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Dossier « charisme » (2) : Le charisme est-il une nouveauté ?

Si oui, n’est ce pas là une prétention dangereuse qui remet en cause la tradition de l’Eglise ? Si non, pourquoi leur donner une telle importance et une telle place ? Comment sortir de cette impasse si communément soulevée lorsqu'on on aborde ce thème ? Poursuivons nos réflexions sur les charismes à l'occasion de l'anniversaire de la Pentecôte 2006 durant laquelle le pape Benoît XVI rencontrait les mouvements éclésiaux (voir : Qu'est-ce qu'un charisme ?).

St François, récéptionnaire d'un charisme toujours nouveau : la pauvreté évangélique

Un charisme n'ajoute rien au dépôt de la foi

Pour répondre à cette question en s’appuyant sur une base saine il est fondamentale de rappeler, tout d’abord qu’un charisme ne peut  aucunement remettre en cause le dépôt de l’Eglise. Tout charisme est catholique. Saint Jean Paul II le rappelait à l’occasion du premiers congrès des mouvements : « L'originalité propre du charisme qui donne vie à un Mouvement ne prétend pas, et il ne le pourrait pas, ajouter quoi que ce soit à la richesse du depositum fidei, conservé par l'Eglise avec une fidélité pleine d'ardeur. »[1]

En effet, ce à quoi donnent accés les Mouvements et les charismes n'est rien d'autre que l'expérience chrétienne en son origine : 

« Malgré la diversité de leur forme, les Mouvements se caractérisent par une conscience commune de la “nouveauté” que la grâce baptismale apporte dans la vie, par une aspiration particulière à approfondir le mystère de la communion avec le Christ et avec les frères, par une solide fidélité au patrimoine de la foi transmis par le flux vivant de la Tradition[3]

Il s'agit donc de donner accés à l'expérience chrétienne en tant que telle, surgissant de la grâce baptismale au sein de la tradition vivante, et s'exprimant par un élan missionnaire co-essentiel à la foi. Rien de nouveau, donc, sous le soleil. 

La nouveauté des circonstances

Pourtant, le monde a changé. C'est en ce sens que le pape souligne l'originalité des mouvements, laquelle :  

« constitue un soutien puissant, un appel suggestif et convainquant à vivre pleinement, avec intelligence et créativité, l'expérience chrétienne. C'est là que se trouve la condition nécessaire pour apporter des réponses adéquates aux défis et aux urgences des temps et des circonstances historiques toujours diverses. Dans cette optique, les charismes reconnus par l'Eglise représentent des voies pour approfondir la connaissance du Christ et pour se donner plus généreusement à Lui, en s'enracinant en même temps toujours davantage dans la communion avec tout le peuple chrétien. C'est pourquoi, ils méritent l'attention de chaque membre de la Communauté ecclésiale, à commencer par les pasteurs, à qui est confié le soin des Eglises particulières, en communion avec le Vicaire du Christ. »[2]

Le saint Père donne ici, la clef pour comprendre la  « nouveauté » des mouvements et leur importance. Ils sont des « réponses adéquates » aux circonstances toujours changeantes du monde. Il n'y a donc pas lieu d'opposer le renouveau induit par l'expérience des mouvements avec la tradition vivante de l'Eglise. C'est précisément parce qu'ils sont la réponses de l'Esprit Saint aux défits du monde contemporain qu'ils sucitent des lieux où la vie même de l'Eglise est vitalisée et rendue accessible aux hommes d'aujourd'hui : « Tout cela donne origine à une impulsion missionnaire renouvelée, qui conduit à rencontrer les hommes et les femmes de notre époque, dans les situations concrètes dans lesquelles ils se trouvent, et à poser un regard plein d'amour sur la dignité, sur les besoins et sur le destin de chacun[4]. »

Les charismes sont des fruits inespérés du Concile

Nous comprenons ainsi que la nouveauté qu’apporte les charismes s’inscrit dans le constant « nova et vetera » de l’Eglise. Ainsi, il n’est pas surprenant d’écouter Saint Jean Paul II affirmer qu’ils « représentent l'un des fruits les plus significatifs de ce printemps de l'Eglise, déjà annoncé par le Concile Vatican II, mais malheureusement souvent entravé par le processus de la sécularisation qui se développe. Leur présence est encourageante car elle révèle que ce printemps progresse, manifestant la fraîcheur de l'expérience chrétienne fondée sur la rencontre personnelle avec le Christ[5]. »

