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Liban : la France ne soutiendra pas le retour des réfugiés syriens

Il y a peu, le général Aun rencontrait Emmanuel Macron à l’Elysée. Le président libanais a profité de ce voyage pour inauguré l’exposition « Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire » (https://terredecompassion.com/2017/10/17/chretiens-dorient-lexposition-inattendue-a-linstitut-du-monde-arabe/). Une visite diplomatique haute en symbole dans un climat de stratégie internationale. 

L’intervention d’Emmanuel Macron

Au cours de la rencontre du 25 septembre dernier, monsieur Macron rappelait son attachement au Liban « dont la stabilité et la souveraineté constituent un enjeu majeur pour l'ensemble du Moyen-Orient mais également pour l'Europe ». La France entend d’ailleurs renforcer son soutien en partageant son savoir faire « dans les domaines de la lutte anti-terroriste, de la défense civile, du déminage, à travers l'envoi d'experts ou encore l'ouverture en octobre d'une école de déminage ». Elle veut également travailler à mobiliser ses partenaires pour organiser une conférence aux Nations Unies afin de soutenir l’armée libanaise dans son engagement à la frontière syrienne. En outre, le président français n’a pas manqué de rappeler sa participation à la Finul, dont la tâche consiste à préserver la paix à la frontière avec Israël (https://www.lorientlejour.com/article/1074529/macron-recevant-aoun-labsence-de-solution-politique-en-syrie-empeche-le-retour-des-refugies.html). 

Le discours du Général Aun

Comme il l’avait fait quelques jours auparavant, le 21 septembre, à l’occasion de la 72e assemblée générale de l’ONU (https://www.lorientlejour.com/article/1073959/aoun-a-lonu-il-est-urgent-dorganiser-le-retour-des-deplaces-syriens.html), le président libanais a évoqué la crise des réfugiés syriens et le « conflit israëlo-arabe » (Le général Aun rappelait à l’ONU comme au président français les violations du territoire libanais perpétrées par Israël et les 500.000 Palestiniens réfugiés au Liban depuis 1969 sans que la solution des deux Etats ne soit plus envisagée par l’ONU.)

Pour lui, les 1,5 millions de réfugiés syriens supportés par le Liban dépassent les capacités du pays et aggravent sa situation économique. Il rappelait à l’ONU que 85 % du territoire syrien était désormais sous contrôle du gouvernement, lequel était en train de conclure les derniers accords de paix avec les rebelles. Il ne veut pas attendre un retour « volontaire » et propose un retour « sécurisé » des « déplacés » syriens. Il parle de déplacés car le statut de réfugié implique un assentiment du pays d’accueil. Il explique également que la politique implicite de l’ONU visant à faire naturaliser les réfugiés, appartient à la décision souveraine du Liban et ne peut lui être imposée. Interpellant le président français sur les conditions précaires de ces populations sur son territoire, il affirmait : « L'aide fournie par les Nations unies pour les maintenir dans des camps doit être utilisée pour les ramener dans leur pays à partir de maintenant » (https://www.lorientlejour.com/article/1074529/macron-recevant-aoun-labsence-de-solution-politique-en-syrie-empeche-le-retour-des-refugies.html).

La réponse indirecte de monsieur Macron

Quelques jours plus tard, le 9 octobre, à l’issue d’un entretien avec Filippo Grandi, le Haut commissaire des Nations Unis, Emmanuel Macron répondait indirectement au président Libanais : « Notre volonté est que les réfugiés soient pleinement protégés et nous ne soutiendrons pas des actions qui conduisent à raccompagner de manière subie les réfugiés sans que toutes les garanties soient apportées et que la stabilité politique soit assurée. » (https://www.lorientlejour.com/article/1077218/macron-repond-indirectement-a-aoun-la-france-ne-soutiendra-aucun-retour-subi-de-refugies-syriens.html

Ainsi, la France s’inscrit-elle dans la ligne adoptée par l’ONU et dans celle du premier ministre libanais, Saad Hariri, reçu quelques jours plus tôt par Emmanuel Macron. Ce dernier s’est de fait opposé au retour des réfugiés. Sunnite, comme le veut la constitution libanaise, il manifeste de manière subtile sa solidarité avec une part d’entre eux, issus des groupes rebelles syriens. 

