Le 22 mars dernier est sorti dans les salles obscures le dernier Disney qui reprend le classique d’animation du même nom de 1991. Ce film musical fantastique réalisé par Bill Condon, s’inspire d’un conte très ancien rendu populaire par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont qui le publie en 1757 dans son Magasin des enfants.
Tout le monde connait cette « histoire éternelle » d’une belle jeune fille au cœur rempli de désirs purs qui s’éprend d’une affreuse bête et le sauve en l’aimant. « Histoire éternelle » comme le chante le film car les grands thèmes de ce conte rejoignent les aspirations les plus profondes de notre cœur et du même coup, les thèmes centraux de la foi chrétienne. A travers ce conte se manifeste et le cœur de l’homme et le cœur de notre foi, le cœur de Dieu.
Le péché
Le premier grand thème évoqué est celui qui ouvre le film : le péché. Le prince vit dans le luxe de son château et son cœur s’est fermé à la douleur de la misère. Il est incapable de recevoir chez lui une vieille femme qui lui demande l’hospitalité un soir d’orage en échange d’une rose. Et personne ne s’oppose à la méchanceté du Prince. Le rire chafouin des hôtes du bal fait entendre la participation de tout le château à sa cruauté. Au moment de son refus la vieille mendiante repoussante se transforme en une étincelante jeune femme qui le transforme en bête et fait tomber sur tout le château un maléfice éternel. Derrière le péché du Prince il y a le péché d’Adam. Comme Adam, le Prince perd la beauté originelle de sa nature. Il s’ajoute sur lui comme une seconde nature, une nature « bestiale » qui toutefois n’anéantit pas totalement sa nature originelle. Dans le film, la bête garde des traits profondément humains… l’humanité est à fleur de peau. Sous le bête sommeille l’homme que seul l’amour pourra révéler de nouveau. La rose donnée au Prince devenu bête est l’espérance de l’amour rédempteur.
Juger sur les apparences
A ce premier thème s’ajoute le fameux dicton : « il ne faut pas juger sur les apparences » ou comme le dit Mme de Villeneuve : « Vous m'apprîtes à démêler les apparences qui déguisent toutes choses. Je sus que l'image trompe, et nos sens et nos cœurs. »[1] L’affreuse mendiante était une fée merveilleuse, Gaston (joué par Luke Evans) est un beau jeune homme bouffi d’orgueil, et la bête garde un cœur prêt à aimer. Seule belle manifeste ce qu’elle est. La beauté de son visage est l’expression de la beauté de l’amour.
L'amour
L’amour justement, est le thème central de ce conte, c’est pourquoi aussi il nous touche si profondément. L’amour du conte de Mme Leprince de Beaumont est un amour christique qui embrasse toutes ses dimensions sans en oublier aucune. Tout d’abord c’est l’amour filial qui lui aussi est symbolisé par une rose : celle que Maurice cueille dans le jardin de la Bête. Ce geste sera condamné par la Bête à l’emprisonnement éternel. Belle est aimée de son père Maurice (Kevin Kline) et elle l’aime en retour. Elle l’admire et le comprend. Il lui a transmis son intelligence et son goût d’apprendre, de lire ! Belle lit et son cœur, en lisant, s’ouvre au monde entier : elle veut découvrir le monde et se sent à l’étroit dans son petit village où rien ne change. Nous verrons que son désir de voyage sera exaucé mais non pas comme elle l’entendait dans ses rêves de jeune fille romantique.
Cet amour filial et paternel porte en lui l’amour vrai : celui qui se donne. Il y a deux scènes qui illustrent cette loi de l’amour. Au moment de l’emprisonnement de Belle : « tu veux prendre sa place » demande la Bête à Belle. Et elle s’enferme, elle-même, librement, à la place de son père, par amour et don désintéressé d’elle-même. Ce que son père, par ailleurs veut faire aussi pour sauver sa fille. Et puis la scène où la bête, au mépris de sa vie, sauve Belle des loups, au moment où celle-ci cherche à s’enfuir du château. Ce moment central ouvre les yeux de Belle : elle voit le cœur de la Bête.