C’est par cette même idée que le Cardinal Ratzinger débutera son enseignement magistral du 28 mai 1998, qui deviendra une référence fondamentale pour la compréhension des mouvements ecclésiaux. Dans le contexte d'une certaine déception post-conciliaire que les pessimistes appelaient « l’hiver de l’Eglise », il souligne le caractère inespéré de ce surgissement : 

« Ce fut pour moi un événement merveilleux, lorsque, au début des années soixante-dix, j'entrai plus étroitement en contact pour la première fois avec des mouvements comme le Néo-catéchuménat, Communion et Libération, les Focolarini, et que je découvris l'élan et l'enthousiasme avec lesquels ils vivaient leur foi et se sentaient poussés à communiquer aussi aux autres cette joie rayonnante de la foi, qui leur avait été donnée comme un don gratuit. C'était l'époque que Karl Rahner et d'autres ont appelée l'hiver de l'Église; il semblait en effet qu'après le grand élan du Concile étaient arrivés, à la place du printemps, le froid, et au lieu d'une nouvelle vitalité, la lassitude. La dynamique paraissait alors se présenter en des endroits tout différents, là où on se disposait à faire, par ses propres forces et sans faire appel à Dieu, le meilleur des mondes à venir. Qu'un monde sans Dieu ne puisse être bon, encore moins le meilleur des mondes, était évident pour chacun. Mais où était Dieu? L'Église, après tant de débats et après s'être épuisée à travers la recherche de nouvelles structures, n'était-elle pas en effet devenue sans forces et ressort? La parole de Rahner était tout à fait compréhensible, elle rendait compte d'une expérience que nous faisions tous. Mais voici que surgit brusquement quelque chose que nul n'avait prévu. Voilà que l'Esprit Saint avait, pour ainsi dire, demandé à nouveau la parole. Et une foi neuve poussait droit chez les jeunes gens et les jeunes filles sans " si " ni " mais ", sans faux-fuyants ni dérobades, dans toute son intégrité, ressentie comme un don et comme un cadeau précieux, qui faisait vivre. Plus d'un, à vrai dire, se sentit troublé, s'étant construit dans les controverses intellectuelles ou dans les modèles d'analyse, une tout autre image personnelle de l'Eglise: comment aurait-il pu en être autrement ? L'Esprit Saint, là où il fait irruption, perturbe toujours les projets personnels des hommes.[6] »

Une nouveauté qui s’affronte à la résistance humaine

L'aspect le plus exigent des mouvements consiste précisément en ce qu'ils sont inattendus. Leur nouveauté empêche de se reposer sur les voies connues, mais elle bouscule également les planifications humaines de développement et de réforme. En d'autre termes, ils exigent une véritable conversion. C'est ce que rapellait Mgr Hollerich : « Si l’Esprit suscite quelque chose de nouveau, il y a une peur. S’il y a quelque chose de nouveau, moi aussi je dois changer. Si je ne veux pas changer, je boude. Je construis des murs, je veux isoler celui qui me montre que je dois changer. Et une institution comme l’Eglise qui a des structures très anciennes a parfois peur des réalités nouvelles[7]. »

Pour conclure

Nous pouvons désormais conclure. Les charismes qui animent et édifient l'Eglise n'ajoutent rien au dépot de la foi. Bien plutôt, dans la fidélité à la tradition vivante de l'Eglise, ils donnent lieu à un approfondissement de la grâce baptismale, à un accroissement de l'aspiration à approfondir la communion avec le Christ et à un renouvellement de l'élan missionnaire. Leur nouveauté consiste dans l'adéquation de leur réponse aux besoins d'un monde en évolution. Leur manifestations dans les mouvements écclésiaux et communautés nouvelles sont des fruits du concile. Ils sont donnés par l'Esprit Saint qui surprend toujours. En se sens, ils sont une réponse de l'amour de Dieu qui se conjugue toujours au présent. 

 

 

Dossier Charisme : 

Article 1 : Qu'est-ce qu'un charisme ?
Article 2 : Le charisme est-il une nouveauté ? 
Article 3 : Pentecôte 2006
Article 4 : Une histoire des Mouvements
Article 5 : La maturité ecclésiale des Mouvements
Article 6 : La Congrégation pour la Doctrine de la Foi se prononce sur les Mouvements
Article 7 : Le lieu théologique des Mouvements 
Article 8 : L'appel pressant du pape Benoît XVI aux évêques

 


[1]. Message du Saint-Père Jean Paul II aux participants au Congrès mondial des Mouvements ecclésiaux, N°4, 27 mai 1998

[2]. ibid.

