Début septembre, Berkeley University a décidé une dépense extraordinaire de 600.000 USD pour renforcer la sécurité sur le campus et mettre en place une « cellule d'accompagnement psychologique » pour les étudiants « qui se sentiraient menacés ». Ce qui justifiait de telles mesures n'était pas l'imminence d'une attaque terroriste, mais la visite, le 14 septembre, du commentateur politique Ben Shapiro.
Pourtant, ce juif orthodoxe de 33 ans n'a, à priori, rien de très menaçant. Réputé courtois, voire affable, il n'est pas non plus de ces provocateurs qui prennent plaisir à attiser la haine de leurs ennemis. Non, si l'annonce de sa avenue fait trembler ses adversaires, c'est qu'ils redoutent la clarté et la force de persuasion de celui qu'on a surnommé « the Jewish Hammer ».
Né en 1985, Ben Shapiro achève brillamment ses études de droit à Harvard à l'âge de 23 ans. Il est l'auteur de nombreux bestsellers analysant l'idéologie libérale et sa machine de propagande. On lui doit entre autres un livre sur Hollywood et un autre sur les unversités américaines. Il est aussi régulièrement invité par les médias (CNN et Fox News) pour commenter l'actualité, notamment sur les questions liées à l'avortement et au gender, et son podcast quotidien, le Ben Shapiro show est le podcast conservateur le plus écouté aux Etats-Unis. Si la langue de cet habitué du ring politique et médiatique est parfois tranchante comme le glaive, ses adversaires saluent néanmoins, unanimement ou presque, son honnêteté intellectuelle, chose rare dans le climat politique actuel.
Depuis l'arrivée de Trump à la maison blanche, une expression est en effet devenue tristement célèbre : « fake news ». Politiciens et média se la lancent constamment au visage, de droite à gauche et de gauche à droite, au point que l'on entend dire que nous sommes entrés dans l'ère « post-vérité », comme si la vérité elle-même était un concept devenu hors d'usage. Derrière cette rhétorique dramatisante se cache une réalité qui, hélas, n'est pas si nouvelle, à savoir que nos allégeances politiques et nos intérêts financiers pèsent souvent plus lourds dans la balance de notre jugement que le sens commun et l'observation. C'est précisément cela qui est rare et rafraichissant chez Ben Shapiro : l'amour de la vérité et le courage de la défendre.
Juriste de formation, Ben Shapiro approche l'actualité comme un juge approche une dispute : en interrogeant les faits, en collectant méthodiquement les preuves et les indices, et en distinguant soigneusement les responsabilités.
Là où nos intelligences paresseuses tendent à se satisfaire de discours qui voient la réalité en noir et blanc (« L'idéologie, avait dit une fois Alain Finkelkraut, c'est l'incapacité à compter au delà de deux »), Ben Shapiro a l'art de la mesure et des jugements pondérés, qui éclairent la complexité du réel sans la réduire à des schémas caricaturaux. Là en revanche où les principes fondamentaux de notre société sont en jeu, là où nos mêmes intelligences malades deviennent soudainement beaucoup plus nuancées et relativistes, Ben Shapiro, quant à lui, n'arrondit pas les angles.
Un autre cheval de bataille du commentateur est résumé en en-tête de son compte Twitter : « Facts don't care about your feelings » (les faits se moquent de vos sentiments). Contre la dictature d'une politique affective, émotionelle, où la victimisation est érigée en critère de légitimité, Ben Shapiro affirme l'objectivité du réel et la nécessité de débats rationnels, adultes, argumentés.
Internet regorge de vidéos immortalisant les victoires de ce surdoué des joutes oratoires. Si la rapidité légendaire de son élocution (qui donne parfois le sentiment que sa réflexion est si vive qu'elle a toujours une longueur d'avance sur sa parole) nous le rend parfois difficile à suivre, elle le rend surtout redoutable pour ses adversaires, peu armés pour faire face à de tels assauts de données statistiques et de solide logique. Les vidéos présentées ci-dessous montrent Ben Shapiro à l'oeuvre. On pourra évidemment mettre le doigt, çà et là, sur des points discutables (comme sa confiance illimitée dans le capitalisme ou dans les bienfaits de l'influence américaine dans le monde), mais qui n'altèrent pas fondamentalement la valeur de son engagement politique et la sincérité de sa recherche de la vérité.
Avant d’introduire les vidéos, il vaut là peine d’entendre ces mots de Ben Shapiro : « Lorsque je me lève la nuit pour bercer mon nouveau-né, je réintroduis de l'ordre dans un monde chaotique ».
VIDEOS
Dans cette première vidéo, il argumente contre l'avortement. Lorsque le vice-président Mike Pence a pris la parole lors de la marche Pro-Life à Washington cette année, Ben Shapiro, qui est un juif croyant et pratiquant, a cependant regretté qu'il ait citer la Bible pour condamner l'avortement, car la dignité de la vie, selon lui, n'est pas une donnée de foi. Elle doit être défendue sur le terrain de la raison et de la nature.
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Dans la vidéo suivante, Ben Shapiro argumente contre l'idéologie du Genre, qui part du principe que l'identité sexuelle est une construction culturelle et que chaque individu devrait pouvoir décider de son genre et de son identité.
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Cette troisième vidéo est extraite d'un débat opposant Ben Shapiro à des leaders du mouvement Black lives matter. Ben Shapiro conteste l'idée selon laquelle la situation économique de la communauté africaine-américaine est une conséquence du racisme diffus de la société américaine (« institutionnal racism »). Il met la dimension économique du problème en lien avec ses dimensions morales et culturelles, en citant par exemple les statistiques de l'augmentation dramatique du pourcentage de mères célibataires, entre les années 60 et aujourd'hui. Il se souligne donc indirectement l'enjeu de l'éducation comme voie de sortie du problème.
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Enfin, la dernière vidéo est un entretien plus personnel dans lequel Ben Shapiro parle, entre autres, de sa foi qu'il décrit comme une « lutte avec Dieu », la comparant avec cet « événement fondateur d'Israel » qu'est la lutte de Jacob avec l'ange » (Spécialement de 9:00 à 12:30).
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Mais il n'est pas "bad" du tout.