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Le repos dominical : un hommage à l’humanité ?

d'Anne Beneteau   

A l’heure où l’ouverture des grands magasins le dimanche est sollicitée pour mieux profiter de ce temps libre, qu’en est-il de ce repos dominical tant attendu ? A la sortie des entreprises le vendredi soir le « bon dimanche » et « bon week-end » fait terminer la fin de semaine en souriant comme une véritable perspective de repos. Pourtant chacun pourra examiner le visage des collègues le lundi matin déjà embrumé de lassitude et de morosité. Pourquoi ce besoin de se reposer le dimanche ? Quelles sont les conditions nécessaires pour vivre un authentique repos ?


Monet, Etude pour Le déjeuner sur l'herbe

« A notre époque, il reste nécessaire de faire effort pour que tous puissent connaître la liberté, le repos et la détente nécessaires à leur dignité d'hommes, avec les exigences religieuses, familiales, culturelles, interpersonnelles qui s'y rattachent et qui peuvent difficilement être satisfaites, si l'on ne réserve pas au moins un jour par semaine où il sera possible de jouir ensemble de la faculté de se reposer dans une atmosphère de fête. » [1]

En effet, il y a deux fondamentaux dans cette pause dominicale. Cette pause attendue est à l’image de l’enfant dans l’attente du jour de son anniversaire. Nous avons tous vécu et vu cette attente : joie de se retrouver ensemble, de fêter ensemble, de s’émerveiller d’être aimé, d’être en vie et d’ouvrir des yeux écarquillés devant tous ces cadeaux au-delà des cadeaux reçus. La qualité intrinsèque de l’enfant est l’émerveillement, le regard neuf qui s’attache aux petites choses, à ces petits détails que l’œil adulte a déjà oubliés et qui pourtant reposent. « Avec le repos dominical, les préoccupations et les tâches quotidiennes peuvent retrouver leur juste dimension : les choses matérielles pour lesquelles nous nous agitons laissent place aux valeurs de l'esprit ; les personnes avec lesquelles nous vivons reprennent leur vrai visage, dans des rencontres et des dialogues plus paisibles. » [2]

 L’invitation est ainsi faite à l’humanité à se resituer au cœur du monde et à le contempler. Cette attention donnée aux choses qui nous entourent est permise justement par cette pause. Elle ouvre la capacité à sortir de soi et à regarder la réalité avec des yeux pleinement ouverts. Cela offre un véritable temps de respiration. Il s’unit à la joie d’être ensemble parce que tout seul, personne n’est heureux.

C’est là le deuxième fondement du repos : un vivre ensemble, un temps qui unifie.

Certes, chacun aspire au repos comme un bien nécessaire, important pour lui-même comme une réponse individuelle à un mal personnel. La séance de massage thaï, la cure aux algues marines, l’atelier culinaire, le bricolage et le jardinage ou encore le saut en parachute offrent un sas d’apaisement et de tranquillité qui assouvit pour un instant mais sans permanence ni consistance.

Si l'homme se limite à sa quête individuelle et à sa soif de liberté, il se réfugie dans une bulle intime qui le prive de son humanité. L’évasion n’est pas reposante, elle frustre, pire, elle fatigue et ne permet pas d’entamer le lundi avec un vrai enthousiasme. Il s’en suit une course incessante après un repos qui n’en est jamais un. « Il n’y a pas de vrai bonheur dans l’égoïsme », disait Georges Sand.

 « Si donc, après six jours de travail — déjà réduits en réalité à cinq pour beaucoup —, l'homme cherche un temps pour se détendre et pour mieux s'occuper des autres aspects de sa vie, cela répond à un besoin authentique. » [3] Ce besoin authentique est individuel mais finalement collectif. Le repos prend sa source dans le fondement de la nature humaine. A partager cette réalité qui l’entoure de manière désintéressée, mieux encore tourné vers les autres, l'homme retrouve le sens de la vie, de son origine et sa finalité, et cette unité à laquelle il aspire prend alors tout son sens.

Le repos dominical c’est l’opportunité de partager ensemble un moment gratuit en famille, en société, en Eglise, comme une réponse à un désir personnel et social. C’est prendre pleinement la mesure de sa propre réalité mais aussi de toute l’humanité. C’est offrir l’opportunité à l'homme de se poser la question de savoir d’où il vient et où il va et plus encore d’y répondre. C’est mettre la liberté de l'homme au service de l’humanité sous l’angle de la beauté, de la bonté et de la vérité qui donne sens et goût à la vie dans toute sa splendeur.

Le repos dominical rappelle à l’humanité que l’homme n’est pas fait pour vivre seul, qu’il a été créé et qu’il fait partie d’un Tout qui unifie et donne sens à la vie.

« L’homme (…) ne se réalise pleinement que dans le don sincère de lui-même. » On pourrait paraphraser cette citation de « Gaudium et Spes » en l’ajustant au repos : l'homme ne se repose pleinement que dans le don sincère de lui-même.

 


[1] Jean-Paul II, Lettre apostolique Dies Homini, 1992, n° 66
[2] Jean-Paul II, Lettre apostolique Dies Homini, 1992, n° 67
[3] Jean-Paul II, Lettre apostolique Dies Homini, 1992, n° 67

 

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