de Bruno Blaise 29 août 2013
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Hélie de Saint Marc, qui vient de mourir, connut un destin exceptionnel. Ne serait-ce que parce qu'au cours de sa longue vie il fut successivement l'homme de l'humiliation, de l'engagement, de la proscription avant d'être finalement réhabilité.
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Humiliation : au printemps 1940, un adolescent de 18 ans assiste à Bordeaux à l'arrivée de l'armée française en déroute. Il entre dans la Résistance et est déporté au camp de Langenstein.
Engagement : en 1945, il s’engage dans la Légion étrangère. Avec l'armée française, il plonge dans une guerre incertaine en Indochine.
Proscription : en avril 1961, malgré son sens aigu de l’obéissance, il a participé au putsch d’Alger car il était opposé à la politique du général De Gaulle et voulait éviter la rupture brutale avec l’Algérie qui a eu des conséquences si catastrophiques. Après l'échec du putsch, il connaît la prison.
Réhabilitation : longtemps, Hélie de Saint Marc reste silencieux, puis écrit et publie des livres très appréciés. Il est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur. Le 28 novembre 2011, Nicolas Sarkozy lui remet la Grand-Croix de la Légion d'honneur
J’ai eu la grande chance de rencontrer Hélie de Saint-Marc à diverses reprises. Ses écrits, son témoignage et sa personnalité m’ont profondément marqué. A la suite de sa conférence remarquable à Tulle en octobre 1997, il me dédicace son livre "Modestes mémoires pour que tout ce passé éclaire l'avenir". Il était très ému parce que c’était la première fois qu’il revenait à Tulle où il avait été emprisonné 6 ans.
Le 16 décembre 2004, avec mes 4 enfants nous avons passé la plus belle soirée de notre vie chez lui à Lyon.
Il nous a reçus à diverses reprises dans son domicile de La Garde Adhémar, proche de notre maison de la Drôme. La première fois, il m’a prêté de très belles cassettes pour les recopier. La dernière fois en septembre 2012, il nous a dédicacé 3 livres.
Dans ses magnifiques livres (dont celui que je préfère est L’aventure et l’espérance) cités en annexe, il nous raconte sa vie exceptionnelle et retrace une partie de l’histoire de la France de 1940 à 1962.
Il avait une droiture exceptionnelle et j’ai été frappé par son humilité, son écoute et ses messages d’espérance malgré les nombreuses épreuves vécues en affrontant avec courage et dignité le nazisme, le communisme, la décolonisation et la prison.
Voici certaines de ses paroles qui résument bien sa personnalité exceptionnelle et ses hautes valeurs morales :
« L'écriture et la parole ne sont pas des feuilles volantes que l'on détache et froisse selon les humeurs. Les mots nous engagent autant que les actes.
Je tiens le courage en haute estime car il me semble contenir toutes les autres vertus.
La vérité n'est pas toujours dans la lumière. Il existe en chacun de nous une dissonance, une fêlure. La dualité nous habite : l'étincelle jaillit du choc de nos natures opposées.
La réussite telle qu'on la mesure aujourd'hui, à l'aune de l'argent, est-elle compatible avec la tenue et la dignité qui font l'honneur de vivre ?
Les adolescents d'aujourd'hui ont peur d'employer des mots comme la fidélité, l'honneur, l'idéal ou le courage. Je voudrais leur expliquer comment les valeurs de l'engagement ont été la clé de voûte de mon existence, comment je me suis brûlé à elles, et comment elles m’ont porté. La noblesse du destin humain, c'est aussi l'inquiétude, l'interrogation.
La soif de paraître est une passion terrible qui détruit l'humanité dans l'homme. Elle est insatiable. Elle assèche la source intérieure. Je préfère ceux qui cherchent à s'élever, ce qui est tout autre chose. Leur chemin intérieur passe par la patience et le dénuement.
Le souvenir n'est pas une tristesse, mais une respiration intérieure. Il est le signe que quelque chose s'est réellement passé dans notre existence.
Que dire à un cadet ? Peut-être, avec pudeur, lui glisser dans le creux de la main deux ou trois conseils : mettre en accord ses actes et ses convictions ; pouvoir se regarder dans la glace sans avoir à rougir de lui-même ; ne pas tricher, sans doute le plus difficile ; pratiquer et tâcher de concilier le courage et la générosité ; rester un homme libre.
Il y a un temps pour tout ; un temps pour vivre et un temps pour se battre, un temps pour aimer et un temps pour témoigner. Pour moi est venu le temps de la contemplation, encore et toujours essayer de comprendre. »
Principales Publications
1995 : Les Champs de Braise, mémoires – Perrin (Prix Femina Essai).
1999 : Les sentinelles du soir – Editions Les Arènes.
2000 : Indochine, notre guerre orpheline – Editions Les Arènes.
2002 : Notre Histoire (1922 – 1945) avec August von Kageneck – Editions Les Arènes.
2010 : L’aventure et l’espérance – Editions Les Arènes.
A lire également : Hélie de Saint Marc et les 50 ans de l'Algérie
Il me semble que sa participation au putsch de 1961 etait moins due à un attachement à l' " Algérie française " qu'au désir de ne pas abandonner les harkis, ces soldats musulmans ayant combattu avec l'armée française. Il avait été trés marqué par l'abandon, dans des conditions similaires, de soldats vietnamiens en Indochine.