hallahan (au centre de Philadelphie). A l'automne dernier, elle a ajouté mon « Introduction à la danse » à son planning sans penser qu’elle pourrait réorienter toute sa vie, ou lui donner un but plus clair.
CC BY-NC-SA Guillaume Laurent
Tout ce qu’elle savait c’est qu’elle aimait bouger, et elle a supposé que ce cours la laisserait faire sans poser de questions. La même chose était vraie pour son amie Jamie qui n’avait jamais pris un vrai cours de danse jusque là et qu’on n’avait jamais crue capable de se mouvoir avec attention et intention. Au mois de mai dernier, elle inspirait de nouvelles chorégraphies et s’exprimait d’une façon plus vraie et plus affirmée. Avec elles et mes 25 autres élèves, nous avons pu aller plus en profondeur, et comme le disait Jannine, une autre étudiante de première année : « La cause de nos mouvements est que Dieu nous a créés parfaits à Ses yeux. Maintenant je ne danse plus seulement pour danser. Je danse parce que j’ai un but : exprimer mes mots physiquement ».
Qu’y avait-il donc dans l'expérience qu'ils ont faite dans ma classe pour provoquer une telle transformation, une telle réflexion ? Comment se fait-il que chacune de mes élèves ait pu créer son propre mouvement et se donner avec une plus grande confiance, pleine de foi ? Je me propose de réfléchir avec vous maintenant pour découvrir quelques réponses à cette question et rendre grâce pour la mission qui m’a été donnée de concevoir ce programme qui donne la vie. Par mon expérience et leurs paroles, je veux vous entraîner dans ces petits miracles d’espérance qui naissent chaque jour de ma rencontre avec ces jeunes femmes. Je vous offre cet aperçu pour vous donner l'espérance que la lumière illumine toute obscurité qui menace de couvrir nos jeunes femmes. Par un sens plus incarné du don de soi à travers l'art de la danse, un feu a été allumé dans le cœur de mes élèves qui à leur tour ont allumé le feu d'une vie nouvelle dans leur école ; un incendie qui, je l'espère, brillera de l'intérieur de ces murs jusqu'au cœur de la ville pendant de nombreuses années.
Ma mission dans cette classe porte moins maintenant sur la façon dont elles dansent, mais davantage sur pourquoi elles dansent et sur ce qui les meut intérieurement. J'ai invité mes étudiantes à danser d'une façon qui les introduise à ce qu'elles étaient réellement appelées à être comme jeunes femmes ; qui les valorise à travers des phrases de mouvements, qui intègrent le cœur des vertus et la largeur des éléments de la danse – temps, espace, et énergie. Tous les jours, j'en apprends plus sur la façon de réaliser et d'offrir cette intégration à ces jeunes, en m'efforçant de relier ce qui est familier, dans leur culture noire urbaine, à ce qui est fondamental dans la foi et l'intégrité artistique. En fin de compte, mon cours était de leur apprendre à être de dignes et belles jeunes femmes, pour qu’elles s’offrent elles-mêmes aux autres. Manquant de modèles dans la culture pop pour soutenir et nourrir cette image, ces jeunes femmes ont souvent une vision limitée et dégradante, de leur rôle en tant que femmes.
Pendant notre spectacle de danse, en mai, j’étais en admiration pour ces jeunes femmes qui m’avaient fait confiance, prenant le risque de franchir les murs de leur monde de hip-hop et de s'ouvrir à une nouvelle façon de se regarder elles-mêmes, de regarder les autres. Notre vrai « moi », est tellement plus grand que ce que notre personnalité peut communiquer. Même si nous connaissons profondément cette vérité, beaucoup de choses viennent et limitent une vraie communication de cette personnalité. Que ce soit un contexte familial, des influences sociales, ou des expériences blessantes, chaque personne rencontre différents obstacles qui contribuent à réduire l'expression de son vrai « moi ». Pour ces jeunes femmes qui sont particulièrement vulnérables, les obstacles sont nombreux : l'influence négative des idoles de la culture dominante, les familles brisées et les maisons sordides, et, plus particulièrement, la menace contre leur dignité de femmes. Apprendre à connaître des femmes influentes à travers l’histoire de la danse moderne américaine, étudier l’origine de notre danse dans la culture afro-américaine, et réfléchir sur les tendances culturelles actuelles, a permis à mes danseuses de découvrir de nouvelles façons de surmonter ces obstacles et de garder pour toute leur vie les leçons de la salle de danse. Comme Jennifer, une danseuse de deuxième année, l’a si bien dit : « En cours j’ai appris à rejoindre mon ancien moi. Cela peut s'appliquer à la danse et à ma vie car il y a toujours plus que je puisse faire pour que le monde devienne un endroit meilleur. Grâce à la danse vous êtes capables d'être vous-mêmes, libérés de toutes les chaînes de la société. Ne soyez pas effrayés d’être vous-mêmes. Laissez la danse saisir qui vous êtes et raconter votre histoire. »
Les paroles de Jennifer correspondent à ce que j’ai pu vivre au début de ce programme de danse. Sachant que j’étais appelée à élever l’expérience de la danse dans la vie de jeunes femmes, j'ai cherché une occasion où ma vision et mon désir seraient accueillis. Quand l'occasion s'est présentée de venir au collège Hallahan, je me suis sentie pauvre, complètement dépassée par une telle mission, et je craignais que mes élèves ne répondent pas à ce que j'avais à leur offrir, car cela semblait tellement loin de leur expérience. Tout ce que je me sentais capable d'offrir c'était mon vrai moi, et, ce faisant, j'ai été témoin de la coopération de mes élèves et de leur désir de révéler leur véritable identité. Maintenant, à la fin de ma première année, je suis très émue par la manière dont mes élèves ont répondu à ce que j'avais à leur offrir. Paola, une danseuse de troisième année, a donné ces mots d'encouragement : « La danse peut apporter l'espérance au monde car elle enseigne le respect ; le respect du corps, de nous-même, et des autres. La danse est notre guide pour une vie meilleure, pour notre joie, elle a un pouvoir sur nos actions. C'est l'histoire de notre vie que les gens voient à travers notre danse, seulement la nôtre, celle de personne d'autre. Danser, c'est comme donner ou montrer, au monde, quelle personne vous êtes. »
C’est seulement en sachant d'où nous venons – de Dieu qui est Amour – que nous savons réellement où nous allons – vers l'Amour. Seulement en sachant d’où notre danse est originaire – de nos racines culturelles, de nos ancêtres – que nous savons où notre danse est censée nous mener – vers une meilleure compréhension de qui nous sommes. Mon but ultime pour mes élèves était de savoir et d'exprimer, selon leur vrai "moi", cette certitude et vérité : savoir d'où elles viennent et où elles vont. Je vous laisse avec les paroles de Katie, une danseuse de première année : « La danse est une façon d’unir notre passé à la compassion, à l'amour de la vie que nous avons aujourd'hui, et à espérer en l'avenir. Ceux d'entre nous qui dansent sont vraie expression du royaume intérieur de leur âme et de leur corps. »