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Hayao Miyazaki : figure du cinéma d’animation japonais

Depuis le mercredi 1er novembre 2023, les salles de cinéma françaises projettent le dernier chef d’oeuvre du réalisateur de film d’animation japonais âgé de 82 ans : Hayao Miyazaki, co-fondateur des studios Ghibli et réalisateur oscarisé en 2001 pour le Voyage de Chihiro. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des cinéastes les plus accomplis de l’histoire des films d’animation et signe son dernier film, Le Garçon et le Héron, après dix ans d’absence.

Le Garçon et le Héron relate l’histoire de Mahito, un jeune garçon de onze ans, qui perd sa mère dans un incendie et doit quitter Tokyo pour partir vivre à la campagne. Il s’y installe avec son père où il fait la rencontre d’un guide qui, au fil de ses découvertes et questionnements, l’aidera à comprendre le monde qui l’entoure afin de percer les mystères de la vie. Le film destiné à son petit-fils s’inspire de deux romans et indéniablement de la vie de Miyazaki.

Hayao Miyasaki, de sa personne à la naissance d’un personnage et d’une histoire qui se dessine

Hayao Miyazaki

Hayao Miyazaki est né le 5 janvier 1941 à Tokyo dans un Japon ravagé par les bombardements américains. Il grandit dans une famille japonaise prospère. Son père, Katsuji Miyazaki, ingénieur aéronautique, dirigeait l’entreprise familiale Miyazaki Airplane qui s’enrichissa au cours de la seconde guerre mondiale. Sa mère, Yoshiko, souffre pendant huit ans d’une forme de tubercolose sévère alors qu’Hayao était alors agé de six ans. L’enfance de Miyazaki marquera indéniablement l’ensemble de sa filmographie. Le réalisateur aborde sous une forme visible ou invisible, les thèmes de la guerre, des bombardements et de l’aéronautique. Toutefois, le fil rouge omniprésent dans chacun de ses longs métrages reste le personnage de la femme, parfois souffrante, représentant Yoshiko Miyazaki, la mère d’Hayao pour qui il compatit encore trente ans après sa mort.

Depuis son enfance, Hayao suit les traces de son père en dessinant régulièrement des avions. Il développe sa passion du dessin pendant son adolescence où il découvre son ikigaï c’est-à-dire sa raison d’être pour la culture japonaise. Dessiner est pour une lui une vocation. Après avoir obtenu son diplôme du collège Omiya, Hayao souhaite devenir mangaka. A 17 ans, il découvre le premier long métrage d’animation japonais en couleur : Le Serpent Blanc (1958). Le film est une profonde révélation pour le futur réalisateur puisqu’il affirme avoir été “ému jusqu’au plus profond de son âme”. Il raconte que “l’univers pur et sincère du film” a fait ressortir un aspect de lui qui aspirait désespérement à valoriser le monde plutôt qu’à le renier.

Cette révélation est un tremplin vers sa destinée puisqu’en 1963, à 22 ans, Miyazaki intègre le studio Toei où il fit la rencontre d’Isao Takahata avec qui il fonda avec Tokuma et Suzuki, vingtdeux ans plus tard, la société de production d’animation Studio Ghibli en 1985. Il faudra une quarantaine d’années pour Hayao Miyazaki avant d’être considéré comme un trésor national vivant par le gouvernement japonais. Toutes ces années ne seront jamais assez pour permettre à cet homme sensible et anxieux d’un jour valoriser l’ensemble du travail accompli. Comme pour beaucoup d’artistes renommés, il fit face à de nombreuses épreuves mais il resta fidèle à sa vision des films qui sont sa raison d’être : “Je veux que les gens s’amusent. C’est ma motivation. C’est parce que… Si je peux divertir les gens, peut-être que je mérite d’exister. J’ai ce besoin refoulé de me sentir utile.” [1]Kaku Arakawa, NHK World Japan, 10ans avec Hayao Miyazaki – Documentaire .

Hayao Miyazaki a réalisé douze long métrages de 1979 à aujourd’hui qui abordent des thèmes communs. Fréquemment, la technologie, les humains, le fantastique et la nature entrent en conflit avant de finir par partir. Les forêts ont une personnalité, les arbres des sentiments, les maisons des esprits, les animaux peuvent parler, les personnages s’émancipent et les conflits se résolvent. Néanmoins, lorsque le réalisateur dépeind la guerre, il ne prône pas un côté plutôt que l’autre ou ne fait pas gagner le bien par rapport au mal. Il retranscrit une réalité extraite de son imaginaire en lien direct avec les incidents de la vie humaine. La famille reste le point d’ancrage, la vision des enfants est l’ouverture à la joie et les sentiments le lien entre tous ses protagonistes. Lorsque l’on visionne un film des studios Ghibli l’on ne sait pas dans quelle histoire nous serons emportés mais ce que l’on ressent est que ces créateurs ne souhaitent pas mentir ou prôner une réalité qui ne peut être plausible. A l’image de cette citation de Miyazaki : “Je voudrais faire un film pour dire aux enfants qu’il est bon de vivre”, on comprend que le réalisateur souhaite emporter les spectateurs dans un long métrage où les enfants seront enchantés de découvrir la première couche de l’histoire et les parents interpellés par les messages cachés du créateur.

