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La famille en discussion à l’ONU

Points-Cœur, en tant qu’ONG ayant le statut consultatif au conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC ), a participé à la 29ème session des droits de l’homme à Genève. Avec un groupe d’ONG d’inspiration catholique, Points-Cœur a été impliqué dans les discussions sur la résolution A/HRC/29/L.25[1]

La résolution sur la protection de la famille a été initiée par 85 sponsors dont le groupe africain, le groupe arabe et 55 membres de l’organisation de la coopération islamique. Cette résolution demande aux Etats de protéger la famille dans le but de réduire la pauvreté et d’assurer un niveau de minimal à la population. Cependant, lors des consultations informelles, les débats ne portaient pas tant sur la contribution de la famille dans l’éradication de la pauvreté que sur la définition de la notion de famille.

La famille : un rôle essentiel pour l’ONU

Il est réjouissant de constater que l’ONU adopte une résolution reconnaissant le rôle fondamental de la famille. Le document relève notamment que la famille est « une force puissante de cohésion et d’intégration sociale » (op6). De même, la résolution insiste sur l’importance de la famille pour l’enfant et les jeunes : « Pour se développer pleinement et harmonieusement, les enfants doivent grandir dans un environnement familial et dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension» (op10). La famille permet aussi d’agir positivement sur la condition des filles et de lutter contre la toxicomanie chez les mineurs selon la résolution (op13 et op22).

Débat : un seul type de famille ?

L’ONU est d’accord pour reconnaître la place essentielle de la famille dans la société. Cependant, la notion de famille ne fait pas consensus au sein du conseil. La résolution a partagé les Etats en deux groupes d’opinion opposée. 

Dans un premier camp, les pays européens, les pays d’Amérique Latine et du continent nord-américain insistent sur les différentes formes que peut revêtir la notion de famille. Pour eux, d’autres types de vie commune que la famille composée d’un homme et d’une femme avec des enfants devraient être considérés dans la résolution. Les pays pensaient, entre autre : aux familles recomposées, aux ménages tenus par un seul parent ou un enfant et certainement aussi aux familles homosexuelles. Selon eux, les documents officiels de l’ONU doivent refléter la réalité changeante des sociétés. Ils plaident donc pour la définition claire de ces différents groupes.

De leur côté, les pays initiateurs du projet refusent de définir différentes formes de famille. Se référant à des discussions onusiennes passées, ils argumentent que la définition de différents types de famille est trop controversée pour être intégrée au texte et que certains concepts risquent de mener à des dérives. De plus, les pays initiateurs affirment que l’énumération de divers types de famille alourdit inutilement la résolution, s’éloignant ainsi de son objet principal : la protection de la famille comme garantissant un niveau de vie minimal suffisant à ses membres. Dans cet objectif, la reconnaissance des défis auxquels font face les familles est suffisante. Op16 est formulé ainsi : « Constate que les foyers monoparentaux, les foyers ayant à leur tête un enfant et les foyers rassemblant plusieurs générations sont particulièrement vulnérables à la pauvreté et à l’exclusion sociale ».

La famille ou les familles ?

Dans la résolution finale, les pays initiateurs du projet acceptent de remplacer le terme « la famille » par « les familles », permettant ainsi une interprétation plus large par chaque Etat. Dans les documents officiels de l’ONU, chaque mot est pesé et un regard extérieur  risque de passer à côté de la subtilité du langage. Quant à eux, les gouvernements savent très bien maîtriser les possibilités du langage afin de l’accommoder à leur politique nationale…

Les pays initiateurs définissent clairement la famille comme une entité naturelle composée d’un homme et d’une femme avec leurs enfants. Lors de la présentation de la résolution, pour la décision finale du conseil, l’Etat égyptien déclare : “Family is family everywhere as unite that bounds men and women  and children together”. Sa position au sujet de l’interprétation de la résolution ne fait aucun doute.

Quant aux pays européens et du continent américain, ils appréhendent la famille de manière beaucoup plus large, d’où leur volonté de précision dans la résolution. Le terme « les familles » leur permet de considérer différents types de famille dans leur politique nationale. Le lien naturel et héréditaire, propre à la famille « traditionnelle », est assoupli pour prendre en compte diverses situations de cohabitation entre adultes et enfants.

Contradiction interne 

La résolution donne une perception ambiguë de la famille. Au premier abord, la résolution semble réaffirmer la famille traditionnelle. En effet, en préambule du texte adopté, il est rappelé que « la famille est l’élément naturel et fondamental de la société et qu’elle a droit à la protection de la société et de l’État » (article 16 DUDH). Cette affirmation fait écho au point 1 de l’article 16 : « A partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution ». Ainsi, la déclaration universelle des droits de l’homme reconnaît explicitement la famille comme étant composée d’un homme, d’une femme et de leurs enfants, mais sans parler d’autres cas de figures possibles.

D’un autre côté, le fait de parler « des familles » plutôt que « de la famille » entre en opposition avec cette première idée de la famille comme énoncée dans la déclaration universelle des droits de l’homme.

Quelle portée pour cette résolution ?

Ce débat sur la famille est complexe et nous pouvons nous demander si l’adoption de la résolution ainsi formulée est réellement une victoire, comme certains mouvements catholiques le laissent entendre. Est-il vraiment souhaitable de préserver la notion de famille sans précision aucune ? Ne risque-t-on pas de nous éloigner de la réalité et ainsi d’affaiblir la portée de la résolution ? 

 


[1] http://ap.ohchr.org/documents/dpage_f.aspx?si=A/HRC/29/L.25: « Protection de la famille : contribution de la famille à la réalisation du droit à un niveau de vie suffisant pour ses membres, en particulier par son rôle dans l’élimination de la pauvreté et dans la réalisation des objectifs de développement durable ».

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1 Commentaire

  1. MCD

    C'est bien qu'on"parle" de la famille à l'ONU…mais n'est-ce-pas un coup d'épée ds l'eau!!lds la mesure où les pays "initiateurs" maintiennent et encouragent sur leur sol la polygamie (famille xxl) , coutume ancestrale, qui d'ailleurs suit le flux migratoire et que l'on peut retrouver ds nos villes -femme seule vivant avec plusieurs enfants  ds des conditions plus que précaires- D'autre part le terme famille s'est vu au cours des années affublé de divers adjectifs …adoptive, élargie, recomposée(les familles patchwork),  nucléaire…on parle "des familles" OK mais une famille homosexuelle , c'est inconcevable…c'est l'équivalent en français d'une nuit blanche ou d'un silence éloquent…..puisqu'une famille, c'est un homme et une femme et les enfants issus de cette union..Encore un terme de bafouer!

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