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« Rêve d’humanité » : des enfants réfugiés photographes

Loin de la polémique de Tel-Aviv sur Seine, un événement est passé presque inaperçu ces dernières semaines dans la capitale parisienne : face au Musée d’orsay, sur les berges de la rive droite, le photographe d’origine iranienne Reza expose ses photos de réfugiés ainsi qu’une fresque de portraits de 370 mètres.

(Source)

Tout le monde peut devenir réfugié

Reza nous fait découvrir ses portraits réalisés ces 30 dernières années. « C'est un plaisir et un honneur d'avoir, d'une certaine manière, partagé la vie de ces personnes pendant ma longue carrière de photographe et invité le public à réfléchir à la situation des réfugiés. En effet, tout le monde peut devenir réfugié », dit-il. On trouve aussi les clichés du photographe Ali Bin Thalith qui affirme : « Nous pensons qu'il est de notre obligation morale de sensibiliser le public à la situation dramatique des réfugiés syriens qui ont le courage de raconter leurs histoires à travers l'objectif d'un appareil photo », dit le confrère du photographe d’origine persane.

Les enfants du camp de Kawergosok (Irak)

Car le plus étonnant, c’est sans doute cette série prise par des enfants grâce au projet Voix d’exil. En effet, en partenariat avec le HCR, Reza, organisait des ateliers pour les jeunes dans les camps de réfugiés du monde entier. Il initiait lui même ses petits apprentis qui révèleront de grands talents : « Beaucoup de photographes professionnels y compris moi-même sommes admiratifs de ces photos. Nous aurions adoré prendre de telles photos », explique-t-il. Ainsi, en décembre 2013, les enfants du camps de Kawergosok se sont mis au travail dévoilant leur condition de vie.

(Source)

Maya Rostam, photographe de 12 ans

Reza raconte : « Elle est là, devant la tente. Elle impose de sa patiente et silencieuse présence. La nouvelle est arrivée à elle. Au deuxième jour des cours de photographies, je la remarque. C’est la première arrivée. Elle observe, écoute, à l’écart du petit groupe des dix jeunes élèves. Pendant deux jours, Maya Rostam, 12 ans, ne nous quitte pas. C’est la dernière partie en fin de journée, quand la nuit froide tombe sur le camp et que tout le monde s’en va retrouver le semblant d’un foyer sous une tente, les uns blottis contre les autres. A la fin du deuxième jour, je m’approche d’elle et l’interroge sur sa présence, sur sa constance. Elle raconte, les bruits de la guerre, la longue route brûlante de l’exode, le soleil qui tance les rescapés, la fatigue de la fuite. Et puis, le camp, ses tentes alignées, et le répit quand les siens croient encore à une nouvelle vie. Les jours passent, et les mois aussi. Un immense sentiment d’ennui l’envahit chaque jour, le sentiment d’étouffer dans ce qui n’est qu’une survie. Je lui demande le pourquoi de sa présence, et sa réponse me rappelle les raisons qui m’ont poussé, alors enfant de Tabriz, à la photographie. Maya Rostam dit : "Je veux apprendre la photographie parce que je crois que comme ça, tout le monde pourra voir ce que je sens, et ce que nous vivons." Alors, je vais acheter d’autres appareils pour agrandir le cours, car comme Maya, d’autres nous suivent avec la même ardeur. Et le soir venu, elle part avec un appareil. Sa mission ? Photographier la nuit. J’ajoute que je verrai ses images et que si elles sont bonnes, elle intègrera le cours. Maya serre comme un trésor son appareil et court dans la nuit, au milieu des rangées de tentes, sans que l’on ait eu le temps de noter toutes les informations la concernant. Mais le lendemain matin, Maya n’est pas là. Je m’inquiète, me renseigne. Personne ne connaît sa tente. Je reste confiant. Le cours a commencé. Maya apparaît, s’avance timidement, gênée, terriblement gênée. Je l’interroge sur son retard. Elle ne dit mot et baisse la tête. Je suis accaparé par d’autres élèves, mais je répète la question : "Pourquoi es-tu en retard ?" Sans un mot, elle tend son appareil vers moi et me montre cette photographie. Elle ajoute d’une voix presqu’inaudible : "Mes chaussures étaient gelées. J’ai dû attendre pour les mettre." Je n’ai jamais été autant bouleversé devant la force symbolique d’une image. Aujourd’hui, Maya Rostam, 12 ans, enfant réfugié syrien dans le camp de Kawergosk en Irak, est une des meilleures élèves. » (source)

 

L'exposition se trouve en face du Musée d'Orsay, entre le Palais du Louvre et le Pont Royal, jusqu'au 15 octobre 2015.

Voir des cliché de l'atelier des enfants sur Arte.

Reportage ARTE sur l'exposition sur les quais de la Seine.

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3 Commentaires

  1. Pascale

    Merci pour ce magnifique témoignage: Reza, par son métier mais surtout par toute son humanité, apporte un peu de lumière et d'espérance dans ces camps où la vie semble s'être arrêtée. A nous aussi d'humaniser tous les lieux où nous sommes appelés à marcher!

  2. Anaïs

    Pour les parisiens, une visite guidée de Reza est prévue jeudi 20… Rendez-vous sous le pont Royal, côté Louvre, demain soir!

    Le "Rêve d'Humanité" nous rapproche de plus en plus…
    Suite au succès de la visite guidée organisée le 6 août,et à la demande de beaucoup d'amis, nous vous invitons à nous rejoindre ce jeudi 20 août à 19H30 pour une nouvelle visite/rencontre autour de l'exposition A Dream of Humanity à Paris.