Ce dimanche 26 octobre, jour passionnant des élections au Brésil (cf l’article « Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours… »), se tiendra un vote parmi les manifestants qui occupent le centre de Hong Kong. Après un mois de blocus de trois grandes artères du centre ville, ils devront prendre une décision quant à la poursuite de leur mouvement, OCCUPY CENTRAL : « Devons-nous accepter les propositions du gouvernement, ou en exiger de plus constructives ? »
CC BY Calvin YC – HK Occupy Central
Sur la pente d’une progressive reprise en main de l’ancienne colonie par les oligarques alliés au parti communiste chinois, divers événements ont galvanisé la résistance d’une société civile très fière de sa culture anglo-chinoise, éprise de liberté et de culture. Le dernier en date, la tentative de Pékin de contrôler le choix des candidats à l’élection présidentielle de 2017, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Afin de mieux comprendre les enjeux d’un mouvement sans égal dans l’histoire contemporaine chinoise, nous avons interrogé Monsieur Ming, acteur important de la scène civile de la cité.
Monsieur Ming, qui sont les étudiants qui manifestent ?
Les manifestants justement ne sont pas que des étudiants, mais des gens de tous horizons, de tous âges, et non seulement des habitués de l’action sociale mais aussi des gens qui descendent dans la rue pour la première fois. Ils n’ont pas de leader officiel, à la différence de précédentes manifestations, et il me plaît de penser que cette fois-ci, chaque participant représente réellement lui-même. C’est le premier mouvement d’occupation à Hong Kong où des rues très animées du centre sont bloquées par les manifestants depuis maintenant presque un mois. De ce fait, tous les manifestants risquent des poursuites pénales.
Quel est le but des manifestants ?
Leur unique but est d’obtenir le suffrage universel réel qui nous a été concédé dans la « Basic Law »[1] (Loi Fondamentale). En 2017 devrait avoir lieu pour la première fois l’élection libre du chef de l’exécutif (Chief Executive), mais à la fin du mois d’août, Pékin annonça que, si le principe du suffrage universel demeurait intouché, seraient interdites les candidatures spontanées venant de la société civile. Seul un comité de 1200 personnes serait habilité à nommer les candidats. Le peuple a réagi en dénonçant la manipulation du véritable suffrage universel.
Un dialogue est-il possible avec le gouvernement ?
Après ce mois de bras de fer (ponctué d’actions violentes de la police), nous avons enfin pu avoir une première rencontre officielle avec des responsables du gouvernement de Hong Kong. Mais les représentants de l’exécutif n’ont ouvert aucun espace, accordé aucune concession [2], si bien que nous avons l’impression que le mouvement tout entier est arrivé à un point mort. Et tout ceci alors que nous n’avons jamais agi de façon aussi pacifique. Les trois dernières semaines ont été de notre côté parfaitement non violentes, mais le gouvernement utilise les forces de police et dépêche même le grand banditisme pour éradiquer notre mouvement par la violence.
Quelle est la signification politique de votre mouvement ? Quelle est son efficacité ?
Notre mouvement a une signification politique de grande portée. C’est la toute première fois à Hong Kong que des rues sont occupées, des rues du centre qui plus est, et, ce qui est à proprement parler incroyable, pendant plus de trois semaines. C’est un message très clair de la part du peuple : « Nous en avons assez, et cette fois nous ne reculerons plus. » Cela n’est jamais arrivé dans l’histoire de Hong Kong. Cela constitue de loin le mouvement politique naissant le plus robuste et le plus large de notre histoire. Bien qu’il ne changera peut-être pas grand chose dans la pratique politique réelle de la ville, Hong Kong et les gens de Hong Kong ne seront plus jamais les mêmes. Vous pouvez compter sur les citoyens de Hong Kong pour combattre pour leurs droits civiques à l’avenir.
Propos de Pong Yat Ming, recueillis par Jean-Marie Porté
Le déroulement des événements (source : RTE)
4 juin Rassemblement de dizaine de milliers de personnes à Hong Kong pour la seule commémoration publique officielle en Chine du massacre de la Place Tien An Men
10 juin Publication par Pékin d’un mémorandum indiquant la possibilité de la révocation à tout instant les libertés civiles à Hong Kong
30 juin Un referendum organisé par l’organisation civile Occupy Central fait état de plus 800.000 votants en faveur d’un élargissement des libertés démocratiques
1er juillet La plus grande manifestation depuis la rétrocession rassemble un demi-million de personnes pour réclamer des réformes démocratiques
18 août Des dizaines de milliers de personnes, agitant des drapeaux chinois, font une contre-manifestation
31 août La Chine réitère son droit de choisir les candidats pour l’élection de 2017. Occupy Central répond en annonçant une « ère de désobéissance civile », dont des sit-ins de grande envergure.
22 septembre Début de la grève des étudiants
26 septembre Environ 150 manifestants pénètrent dans le bâtiment gouvernemental et occupent une cour. La police fait usage de spray au poivre pour les repousser, les manifestants se protègent à l’aide des parapluies qui sont maintenant devenus le symbole du mouvement
28 septembre Occupy Central annonce, avec quelques jours d’avance sur le rendez-vous prévu pour prolonger la grève des étudiants, le début de sa campagne de désobéissance civile, manifestée par le blocus d’une rue très passante proche du siège du gouvernement
21 octobre Première rencontre entre manifestants et représentants du gouvernement
[1] Sorte de constitution entrée en vigueur le 1er juillet 1997, garantissant à Hong Kong après la rétrocession à la Chine continentale de pouvoir conserver son mode de vie pendant au moins 50 ans, selon le mot d’ordre « un pays, deux systèmes ». L’article 45 prévoit le suffrage universel pour l’élection du chef de l’exécutif.
[2] Hong Kong Standard du 24 octobre : « Les négociateurs du gouvernement offrirent d’écrire un rapport à Pékin pour faire connaître en détail les sentiments des manifestants. Ils suggérèrent également que le deux parties en présence constituent un comité commun afin de discuter de possibles réformes politiques après les élections de 2017. » NdT : !!