En 2006, le Pape Benoit XVI avait invité les mouvements et communautés nouvelles à Rome. « La beauté d’être chrétien et le joie de le communiquer », tel était le thème du congrés avait précédé les solennités de Pentecôte. Nous publions quelques extraits du message du Pape et de l'homélie prononcée à cette occasion.
Rome, Pentecôte 2006
Une expérience écclesiale originelle
« Au cours des siècles, le christianisme a été transmis et s'est diffusé grâce à la nouveauté de vie de personnes et de communautés capables d'apporter un témoignage incisif d'amour, d'unité et de joie. C'est précisément cette force qui a mis tant de personnes en "mouvement" au fil des générations. N'est-ce pas la beauté que la foi a engendrée sur le visage des saints qui a poussé tant d'hommes et de femmes à en suivre les traces ? Au fond, cela vaut également pour vous : à travers les fondateurs et les initiateurs de vos Mouvements et Communautés, vous avez entrevu avec une luminosité particulière le visage du Christ et vous vous êtes mis en chemin. Aujourd'hui aussi, le Christ continue de faire retentir dans le cœur de nombreuses personnes ce "viens et suis-moi", qui peut décider de leur destin. Cela a lieu normalement à travers le témoignage de ceux qui ont fait une expérience personnelle de la présence du Christ. Sur le visage et dans la parole de ces "créatures nouvelles", sa lumière devient visible et son invitation peut être entendue. »
« Les Mouvements ecclésiaux et les Communautés nouvelles représentent aujourd'hui le signe lumineux de la beauté du Christ et de l'Eglise, son Epouse. Vous appartenez à la structure vivante de l'Eglise. Celle-ci vous remercie de votre engagement missionnaire, du travail de formation que vous développez de façon croissante dans les familles chrétiennes, de la promotion des vocations au sacerdoce ministériel et à la vie consacrée que vous développez en votre sein. Je vous remercie également de la disponibilité dont vous faites preuve pour accueillir les orientations d'action non seulement du Successeur de Pierre, mais également des Evêques et des diverses Eglises locales qui sont, avec le Pape, les gardiens de la vérité et de la charité dans l'unité. Je suis certain de pouvoir compter sur votre obéissance attentive. Au-delà de l'affirmation du droit à l'existence, doit toujours prévaloir, avec une priorité indiscutable, l'édification du Corps du Christ parmi les hommes. Chaque problème doit être affronté par les Mouvements avec des sentiments de profonde communion, dans un esprit d'adhésion aux Pasteurs légitimes. Que vous soutienne la participation à la prière de l'Eglise, dont la liturgie est la plus haute expression de la beauté de la gloire de Dieu, et constitue d'une certaine façon une présence du Ciel sur terre. »
La méthode chrétienne
« Si nous regardons l'histoire, nous voyons de quelle manière, autour des monastères, la création a pu prospérer, tout comme avec le réveil de l'Esprit de Dieu dans le cœur des hommes, le rayonnement de l'Esprit Créateur est revenu également sur la terre – un rayonnement qui avait été obscurci par la barbarie de la soif de pouvoir de l'homme et parfois presque éteinte. Et à nouveau, autour de François d'Assise, la même chose se produit – cela se produit partout où l'Esprit de Dieu pénètre dans les âmes, cet Esprit que notre hymne qualifie de lumière, d'amour et de vigueur. »
Au service de la "vraie vie"
« La Pentecôte est cela : Jésus, et à travers Lui Dieu lui-même, vient à nous et nous attire en Lui. "Il envoie l'Esprit Saint" – ainsi s'exprime l'Ecriture. Quel effet cela a-t-il ? Je voudrais tout d'abord noter deux aspects : l'Esprit Saint, à travers lequel Dieu vient à nous, nous apporte la vie et la liberté. (…) Je pense que, spontanément, la très grande majorité des hommes a la même conception de la vie que le fils prodigue de l'Evangile. Il s'était fait donner sa part d'héritage, et à présent, il se sentait libre, il voulait finalement vivre en n'ayant plus le poids des devoirs de la maison, il voulait seulement vivre. Avoir de la vie tout ce qu'elle peut offrir. En profiter pleinement – vivre, seulement vivre, s'abreuver à l'abondance de la vie et ne rien perdre de ce qu'elle peut offrir de précieux. A la fin, il se retrouva gardien de porcs, enviant même ces animaux – sa vie était devenue vide à ce point, vaine à ce point. Et sa liberté aussi se révélait vaine. (…) On ne trouve la vie qu'en la donnant ; on ne la trouve pas en voulant en prendre possession. C'est ce que nous devons apprendre du Christ ; et c'est ce que nous enseigne l'Esprit Saint, qui est pur don, qui est Dieu qui se donne. Plus quelqu'un donne sa vie pour les autres, pour le bien même, plus le fleuve de la vie coule en abondance. (…) Chers amis, les Mouvements sont nés précisément de la soif de la vraie vie ; ce sont des Mouvements pour la vie sous tous les aspects. (…) Si nous voulons protéger la vie, nous devons alors surtout retrouver la source de la vie ; la vie elle-même doit alors réapparaître dans toute sa beauté et son caractère sublime ; nous devons alors nous laisser vivifier par l'Esprit Saint, source créatrice de la vie. »
