d'Edouard Portalis
Voici maintenant presque trois semaines que je suis rentré de Simões Filho, après deux ans de mission qui m’auront marqué pour toujours. Au tout début du mois d’octobre a commencé ma période dite de despedida, c’est-à-dire que pendant un mois, en plus de la vie de prière et de la vie communautaire, je visitais tous les amis auxquels je souhaitais dire au revoir, ou plutôt annoncer que ma sortie était proche, et je les invitais à ma messe d’envoi en distribuant une petite invitation imprimée avec une photo.
Maria do Terço et Edouard le jour de son anniversaire
Je n’ai bien sûr pas pu faire une visite à tout le monde comme je l’aurais voulu, il aurait fallu plus de temps ou empiéter sur la vie de prière. Mais j’ai pu au moins distribuer les petites cartes pratiquement à tous ceux que j’avais en tête, à l’occasion de rencontres simples et souvent au bon gré de l’Esprit Saint, au marché, dans la rue, ou encore à la messe. Certaines visites ont été très touchantes, chez Don Ernesto, qui ces temps-ci n’a plus goût à la vie, lui de coutume si plein de foi et toujours plaisantin, chez Dona Nininha, la "sainte" de notre quartier : "N’oublie pas que tu es mon fils blanc, et que ta maman noire prie pour toi. Que Dieu vous bénisse, toi et ta famille" ; chez Joelson, qui n’est pas allé travailler pour nous préparer un déjeuner en l’honneur de ma despedida, avec toute sa famille, et sa mère, Dona Isoltina, dont je suis très proche ; chez Juciara, une vieille amie du Point-Cœur, qui a passé toute une journée à nous préparer un dîner, et pour le bénir, a dit une prière si belle et si profonde…
Tant de gestes d’amour, en un mois, j’avais presque honte et l’impression de n’absolument pas mériter tout cela. Je ne m’étais pas rendu compte que ma simple présence, les simples gestes d’entraide, les simples discussions ou les simples sourires, plaisanteries, poignées de main, ou le simple fait de me rappeler un nom, des choses si simples et insignifiantes, pouvaient signifier tant pour nos amis. J’avais perçu, certes, que les petites choses sont parfois les plus importantes, mais je n’en avais pas mesuré l’ampleur. Dona Maria do Terço, avec qui j’ai une amitié tellement belle, toujours avec beaucoup d’humour, a préparé plus d’une dizaine de paquets pour ma mère, tout fait main, des torchons, des chemins de table, un chapeau, et j’en passe… Elle me dit : "Y’a rien pour toi. C’est tout pour ta mère. Toi, tu ne vaux rien, mais j’aime ta mère parce qu’elle t’a envoyé à moi". Dona Inès, le jour même de mon départ, a fait griller de la viande et acheté de la bière pour un dernier apéro, et plus tard, elle a fait semblant de s’endormir pour ne pas me dire au revoir.
La messe d’envoi, le samedi soir, précédant le jour de mon vol, m’a franchement remué. Certes, certaines personnes ne sont pas venues, mais tant d’autres que je n’attendais pas sont venues me témoigner leur amitié : j’en étais tout rouge, ému et presque honteux. La soirée qui s’en est suivie a été très belle aussi avec un petit apéritif au Point-Cœur. Après le départ des enfants, des plus anciens, ou des pères et mères de famille, j’ai eu la joie de pouvoir partager un dernier moment avec les plus jeunes, Laecio, mon ami de la CEASA, Emerson, Nininho, Junior, Laü, Gel, Ricardo, Jo, Daniela, et tant de noms que j’aimerais vous citer… Mais la cerise sur le gâteau, c’est quand, après avoir fermé la porte, car il n’y avait plus que deux ou trois jeunes, on frappe à la porte. Je vais ouvrir, et à ma grande surprise je découvre Ronaldo, une des plus grandes grâces de ma mission, bien que mentalement atteint et si absent, il s’est souvenu de la date que j’avais donnée à sa mère, et il est venu, lui aussi, me dire au revoir. J’étais si ému qu’il me considère comme un ami, si ému… Comme quand j’ai annoncé mon départ à sa mère, une femme si dure, j’ai été stupéfait de la voir se mettre à pleurer. Et je me suis dit que Dieu agit vraiment en chacun, et qu’il peut ouvrir tous les cœurs.
Depuis le Brésil, merci Edoaurd pour ce beau témoignage et pour ta belle mission ici… bonne route!