[3]. ibid.

[4] ibid.

[5] ibid.

[6] « Les mouvements ecclésiaux et leur lieu théologique », Cardinal Joseph Ratzinger, conférence au Congrès mondial des Mouvements ecclésiaux, 28 mai 1998.

[7] Mgr Hollerich, L'eglise et les charismes, Terre de Compassion, 15/10/2015

 

 

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1 Commentaire

  1. bekeongle

    Ces deux articles sont fort bienvenus et méritent une analyse précise de la part de chacun de ceux qui s'interrogent sur une certaine évolution ecclésiale fort décevante pour beaucoup d'entre nous, notamment dans les pays de vieille tradition chrétienne.

    Avec les "affaires" récentes, on sent qu'une partie non négligeable de la communauté, notamment au niveau de ses responsables, s'est laissée littéralement engluée dans une tentative desséchante de clarification au sujet de comportements aberrants de certains de ses membres.

    Indiscutables, ces derniers méritent un jugement adéquat, notamment au civil, et il est évident pour tout le monde que lorsque les coupables reconnaissent les faits, les sanctions doivent s'appliquer avec la rigueur qui n'exclut toutefois pas l'attention portée à la possible rédemption des fautifs, donc à la miséricorde qui doit leur être consentie….

    Mais on se demande bien quand est-ce que la société civile se décidera à affronter, elle, les scandales encore plus nombreux qui la souillent ???? et là, force est de reconnaître que ce n'est pas demain la veille, ce qui explique, au passage, l'acharnement contre l'Eglise !

     Là encore, hurlements de la meute, calomnies, merdiatisation outrancière, dans un déni absolu de la réalité, mais qui permet d'obliger la CEF à nommer une commission dont la tête vient de se faire couronner par un type pour le moins douteux, membre de Terra Nova ….. c'est dire l'importance d'un certain réseau…

    Voilà, en France, la nouvelle "joie de l'Evangile" ! On les plaint,mais après tout, chacun et libre de consacrer son temps à ce qui lui paraît nécessaire.

    Pourtant, Jésus l'a lui-même dit "Une seule chose est nécessaire !"

    Et il faut considérer les charismes avec attention, tout autant que les attaques incessantes dont ils font l'objet aujourdh'ui et qui ont un rapport direct avec la situation évoquée à l'instant.

    " Quant à vous, l'onction que vous avez reçu de lui demeure en vous et vous n'avez pas besoin qu'on vous enseigne" dit St Jean dans sa 1ère lettre (27) Et les nombreuses manifestations de l'Esprit dont nous lisons ces temps-ci les récits montrent bien la véracité, la Réalité de cette Vérité.

    Les développements apportés à la vie de l'Eglise par le Renouveau Charismatique, la redécouverte dans la Catholicité de l'action de l'Esprit Saint que nos amis Protestants avaient remis à l'honneur, tout cela activé par JP II et Benoît XVI comme le rappelle de façon émouvante ce dernier, brutalement a reçu un coup d'arrêt !

    Tiens donc ! Qui peut s'opposer à l'Esprit, sinon le Père du Mensonge ?

    Il y a donc un combat, une terrible bataille, où l'on voit se déchaîner ce dernier, qui utilise toujours les mêmes ficelles, avec autant de réussite ….çà en devient lassant!

    Or les deux Papes ont bien mis en garde sur un point capital !

    Car s'il est évident que l'apparition d'un charisme donné à un homme ou à une femme qui vont être à l'origine d'un "mouvement" demande aux Pasteurs d'exercer un discernement que leur fonction leur confère naturellement, autant ils doivent se méfier d'une tendance à l'uniformisation.

    Or cette dernière se manifeste, hélas, avec une prégnance terrible et çà ne paraît pas en voie d'amélioration, une fois de plus!

    Mais rien, ni personne, ne pourra jamais s'opposer à l'Esprit : en ce temps de Pentecôte, nous ne pouvons qu'avoir une confiance absolue en ce dernier et, en demandant pour l'Eglise, le Pape, les évêques et chacun de ses membres consacré ou laïc la force d'un renouveau en profondeur, nous gardons la joie que personne, non plus , ne pourra nous enlever !