Depuis une semaine, la mort de l’acteur Robin Williams occupe une grande partie de l’actualité. Des centaines d’articles ont été écrits pour lui rendre hommage. Voilà un acteur qui était internationalement aimé, internationalement admiré. Il semble que, quelle que soit la partie du monde d’où nous venons, toute une génération ait ri, ait été bercée ou ait rêvé au rythme du Cercle des poètes disparus, de Hook, de Madame Doubtfire ou de Good Mornig Vietnam.
Beaucoup se souviennent de la scène finale du Cercle des poètes disparus, quand les élèves rendent un dernier hommage à leur professeur, « Ô capitaine, mon capitaine » en montant sur la table pour ne jamais oublier de regarder la vie sous un jour nouveau. Un professeur qui leur a appris à vivre le présent et à ne pas étouffer leurs désirs. Mais tout le monde se rappelle aussi le sourire triste et très doux du professeur qui regarde une dernière fois cette classe dans laquelle il manque deux élèves. Un sourire qui semble rétrospectivement très proche de la vie de Robin Williams : il nous a fait rire, il nous a fait espérer mais au fond ne manquait-il pas quelque chose ? Et lui-même ne le savait-il pas ?
Comme dans Good Morning Vietnam où son rôle oscille entre le rire de ses imitations ironiques et drôles et le drame d’une guerre qui dépasse de loin les boutades et où son « Good Morning, Vietnaaaaaaam ! » devient peu à peu un cri pour éveiller face à l’horreur de ce qui se joue dans la rue. C’est l’appel d’un homme qui a compris que le rire est souvent là pour cacher, ou peut-être pour dévoiler, l’envie de pleurer. C’est un appel à l’espérance même si on ne sait parfois plus très bien pourquoi il faut espérer.
C’est le rôle de Mme Doubtfire, le père qui est prêt à tout pour rester proche de ses enfants. Qui joue pour cacher l’échec d’une vie de famille, d’une vie de couple dont il perçoit trop tard la beauté. Un père qui prend conscience de sa place de père, d’éducateur et de modèle dans les traits d’une digne nounou. Combien de pères ne découvrent-ils pas trop tard qu’ils ont oublié d’être là au quotidien ?
C’est aussi un rire semblable à celui de Hook, Peter Pan devenu grand. Peter Pan qui a préféré l’amour d’une femme aux rêves d’enfant, Peter Pan qui a choisi de grandir et qui a oublié comment voler. C’est l’image de tous ceux qui, devenus adultes, se demandent comment redevenir un enfant, de tous ceux qui aimeraient à nouveau voir la réalité comme un don, comme le théâtre d’un jeu et qui doivent réapprendre ce regard simple, de confiance, tout en étant riches de leurs responsabilités et de leurs choix.
Aujourd’hui beaucoup de journaux se penchent sur l’homme en pleurant l’image qu’il a été obligé de donner : celle d’un des comédiens les plus reconnus, celle d’un homme qui ne peut qu’être heureux puisqu’il a des fans, la reconnaissance officielle et qu’il a pris le rôle de nous faire rire. Mais voilà, c’était un rôle. Et dans le suicide de l’acteur beaucoup reconnaissent la triste réalité d’un homme qu’on a enfermé dans son rôle et qui y a tant cru lui-même qu’il n’aurait pas accepté l’arrivée de la maladie qui lui aurait empêcher de se soumettre à ce rôle qu’on attendait de lui. « J’ai toujours pensé que le pire truc qui pourrait nous arriver c’est de finir sa vie tout seul. Mais c’est faux. Le pire truc, c’est de finir sa vie entouré de personnes qui nous font nous sentir seul. » a-t-il dit. N’est-ce pas la pire solitude que de devoir vivre comme une image ? Une peur qu’il exprimait lui-même en riant – jaune – à propos de son addiction à l’alcool et à la drogue. Les médias utilisent avec facilité le mot de dépression qui semble tout expliquer simplement, cliniquement. Mais la cause de la dépression : la solitude, le mensonge de l’argent, du succès, d’une vie d’apparence donnée en modèle au monde entier… restent en toile de fond de l’acte désespéré de l’acteur.
On constate également avec reconnaissance que là où les médias habituellement ne se gênent pas pour dénigrer, chercher le coupable et jeter dans la boue celui qui n’est plus là pour se défendre, nous assistons actuellement à un hommage respectueux et assez discret. Même si beaucoup recherchent les causes de sa mort, la plupart des articles n’en font pas le thème principal de leurs panégyriques.
Laissons la parole à Robin Williams dans son rôle du docteur Patch : « Toute la vie est une recherche du foyer. Pour les représentants, les secrétaires, les mineurs de fond, les apiculteurs, les avaleurs de sabres. Pour nous tous. Tous les cœurs du monde essayent inlassablement de trouver un chemin vers le foyer. Et cela peut se trouver dans les lieux les plus surprenants. »
Merci beaucoup Suzanne pour cet article !
C’est un acteur qui m’a beaucoup fasciné !
C’est bouleversant ce qu’il dit sur sa solitude. Oui, « Toute la vie est une recherche du foyer. »
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