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Témoignage sur la mort du roi de Thaïlande

Membre de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée, le frère Bernard enseigne le français à l'université Silpakorn dans un contexte majoritairement boudhiste. Avec les étudiants, il visite depuis 20 ans le Centre de Détention de l'Immigration de Bangkok où il soutient les réfugiés politiques dont le statut n'est pas reconnu en Taïlande. Il se dévoue à la libération sous caution des réfugiés, notamment des mamans accompagnées d'enfants. Voici son regard sur la mort du Roi Rama IX (Bhumibol Andaliadej) survenue le 13 octobre dernier. 

Actuellement la Thaïlande est dans une situation toute particulière, le roi Rama IX qui a règné pendant plus de 60 ans vient de mourir. C’est un évènement sans pareil pour les Thaïs, tout le pays est en deuil, pas un deuil seulement officiel, mais un deuil vécu du fond du cœur car tous  vénèrent l’ancien monarque comme un père.

En Occident on peut difficilement comprendre qu’un homme puisse susciter un tel amour alors qu’il n’a aucune autorité directe dans l’administration du pays. En effet, la Thaïlande est une monarchie constitutionnelle, c’est un Premier Ministre qui dirige le pays en se basant sur une constitution. La conception d’un roi détenant le pouvoir absolu a disparu en Thaïlande depuis près d’un siècle. Néanmoins, ce souverain dispose d’un prestige qui n’a rien a voir avec un pouvoir politique, c’est bien plus un symbole d’unité pour le peuple thaï.

Si nous considérons le passé de la Thaïlande, force est de reconnaitre l’existence de nombreux heurts : oppositions violentes entre partis, des hommes politiques plus préoccupés par leur richesse que par le bien-être du peuple, beaucoup de corruption, une suite de coups d’état… Dans bien des cas, le monarque constituait l’ultime référence pour régler les conflits. Il était le seul qui gardait la confiance du peuple.

Par ailleurs, son  prestige est aussi  lié à son dévouement pour son peuple. Les journaux  parlent de plus de 500 projets que le roi a lancés, beaucoup dans les campagnes les plus reculées, comme ceux pour les tribus dans les montagnes, toutes les cultures de céréales, de fruits ou de légumes a la place du pavot, et aussi  les projets a Bangkok et dans les régions centrales  pour remédier aux inondations ou faciliter le trafic. Il affrontait directement les problèmes existants. C’était un homme de terrain rencontrant les autorités locales et les villageois  pour discuter et proposer des voies afin de trouver des solutions nouvelles. Je crois fermement que c’est son intérêt pour les gens du peuple et son souci de trouver des issues à leurs difficultés qui suscite cet enthousiasme de millions de thaïs pour leur souverain.

Et maintenant tout le monde se tourne vers l’avenir pour imaginer comment l’œuvre de ce roi bien aimé va se poursuivre. Ce qui est clair, c’est que personne n’est pressé pour tourner la page. Une telle personnalité ne se remplace pas facilement. Ceci dit, la relève ne manque pas et a mon avis, elle se fera dans une ambiance pacifique, au delà des sentiments et préjugés personnels des uns et des autres ainsi que des conflits locaux. 

 

Malgré les très grands rassemblements a Bangkok pour célébrer les adieux, la vie continue normalement et seuls les touristes souffrent de la fermeture des attractions habituelles. Mais ils comprennent et compatissent au malheur des Thaïs.

C’est une nouvelle ère qui se prépare dans la confiance et la sérénité. Personnellement, je pense que ma mission au Centre de Détention va se poursuivre. A cause de la peur de nouveaux attentats, les arrestations d’étrangers sans papiers se multiplient et le Centre de Détention aura toujours besoin de volontaires pour soulager la vie misérable des détenus et les mesures inhumaines qui y règnent, dans l’ignorance totale de l’ensemble des thaïs.

 

Frère Bernard, Bankok, le 24/10/2016

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Frère Bernard, membre de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée, a été envoyé en Thaïlande en 1971. Après 6 mois d’apprentissage de la langue, son supérieur lui demande de chercher une insertion dans un milieu thaï. Il est accepté comme lecteur de français a l’université Silpakorn, où il donne jusqu’à aujourd’hui des cours sur le campus de Nakhon Pathom au département de français de la faculté des Lettres. Il assure ainsi une présence chrétienne en milieu thaï, profondément bouddhiste. Avec les étudiants et les professeurs, il s’engage dans diverses organisations de lutte pour les droits des enfants, puis au service du monde carcéral. Ainsi, il visite depuis 20 ans le au Centre de Détention de l’Immigration de Bangkok, où il coordonne aujourd’hui le travail de neuf ONG. Il s’occupe spécialement de la libération sous caution des refugiés politiques, en accompagnant tout particulièrement les mères avec des enfants. La Thaïlande ne reconnaissant pas le statut donné par l’UNHCR (agence des Nations Unies pour les réfugiés), tous peuvent être arrêtés du jour au lendemain et emprisonnés.

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