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Hayao Miyazaki, la fraîcheur d’un regard

   Lorsqu’un adulte européen s’assoit pour regarder un dessin animé, vous pouvez être quasiment sûrs que ce qu’il regarde est en fait destiné aux enfants. Il n’en va pas ainsi au Japon, où le dessin animé est admis par tous comme une forme d’art à part entière, destinée à tout type de public. Ces différences culturelles ne sont pas sans influences sur la carrière internationale de Hayao Miyazaki, qui vient d’annoncer son départ à la retraite. Âgé de 72 ans, le réalisateur, scénariste et producteur populaire dans le monde entier a changé la manière dont nous percevons aujourd’hui les dessins animés. Il y aurait bien des choses à dire à son sujet, du récit de sa vie à l’impact de son œuvre sur le dessin animé japonais, mais je voudrais ici me concentrer sur l’enseignement que nous pouvons tirer de ses films, et qui nous révèlent certains traits de sa personnalité.


Hayao Miyazaki CC BY-SA Thomas Schulz

Ses thèmes les plus récurrents, ceux qui traversent tous ses films, sont l’écologie, la guerre et les relations humaines. Ce qui intéresse Miyazaki, ce sont les personnes humaines et la manière dont leurs actions ont une influence sur le monde. Cependant, il fait bien davantage que de nous mettre en face de problèmes et de nous proposer des solutions. Il veut nous pousser à réfléchir, quitte à faire naître en nous des questions dont il ne nous donne pas la réponse. Par exemple, dans Nausicaä de la vallée du vent, il pose le problème de l’interférence de l’homme dans l’ordre naturel et nous pousse à réfléchir sur la façon dont nous pouvons agir sur la nature. Un autre thème fréquent est celui de la beauté. Dans Le Château ambulant (basé sur le roman de Diana Wynne Jones) il nous montre avec beaucoup de simplicité que l’apparence importe peu. Le monde dans lequel son histoire se déroule est pourtant le même que le nôtre, c’est-à-dire un monde dans lequel une personne qui présente bien est plus facilement acceptée en société. Et c’est dans ce monde là qu’il donne vie à Sophie, le personnage féminin principal, dont l’apparence est très commune. Plus : au cours de l’histoire Sophie subit une transformation, et se voit changée en vieille femme ! Le héros, quant à lui, est un jeune homme avec l’apparence que l’on attend d’un héros. Forts des stéréotypes du genre, nous nous attendons donc à ce qu’il rencontre une princesse répondant aux mêmes critères… et cependant c’est Sophie qu’il rencontre, elle qui n’a rien de l’apparence d’une princesse. Mais Miyazaki va plus loin, et il nous montre comment Sophie embrasse sa soudaine vieillesse, avec humilité et – chose peu commune au Japon – miséricorde.


Image du dessin animé Le Château ambulant CC BY-NC-ND missy & the universe

A travers ses films transparaît la personnalité de Miyazaki. Peut-être trouverez-vous que ses thèmes sont assez communs, et que ce n’est pas exceptionnel pour un film de traiter de sujets tels que la guerre, la beauté et l’amitié. Ce qui est exceptionnel en revanche, c’est qu’il soit resté malgré tout fidèle à ces thèmes, malgré le fait qu’ils soient si communs et qu’il soit si difficile de dire quelque chose de neuf à leur sujet. Il faut cependant préciser que, du point de vue d’un japonais (car son audience reste avant tout japonaise) la manière dont il aborde ces sujets est une chose très nouvelle. Le Japon, en effet, n’est pas une culture dans laquelle on dévoile facilement son jugement sur les choses, sa vie intérieure, de telle sorte qu’il y a dans l’œuvre de Miyazaki, de ce point de vue, un courage et une force de conviction qui la situent à part.

Hayao Miyazaki vient d’annoncer qu’il mettait fin à sa carrière. Il nous avait préparé à cette retraite en annonçant que, passé 70 ans, il ferait encore un film puis se retirerait. Son dernier film, Le Vent se Lève, lui a demandé cinq ans de travail. Sans aucun doute, Miyazaki peut aujourd’hui se retirer en paix, avec la joie d’être allé jusqu’au bout de son art.

d'Anna Karwatka

 

Bande annonce du dessin animé Le vent se lève


 
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1 Commentaire

  1. CIément

    Merci Anna pour ce bel hommage à Miyasaki qui a totalement changé ma manière de regarder les dessins animés. Merci aussi de nous faire entrer plus en profondeur dans les subtilités de la culture japonaise. 

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