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Un discours inattendu à la remise de diplômes d’HEC

Emmanuel Faber, patron de Danone, s'est fait remarquer pour un discours profondément humain au cours de la cérémonie de remise de diplômes d'HEC le 24 juin dernier : « Qu’est-ce qui m’a le plus marqué pendant mes trois ans ici ? C’est ce coup de fil que je n’aurais jamais voulu recevoir, à 21 heures […] et où j’ai appris que mon frère venait d’être interné pour la première fois en hôpital psychiatrique, diagnostiqué avec une schizophrénie lourde. Ma vie a basculé. »

 

« Qu’est-ce qui m’a le plus marqué pendant ces années (…) sur le campus ? » A cette question classique posée pour l'édification des jeunes diplômés, le patron répond par une introduction poignante et mémorable où il évoque la vie de son frère : « il m'a fallu apprendre le milieu des hôpitaux psychiatriques, apprendre le langage des fous pour ne pas perdre le dialogue, découvrir la beauté de ce langage – la normalité, ça enferme beaucoup -, découvrir l'altérité, m'ouvrir à plein de choses. A cause de lui j'ai découvert l'amitié de SDF, de temps en temps je vais dormir avec eux, j'ai découvert qu'on pouvait vivre avec très peu de choses et être heureux. Je suis allé dans des bidonvilles… »

S'appuyant sur cette expérience fondatrice, il affirmera haut et clair : « Après toutes ces décennies de croissance, l’enjeu de l’économie, l’enjeu de la globalisation, c’est la justice sociale. Sans justice sociale, il n’y aura plus d’économie, poursuit-il. Les riches, nous, les privilégiés, nous pourrons monter des murs de plus en plus haut, […] mais rien n’arrêtera ceux qui ont besoin de partager avec nous. Il n’y aura pas non plus de justice climatique sans justice sociale. »

Au cours de la partie anglaise de son discours, ce patron du CAC 40 (cf. biographie sur Libération) n'a pas hésité à lister les écueils des responsabilités en exorthant les futurs élites : « Vous allez avoir un grand pouvoir entre les mains. Mais la question est : qu'allez vous faire de cela ? Pourquoi allez-vous vous retrouver dans les finances, dans le marketing, comme avocat, entrepreneur social, un business leader ? Et comment allez-vous réaliser votre leadership dans ces domaines ? Car (…) il vous a été raconté qu'il existe une main invisible (cf. Adam Smlith, ndlr), mais il n'y en a aucune. Peut-être qu'il y en a une, mais elle est plus handicapée que mon frère, elle est brisée. Il n'y a par conséquent que vos mains, mains mains, toutes nos mains, pour changer les choses et les rendre meilleures. (…) Mais vous aurez à surmonter trois grandes écueils qui viendront facilement avec le statut que vous venez d'obtenir par ce diplôme : le pouvoir, l'argent et la gloire. La gloire, oubliez ça, c'est seulement une course sans fin qui ne mène nulle part. (…) L'argent, j'ai vu tellement de gens en être prisonniers (…). Soyez libres de l'argent, restez libres. (…) Le pouvoir n'a de sens que si votre leadership est un service. » 

Voici quels sont les propos tenus par ce catholique devant les nouveaux diplomés. Il terminera par cette question : « Et comment allez-vous trouver le chemin pour réaliser ce but ? Ce but qui fera de vous ce que vous êtes vraiment ? Le meilleur de vous que vous ne connaissez pas vous même ? Je n'ai qu'une seule question avec laquelle je vais vous laisser…» 

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