P. Michael Marmann, resopnsable du mouvement Schönstadt
Au service de la liberté
« L'Esprit Saint en revanche fait de nous des fils et des filles de Dieu. Il nous fait participer à la responsabilité de Dieu lui-même pour son monde, pour l'humanité tout entière. Il nous enseigne à regarder le monde, l'autre et nous-mêmes avec les yeux de Dieu. (…) Les Mouvements ecclésiaux veulent et doivent être des écoles de liberté, de cette liberté véritable. Là nous voulons apprendre cette liberté véritable, non celle d'esclaves qui visent à couper pour eux-mêmes une part du gâteau qui appartient à tous, même si cette part doit ensuite manquer à l'autre. Nous souhaitons la véritable et grande liberté, celle des héritiers, la liberté des fils de Dieu. Dans ce monde, débordant de fausses libertés qui détruisent l'environnement et l'homme, nous voulons, avec la force de l'Esprit Saint, apprendre ensemble la liberté véritable ; construire des écoles de liberté ; démontrer aux autres par notre vie que nous sommes libres et comme il est beau de vivre véritablement libres dans la liberté véritable des enfants de Dieu. »
L’unité écclésiale fruit de l’Incarnation éternelle
« L'Esprit Saint, en donnant la vie et la liberté, donne également l'unité. Il s'agit ici de trois dons inséparables les uns des autres. (…) L'Esprit Saint est l'Esprit de Jésus Christ, l'Esprit qui unit le Père avec le Fils dans l'Amour qui, dans l'unique Dieu, donne et accueille. Il nous unit à ce point que saint Paul a pu dire : "Vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus" (Ga 3, 28). L'Esprit Saint, par son souffle, nous pousse vers le Christ. L'Esprit Saint œuvre de façon corporelle ; il n'œuvre pas seulement subjectivement, "spirituellement". Aux disciples qui voyaient en lui simplement un "esprit", le Christ ressuscité dit : "C'est bien moi ! Touchez-moi et rendez-vous compte qu'un esprit – un fantôme – n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai" (cf. Lc 24, 39). Cela vaut pour le Christ ressuscité à toutes les époques de l'histoire. Le Christ ressuscité n'est pas un fantôme, il n'est pas simplement un esprit, une pensée, une idée seulement. Il est demeuré l'Incarné – celui qui a assumé notre chair – et il continue toujours à édifier son Corps, il fait de nous son Corps. L'Esprit souffle où il veut, et sa sainteté est l'unité faite corps, l'unité qui rencontre le monde et le transforme. »
Au service de la mission universelle de l’Eglise
« Chers amis, je vous demande d'être, plus encore, beaucoup plus, des collaborateurs dans le ministère apostolique universel du Pape, en ouvrant les portes au Christ. C'est le meilleur service que l'Eglise rend aux hommes et en particulier aux pauvres, afin que la vie de la personne, un ordre plus juste dans la société et la coexistence pacifique entre les nations trouvent dans le Christ la "pierre angulaire" sur laquelle construire l'authentique civilisation, la civilisation de l'amour. L'Esprit Saint donne aux croyants une vision supérieure du monde, de la vie, de l'histoire et il fait d'eux des gardiens de l'espérance qui ne déçoit pas. »
(Source : Homélie du pape Benoît XVI au cours des Premières Vêspres de la Pentecôte, 03/06/2006)
Quelle vigueur, quelle beauté ! dans ces textes prophétiques, au sein premier du mot.
Comment ne pas exulter en lisant cela et en se souvenant de toutes les fois où l'Esprit nous a permis d' être en contact direct avec nos amis les plus pauvres, alors que tout nous séparait: distance, milieu socio-professionnel, langue qui empêchait tout contact "mondain", habitudes liées à une autre culture etc…
Je pense en particulier à l'Inde, où, au Jardin de la Miséricorde, nous nous retrouvions en Février, une fois de plus, avec mon épouse, parmi ces gens les plus pauvres qui avaient retrouvé, grâce à Point Coeur, du goût pour la vie parce que des frères étaient là, dans le don le plus simple, celui de leur propre vie.
En ce jour de la Pentecôte, nous supplions l'Esprit du Père et de Jésus, nous implorons Marie, épouse de l'Esprit, de déverser sur l'Eglise et le Monde des fleuves de Paix, d'Amour, de Joie, ces fruits de l'Esprit qui rendent libres comme l'explique si bien Benoît XVI.