Ainsi, en se connectant à cette envie profonde de divertir le jeune public, Hayao Miyazaki a consacré sa vie à la création de film d’animation en couleur. Toujours fidèle à sa vision aiguisée des films, chacun d’entre eux sont inititalement élaborés sur papier puis illustré au crayon et coloré à l’aquarelle. Les studio Ghibli animent l’ensemble de leur film à la main puis finalisent le contenu à l’ordinateur. Au fur et à mesure de la carrière du réalisateur, le studio a pu compter sur de plus en plus d’animateurs pour donner vie aux projets de cette société de production. En moyenne entre deux cents et trois cents animateurs sont embauchés pour chaque long métrage. De la pré-production jusqu’au produit final, un film d’animation nécessite deux à trois ans de travail avant d’aboutir.

Les étapes de fabrication d’un long métrage réalisé par Hayao Miyazaki se décompose en plusieurs étapes :
• Premièrement, l’idée germe dans la tête du réalisateur. L’auteur a uniquement en tête des brides de l’histoire, une image du personnage principal et parfois une envie profonde de mettre en avant un certain type de paysage.
• Ensuite, vient l’étape “d’ouvrir les tiroirs du cerveau” au maximum pour en extraire toutes les idées. Pour cela, il s’isole dans son studio privé et se force à dessiner. Il souhaite développer ce qu’il a au fond de lui pour en sortir quelque chose de concret.
• Dans un troisième temps, il s’inspire de ce qui a déjà été créé. Il va alors visiter des musées, s’isoler chez des amis ou faire du repérage autour de lui. Toute son inspiration est liée à son quotidien. Il prend ce qui lui est donné et qui raisonne avec l’idée qui a émergé en lui.
• Enfin, Miyazaki commence les e-konte, c’est-à-dire les storyboard destinés à la production. Les storyboard sont le fil conducteur de la réalisation d’un film d’animation. Ils se composent des plans et des paroles des personnages. Ils sont élaborés par le réalisateur qui transmet de nombreuses informations nécessaires à son équipe à travers ces derniers.
• Ainsi, la production est lancée. Les personnages, l’histoire et les décors évoluent pendant cette étape exténuante pour Miyazaki qui déclara: « Après avoir travaillé sur un film, j’ai besoin de six mois pour retrouver mon équilibre mental et physique. J’ai besoin de prendre du temps pour récupérer.” Sa manière de vivre avec dévotion chacune de ces étapes permet d’exposer l’une des facettes de l’homme.

Hayao Miyazaki est un homme profondément sensible considérant son travail comme quelque chose de difficile. Pendant la production, il peut inlassablement répéter “c’est si difficile” mais continuer jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il a imaginé. Cela ne signifiant pas qu’il trouve de la satisfaction dans sa création mais, au contraire, une certaine souffrance. Le voir créer c’est observer quelqu’un lutter continuellement contre ses doutes tout en étant porté par sa raison d’être. Avant la sortie de Le Vent se Lève en 2013, il déclara :”Faire de l’art m’apporte que de la souffrance. Je n’arrive pas à croire que je souhaite faire un autre film” et pourtant ce dernier fut le premier long métrage où Miyazaki fut ému face à sa propre création. Ce sentiment cachant humblement une once de fierté face au travail réalisé. Deux mois après la projection, Hayao Miyazaki décida de prendre sa retraite. Aujourd’hui, il revient malgré tout avec un douzième long métrage, Le Garçon et le Héron, qu’il décida d’entreprendre quelques temps après s’être éloigné du monde du cinéma.

A l’âge de 82 ans, Hayao Miyazaki, homme plein de doute, d’anxiété et imprégné d’un monde imaginaire n’appartenant qu’à lui signe son douzième long métrage avec une humilité et une profonde sensibilité qui le caractériseront à jamais.

References

References
1 Kaku Arakawa, NHK World Japan, 10ans avec Hayao Miyazaki – Documentaire
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Le Garçon et le Héron