L’amitié de nos amis si méprisés, non-aimés, délaissés a été comme un électrochoc pour moi tout au long de cette année. Alors qu’ils avaient admis l’idée de rester à l’écart d’une société ne voulant pas d’eux, ils m’ont appris la valeur d’une amitié sincère qui ne se satisfait pas de superficialité mais qui atteint directement le cœur.
© Points-Cœur
Ainsi Marie Akka, une amie du Point-Cœur depuis une dizaine d’années, dont le mari est parti avec une autre femme, alors qu’ils avaient cinq enfants en bas âge, la condamnant à la misère et au mépris, nous racontait l’autre jour une larme à l’œil que nous étions les seules à la respecter, nous remerciant de lui avoir rendu sa dignité.
Ou bien encore Patam et Marie, un couple de chrétiens vivant près de chez nous, qui voyant de nombreux volontaires du Jardin venir chez nous, ont débarqué dans notre cuisine après avoir emprunté de l’argent à tous leurs voisins pour nous offrir un bon repas en reconnaissance de nos visites régulières, et ce, alors même qu’ils n’ont pas de quoi remplir leur assiette tous les jours.
Comment rester insensible à ces cadeaux d’amitié, d’humanité devrais-je dire, de nos amis qui m’ont appris que même lorsque l’on a à rien, on a toujours quelque chose à offrir ? Ainsi au moment de les prendre par la main pour leur avouer, le cœur en larmes, que je ne reviendrais pas, qu’il est temps pour moi de rentrer, je prends conscience de tout ce qu’ils m’ont apporté. J'étais présomptueux avec tous mes clichés d’occidental, je pensais arriver avec plein de belles solutions pour améliorer leur quotidien. En réalité, lorsque la réalité du slum a pris un visage, celui de Ragoul, de Rajesh ou de Tamil Arissi, toutes mes illusions se sont envolées et c’est eux qui m’ont pris par la main, qui m’ont appris à devenir un homme, à écouter l’appel de mon cœur. Je croyais être là pour m’offrir à eux, finalement c’est eux qui se sont offerts à moi.
Il y a quelques jours, nous découvrons au petit matin quelques poissons à l’entrée de notre maison, échoués là clandestinement. Une voisine nous apprendra ensuite qu’un vieil homme nommé Ramaswami est venu les déposer discrètement. Merci Seigneur pour l’exemple d’humanité de cet homme qui ne vit qu’avec dix roupies et qui pourtant désire ardemment partager.
Tristan Colas des Francs
Quelle leçon d’humilité, d’humanité ; ces témoignages nous bouleversent et si seulement ils pouvaient »bouleverser »davantage notre vie!merci pour ce témoignage.