La réponse de la France en question

Le général Aun est pragmatique. Il voit la situation humanitaire des « déplacés », la crise économique de son pays et surtout, la menace pour son équilibre que constituerat la naturalisation souhaitée par l’ONU de 1,5 millions de syriens en majorité sunnites. Dans un pays de 6 millions d’habitants – dont environ 40% de chrétiens – la rupture de l’équilibre entre chiites et sunnites déstabiliserait un modèle politique pluriconfessionnel douloureusement construit. Son intérêt est bien sûr la résolution rapide du conflit syrien. Si le Liban, ennemi de Bachar al-Assad, avait exprimé le souhait que le régime se maintienne, ce n’était certes pas en raison de la naissance d’une amitié subite. 

En ce qui concerne la position défendue par Emmanuel Macron, le fait de proposer de partager son savoir faire en matière de lutte contre le terrorisme et de promouvoir l’effort international aux frontières avec la Syrie alors que le territoire voisin est presque entièrement sécurisé en dit long. D’une part, la France (la coalition) est consciente du risque accru de terrorisme lié à la présence de groupes précis et connus de tous dans les camps libanais. D’autre part, elle veut pouvoir préparer un contrôle des frontières qui puisse lui servir bientôt. 

Il ne faut pas oublier que l’enjeu de ces guerres n’est ni la démocratie, ni le bien des réfugiés, mais d’empêcher à tout prix que les Chiites possèdent un moyen d’acheminer le pétrole en Europe. Or la victoire de Bachar al-Assad appuyée par la Russie est imminente. Si les réfugiés retournent en Syrie maintenant, ils seront obligés de se soumettre aux accords de paix entre les rebelles et le gouvernement. Ils redeviennent des citoyens syriens. En revanche, s’ils restent à la frontières, une bonne part d’entre eux constitueraient une réserve militaire potentielle capable de déstabiliser un régime épuisé par 5 ans de guerre. Ce n’est donc pas seulement en matière de « réfugiés » que la France reste fidèle à sa politique. 

Une telle hypothèse est corroborée par l’organisation de convois d’évacuation à Raqqa, le centre névralgique de l’Etat Islamique. Bien sûr, selon les motivations exprimées par Washington, il s’agit de « minimiser les pertes civiles » et l’évacuation ne concernera pas les « terroristes » car les passeports seront contrôlés [1]https://www.lorientlejour.com/article/1078246/syrie-accord-sur-des-evacuations-de-raqqa-samedi.html. Dans les faits, de nombreux Syriens sont conduits hors des frontières, dans un but qui n’est sans doute pas étranger à la question libanaise.

On doit penser cependant aux familles, à de nombreux Syriens qui sont restés au Liban dans l’espoir de retourner chez eux le plus vite possible, aux centaines d’enfants orphelins, livrés à eux-mêmes à cette frontière et dont personne ne parle. Dans son discours, Emmanuel Macron défend un noble idéal  « Nous pensons l'un et l'autre que le Liban doit pouvoir, dans un Moyen-Orient troublé, continuer de servir de modèle de tolérance, de pluralisme et de démocratie qui est le sien ». C’est bien le sens de la candidature libanaise aux Nations Unies en tant que siège officiel et permanent du dialogue entre les civilisations, et à propos de laquelle le général Aun demande le soutien de la France. Pour tous ces enjeux, le Liban a bel et bien besoin de la France, mais la France, ne semble pas au rendez-vous.

 

Article coécrit par Josette Khoury et Denis Cardinaux.

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