Et puis, au revers de cet amour vrai il y a l’amour de Gaston pour Belle. Son amour est possessif : il n’aime que lui en voulant épouser Belle. Dans ce cas, le mariage est une possession. Gaston, avant d’aller voir Belle pour lui faire la cour, se regarde dans un miroir et s’admire. Il vit le contraire de l’amour de Belle qui se donne et s’oublie par amour de l’autre.
La liberté
La conséquence principale du « péché » du prince est une malédiction qui, nous l’avons vu abime la nature de l’homme et le transforme en bête pour le Prince et en ustensiles pour ses domestiques. Les hommes ont perdu leur liberté. Non seulement ils ne peuvent plus sortir du château et sont condamnés à y vivre éternellement, mais leur condition s’est matérialisée : ils sont devenus des esclaves. Ils sont devenus ce qu’ils faisaient. Désormais leur être est défini par leur faire et non plus par ce qu’ils sont. Nous retrouverons là, toute la magie du dessin animé (la petite tasse de thé ébréchée Chip, Plumette, Lumière, BigBen, Mme Samovar, le piano…). Eux aussi, comme la bête, derrière leur « instrumentalisation » garde nt quelque chose de la nature humaine. Ils ne sont pas complétement abimés et ils peuvent encore poser des actes de liberté. Cette liberté réduite mais réelle est incarnée par Lumière (Evan McGregor), l’inénarrable candélabre amoureux, parfait valet français charmeur, amoureux de sa ravissante Plumette (Gugu Mbatha-Raw). Il brave les ordres du maître (la Bête) en emmenant Belle dans sa chambre de princesse et surtout, en organisant ce fabuleux diner français par amour et par envie de vivre malgré tout ! La liberté des ustensiles participe à la Rédemption. Chaque acte de liberté posé pour Belle, pour bien l’accueillir permettra au maître d’entrer lui aussi dans la liberté, de se libérer de son péché et du coup, d’aimer. La bête aimera en vérité lorsqu’elle rendra sa liberté à Belle qui part secourir son père emprisonné par l’infâme Gaston. Mme Samovar, la théière ne s’y trompe pas lorsqu’elle est interrogée sur la raison de la libération de Belle, elle répond : « parce qu’il l’aime ». A la possession égoïste de Gaston s’oppose la liberté de l’amour de la Bête.
La rédemption
Il fallait, pour rompre le sortilège, qu’une personne aimât le prince maudit avant que ne se fane totalement la rose laissée par la vieille mendiante. Le temps de la rose passe et rien ne semble pouvoir briser la malédiction. Tout est froid et recouvert de neige et les domestiques se matérialisent chaque jour un peu plus. L’arrivée de Belle dans le château enchanté ramène l’espérance dans le cœur de tous… mais qui pourrait aimer une bête ? Il faudra apprendre à démêler les apparences. Le sourire bestiale de la Bête au moment où il invite Belle à diner est une fausse route : l’amour ne naitra pas de l’illusion du corps, de l’apparence… celle-ci est trompeuse, elle ne conduit qu’à l’amour de soi. Il faudra vivre, montrer, incarner l’amour. Aussi, au moment où la rose se fane totalement, la Bête meurt en sacrifice de sa vie par amour de Belle. Avec lui, tout sombre dans la mort. Le château est maudit jusqu’aux dernières conséquences de sa malédiction : « car le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23). BigBen, Lumière, Chips, Mme Savonar… tous s’éteignent l’un après l’autre. Et Belle pleure la mort de son bien aimé. Lorsqu’elle lui dit qu’elle l’aime, la rose est déjà passée et la mort a posé sur toute la création son ultime pouvoir. Mais l’amour est plus fort que la mort et redonne vie à la Bête et à tout le château : la Bête ressuscite et retrouve sa splendeur première ; il redevient un prince charmant. Ainsi l’amour peut s’épanouir dans ce qu’il a de plus beau et fascinant : le don de soi inconditionnel, symbolisé par le baiser.
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Belle_et_la_Bête
Merci pour cet article :) J'avais déjà vu plusieurs fois le dessin animé disney en étant plus petite et cela m'a donné envie de voir le film récemment sortie. Je vous laisse, je file voir le film avec un bon thé !
Bonjour Thibault! Très bon article, je l'ai beaucoup aimé parce que c'est mon film préféré. Regarder à nouveau ce film avec mes enfants est une excellente façon de commencer l'année. Salutations,