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Documentaire : Homeland : Irak, l’année zéro.

Le 10 février dernier, sortait au cinéma Homeland : Irak, l'année zéro. Abbas Fahdel y raconte l'invasion américaine de 2003 à partir de la vie quotidienne de sa famille. En attendant sa prochaine sortie en DVD, voici un aperçu de ce documentaire exceptionnel.

La force du documentaire d’Abbas Fahdel réside dans ce regard sur le quotidien : on rit, on pleure, on tente de vivre là où le meilleur d’un peuple semble écrasé sous le rouleau compresseur de la guerre. Il s’agit pour lui de montrer la réalité telle qu’elle est vécue et perçue par sa famille : « Je n'avais pas envie de filmer les scènes de vie quotidienne (se chamailler, jouer, manger), j'avais plutôt envie de le vivre, mais je me suis forcé pour laisser une trace ».

A travers le regard de cette famille « qui nous montre à quel point toutes les familles du monde ont les mêmes aspirations : travailler, éduquer leurs enfants, rire, aimer, s’impliquer dans leur société… » (Nourfilms) nous découvrons avec effarement à quel point les enfants étaient au cœur de cette guerre : «  On voit beaucoup d'enfants, ce n'était pas délibéré, c'est la réalité, l'Irak est un pays très jeune et la caméra attire les enfants… on entend les enfants dire "oncle tu ne m'as pas filmé", je suis père de famille, les enfants pour moi c'est la survie et quand ma fille est née, je me suis dis : "il y a au moins une irakienne qui survivra car ma fille a eu la chance de naître à Paris… Quand je tournais je pensais à ma fille et je filmais avec beaucoup d'amour. » 

 

Le réalisateur a mis plus de 10 ans avant d’accepter de livrer ces images. Et pour cause. Le personnage central du documentaire (qu'on voit dans le trailer) est un petit garçon plein de courage et de bon sens. Neveu du cinéaste, il pâtira de la guerre :  « c'est le personnage le plus vivant, le plus conscient qui représente l'avenir de l'Irak qui est assassiné à la fin. Si j'avais mis ça dans un film de fiction, on m'aurait dit : "il fait mourir le meilleur personnage, ce n'est pas vrai, mais la réalité est plus cruelle que la fiction, c'est l'histoire de ma famille. »

Pour Abbas Fahdel, il s'agit de témoigner, de laisser des traces : « Sa mort (celle du petit garçon) donne de la valeur à tout le reste. C'est pour cela que j'ai beaucoup filmé les scènes quotidiennes, le réveil matinal, etc. Car tout cela risque de disparaitre. Toutes les archives audiovisuelles irakiennes ont été anéanties, les Irakiens n'ont plus la mémoire visuelle de ces 50 dernières années, on n'a plus de traces, toute l'histoire du cinéma irakien a disparu, même si ce sont de mauvais films, ça a une valeur historique, et les documentaires ont disparu… Les scènes de souk, tout cela a disparu. Le seul équivalent qui me vient c'est Hiroshima. Quel dommage qu’on n’ait pas filmé la ville avant Hiroshima. Je connais assez bien le cinéma japonais, je suis passionné, mais je n'ai pas l'impression d'avoir vu un film qui montre la vie avant. »

L'anéantissement de la culture que porte avec elle la guerre est un fait terrible. Il est aggravé par le dérécinement forcé de centaines de milliers de personnes. ll est également dur de comprendre à quel point ce sont les enfants qui souffrent le plus de la guerre. Mais sans tomber dans la dénonciation, à travers sa propre douleur, Fadel Abbas, dévoile une espérance paradoxale : « il nous montre qu’au coeur de la guerre il existe des hommes, des femmes et des enfants exceptionnels, des héros du quotidien, des gens qui sont nos frères humains » (Nourfilms). L'absurde semble vaincre, mais quelques-uns pourront dire un jour : c'est cela l'Irak, c'est cela mon pays, c'est cela, l'humanité. 

Les propos du cinéastes sont tirés de l'entretien suivant  : 
 

 

En attendant la sortie DVD, Stalker production donne accès à quelques précieux extraits :

Une autre interview du cinéaste sur Ouma TV

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