Ce que l'on appelle le "mouvement charismatique" , à l'origine de la création de certaines communautés nouvelles, s'est effectivement déployé dans l'Eglise Catholique au début des années 70, donc aprés Vatican II. Mais il est juste de préciser qu'il est né auparavant en milieu protestant et plus précisément aux Etats-Unis, où il s'est "transmis" aux milieux catholiques sur les campus universitaires. On peut lire avec profit sur ce sujet , Le temps du Renouveau, par le Père François-Régis Wilhélem , professeur au studium de Notre-Dame de Vie, (Béatitudes 2007) ou encore Mr Pentecôte, David du Plessis (Foi et Victoire 1981), lui même étudié par le P.François-Régis. D'autres communautés, comme les Foccolari ou les Foyers de Charité, sont nées bien avant le Concile mais sont sans rapport direct avec le mouvement dit "pentecôtiste".
Merci pour votre commentaire. Lorsqu'on parle de mouvements, nous avons pris en France l'habitude de penser "renouveau charismatique". Mais lorsque le pape benoît XVI évoque les Mouvements Écclésiaux, il ne fait pas référence aux mouvements dits charismatiques qui s'originent dans le Pentecotisme protestant, même si ceux-ci, dans leurs manifestations catholiques (Emmanuel, Chemin Neuf, etc…) font parti de ce phénomène général de renouveau pré ou post conciliaire et qu'ils sont sans aucun doute concernés par la dénomination "Mouvements Ecclésiaux et Communautés Nouvelles".
Par ailleurs, en France, nous avons pris l'habitude de penser qu'un charisme c'est le don de parler en langue ou de science ou que sais-je encore, bref, une qualité personnelle plus ou moins extraordinnaire un peu extérieure (qu'il faut d'ailleurs recadrer pour la faire entrer dans l'institution). Ce n'est pas faux, puisque saint Paul en parle, mais extrêmement limité. Le charisme qui édifie l'Eglise est en premier lieu celui qui est à l'origine d'une nouvelle expérience de communion écclésiale (communauté, mouvement, famille spirituelle, etc…), que celle-ci ait un aspect dit "charismatique" (dans le sens restrictif cité plus haut) ou non. Vous citez Foccolari ou les Foyers de Charité qui sont un bon exemple. Il y a également Schönstadt, le Chemin Néocatécuménal, l'Opus Dei, le Verbe Incarné, Saint jean, et bien d'autres. Mais à y regarder de plus près, il y a également le monachisme avec Saint Antoine, Les ordres précheurs, avec saint François et saint Dominique, les ordres évangélisateurs du XVIème siècle, comme les jésuites, les ordres missionnaires du XIXème, comme Picpus, etc. Chaque fois il s'est agit d'une nouveauté apparente, à l'origine d'un mouvment qui s'est formé à la suite d'une personne concrète, et qui permettait en réalité de revenir à la source de l'Evangile selon des aspects dont les époques avaient particulièrement besoin. Je vous invite à lire ou à relire notre article "Qu'est-ce qu'un charisme".
Merci, Denis, pour cette précision car le mot "charismatique" est source éventuelle de confusion pour pas mal de gens.
Or je citais (commentaire du 2è article) St Jean ds sa 1è lettre qui indique bien que lorsqu'on a reçu l'onction, on n'a pas besoin d'être enseigné !
Cette science infuse est la source potentielle d'un charisme qui, depuis les débuts de l'Eglise, s'origine dans la puissance de l'Esprit : Il va "se servir" d'un baptisé, homme ou femme, pour l'entraîner dans une voie destinée à accroître la vie de l'Eglise. On n'aurait que la personnalité de Mère Thérésa comme exemple, ce serait déjà complet comme définition pratique de ce qu'est un charisme !
Mais toute la vie de l'Eglise a vu son Histoire s'enrichir sans cesse d'une foison de charismes qui, se référant tous à l'unique Source, Pneumatique, assurent à la fois l'extraordinaire diversité de l'Eglise et son Unité profonde, ontologique, comme le Corps dont le Christ est la Tête.
C’est juste.
Denis, je pensais avoir fait cette distinction entre les mouvements issus du renouveau charismatique et les instituts "classiques" nés au XXe siècle avant ou aprés le concile.On pourrait d'ailleurs y ajouter des mouvements nés au XIXe siècle avec un charisme propre: je pense par exemple au Prado. Dans la mesure ou la différence n'était pas clairement faite il me semblait utile de noter les origines protestantes des mouvements dits "charismatiques". L'Esprit-Saint a soufflé sur Vatican II mais aussi…" là où il veut !"
Alors c’est parfait, merci pour la précision.