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Le Kurdistan (I) : la nation invisible

Le question kurde s’empare régulièrement de la une de l’actualité depuis quelques années. La reprise récente de Kirkuk aux kurdes par l’armée irakienne a permis de soulever l’éternel demande les concernant : auront ils un jour leur terre promise ? peuvent-ils encore espérer posséder un jour leur propre pays ou devront-ils toujours dépendre des nations voisines ?

Photo : Enfant Kurde sur la route (pixabey)
 

Cette question liée à l’idée d’Etat-Nation et chère aux français depuis la Déclaration des droits de l’homme semble n’être qu’une utopie pour les kurdes. L’idéal prôné par le président américain Wilson au terme de la 1ère Guerre Mondiale du fameux droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne saurait nous illusionner : peu d’Etats sont nés au XXème siècle sans l’accord tacite des grandes nations. Toute création d’Etat modifie l’équilibre des forces en jeu et peut entrainer de nouvelles guerres surtout si la sécurité des approvisionnements énergétiques est touchée.

Mais revenons à notre peuple kurde. Il est nécessaire de se rappeler que ce peuple d’origine iranienne (Mèdes) compte aujourd’hui entre 30 et 40 millions d’habitants, la plus grande nation du XXIème siècle sans Etat. Son installation dans la région actuelle de la Haute Mésopotamie et de l’Anatolie s’est effectué plus ou moins à la même époque que celui des Gaulois en France. Plus de 2'500 ans se sont écoulés et les kurdes se battent toujours pour obtenir une terre.

Zone habitée par les Kurdes, carte de la CIA (1992)
 

Leur malheur fut en effet de s’installer sur un territoire hautement stratégique et riche en hydrocarbures. Si l’on consulte une carte du Moyen Orient on se rend vite compte que ce peuple coupe littéralement la région en deux séparant l’Iran à l’Est de ses voisins syrien et turc à l’Ouest. Ce n’est pas pour rien que le 1er calife ottoman Selim 1er, profitant de cette position de tampon qu’occupe le territoire kurde, conclu avec eux une alliance au XVIème siècle. L’autonomie relative qu’ils acquirent en échange de leur fidélité au sultan permettait à ce dernier de sécuriser les confins Est de son empire contre les invasions de l’ennemi Perse (Iran actuel) et libérait l’armée ottomane pour d’autres missions. Une autonomie que les Kurdes ont savourée pendant plus de 300 ans avant que les idées françaises d’Etat Nation ne viennent réveiller en eux au XIXème siècle un désir plus grande de souveraineté.

Les révoltes qui suivirent furent réprimées dans le sang (1881) et bien qu’au traité de Sèvres d’après guerre (1920) les alliés leur promirent un état, celui-ci ne vit jamais le jour. Il fut en effet balayé par les intérêts d’un nouveau leader, le fameux Atatürk [1]Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938), fondateur et premier Président de la république tur que de 1923 à 1938. qui affermit son pouvoir sur les terres de l’actuelle Turquie dont l’est était destiné à devenir le nouveau Kurdistan. Atatürk effaça du même coup le rêve kurde et contraint les alliés à signer un nouveau traité en 1923 à Lausanne. Les frontières du Kurdistan promis étaient désormais partie intégrante de la nouvelle Turquie et les kurdes, bien qu’ayant participé eux aussi à la guerre d’indépendance de l’Anatolie aux côtés d’Atatürk pour libérer le pays de l’influence des grandes puissances chrétiennes, se virent trahis dans leurs intérêts par le nouveau leader turc.

La communauté internationale, malgré les grandes idées d’autonomie des peuples, ne bougea pas. Les anglais avaient construit l’Irak, mis la main sur le pétrole du défunt empire ottoman à la barbe des français, mais aussi des kurdes de la région (Mossoul) et se désintéressa de la cause kurde qui tomba dans l’oubli des grands de ce monde jusqu’à l’arrivée en scène de Daesh.

(A suivre : « Le Kurdistan (II) : Carrefour du XXIème siècle)

References

References
1 Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938), fondateur et premier Président de la république tur que de 1923 à 1938.
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3 Commentaires

  1. Marie MCD 7783

    En fait, la diaspora kurde a commencé dans les années 60! Bravo pour cette belle rétrospective…j'attends la suite…mais je crains fort que les Kurdes soient à nouveau les grands perdants de ce bourbier qu'est le Moyen-Orient.