Home > Cinéma, Théâtre > Le Garçon et le Héron

Le dernier chef d’œuvre du maitre Miyasaki, le Garçon et le Héron, vient enchanter nos esprits et nous fait entrer avec humour, délicatesse et un zeste d’originalité dans un tableau vivifiant qui remet les dimensions du temps et de l’espace dans leur vraie justesse. Le film est sorti dans les salles françaises le 1er Novembre dernier et a crée la surprise dès ses débuts en se situant à la première place du box-office et en passant la barre du million d’entrées dès la deuxième semaine.

 

 

Si les œuvres de Miyasaki ont toujours remporté un succès en France, ce dernier-né le dépasse de loin (à titre d’exemple, un nombre d’entrées déjà largement au-dessus du Voyage de Chihiro).  Les critiques sont quasi unanimes de louanges. Qu’est-ce qui touche tant de spectateurs dans cette œuvre ?

Au Japon, les toutes premières critiques des spécialistes étaient contrastées et Miyasaki avait répondu « Peut-être que vous n’avez pas compris le film. Moi non plus je ne le comprends pas. » [1]1. extrait d’un communiqué lu à l’issue de la première projection privée réservée aux employés du studio Ghibli En sortant de la projection, il est vrai en effet que « comprendre » n’est pas le mot qui s’applique à ce film. « Enchanté », « surpris », « heureux », « libérant » oui, mais pas « compris ».

Il me semble que le charme et la beauté de ce film ne tiennent pas uniquement dans l’histoire (au demeurant très belle) mais à une entrée dans une contemplation qui vient déstabiliser et assouplir la logique linéaire si chère à nos esprits scientifiques et également empreinte de la beauté et de la profondeur toute asiatique. Pour prendre une comparaison, c’est plus comme un tableau de Sean Scully : une apparence qui en appelle une autre, un mélange bienheureux, une interaction de couleurs qui évoquent très fort l’amitié et attirent à autre chose. C’est un Royaume.

Une dimension que j’ai particulièrement aimée est celle de l’espace et du temps. C’est un film fantastique et l’on passe constamment d’un lieu terrestre (la maison de Natsuko) à un autre monde (la Tour mystérieuse, porte d’entrée d’un autre monde), d’un temps présent au passé (Mahito rencontre sa mère décédée dans le présent en petite fille dans ce monde merveilleux et inquiétant à la fois) qui engendrent le futur.

Ferdinand Ulrich l’explique infiniment bien (ou plutôt Schindler parlant du génie de son père) :

« D’une part, le présent n’est pas opposé au passé, mais en est l’éclosion, il prend possession de ce qui est donné de façon complète et intégrante. La liberté du présent est entièrement enracinée dans la réalité et jaillit d’une mémoire pleine de reconnaissance. D’autre part, cette explosion est à comprendre dans le sens d’une ouverture plutôt que d’un simple fait accompli. Le présent est ouvert au futur : il a la forme de l’espérance, c’est-à-dire d’un « pas encore » qui est dans l’attente, mais qui est aussi ordonné et qui donc, en ce sens, est déjà une expression de la plénitude. » [2]2. David Schindler. La métaphysique de Ferdinand Ulrich. Editions Chora, p.107

Mahito qui souffre du décès de sa mère part dans ce monde étrange pour trouver sa tante Natsuko (nouvelle épouse de son père). Ce voyage initiatique lui fait retrouver sa mère, décédée dans un incendie de l’hôpital où elle travaillait, qui est une petite fille altruiste aux pouvoirs magiques.

Dans l’une des scènes finales, quand ils repartent par les portes du temps pour revenir dans le monde, sa mère choisit de repartir dans le passé et Mahito l’arrête en lui disant « tu vas mourir dans l’incendie » mais elle lui répond « oui mais avant, je te mettrai au monde, ce sera tellement beau ». Doucement, il apprend aussi à aimer sa tante, enceinte, et qui sera la personne présente de son futur. Une logique pas du tout psychologisante mais unifiant la vérité du passé, du présent et du futur.

L’unité, la bonté, le charme et l’humour de ce chef d’œuvre sont à apprécier !

 

References

References
1 1. extrait d’un communiqué lu à l’issue de la première projection privée réservée aux employés du studio Ghibli
2 2. David Schindler. La métaphysique de Ferdinand Ulrich. Editions Chora, p.107
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