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Réapprendre à écouter avec la méthode Tomatis

Martine Renous pratique la méthode Tomatis depuis près de 20 ans. Après avoir suivi une formation d’institutrice, elle a commencé à accompagner des enfants qui présentaient des troubles scolaires ; elle a rapidement réalisé qu’une grande partie des problèmes d’apprentissage était liée à des difficultés d’attention et donc d’écoute. Elle découvre la méthode Tomatis et se forme pour aider ses élèves. Elle nous partage ce qu’elle a découvert depuis toutes ces années et ce que permet cette « ouverture de l’oreille ».

Qui était le professeur Tomatis et comment est née cette méthode que vous pratiquez aujourd’hui?

Le Professeur Tomatis (1920- 2001) était le fils d’un chanteur d’opéra : il a grandi en musique et raconte que pendant son enfance il a passé une grande partie de son temps avec son père à écouter les répétitions. Puis il est devenu médecin ORL. Une fois médecin, son père lui a envoyé des chanteurs qui avaient des problèmes avec la justesse ou l’émission du son à un moment de leur carrière. En essayant de comprendre la source de ces problèmes, il en est venu à faire l’hypothèse fondamentale que « la voix émet ce que l’oreille entend ». Donc si des chanteurs dénotaient sur certaines fréquences c’est qu’ils n’entendaient plus bien ces fréquences, alors même qu’ils bénéficiaient d’une très bonne ouïe : on peut en effet avoir une très bonne ouïe sans pour autant être capable de bien écouter ! Le professeur Tomatis a fait des recherches, il a créé un laboratoire et mis au point des appareils modificateurs d’écoute ou oreilles électroniques qui permettent de filtrer certaines fréquences du son. En écoutant de la musique filtrée sous oreille électronique, les patients s’habituent à entendre certaines fréquences et peu à peu ouvrent leur oreille. Cela se fait en musclant l’oreille moyenne : celle-ci, située entre l’oreille externe (jusqu’au tympan) et l’oreille interne, contient des tout petits muscles qui ont pour fonction de tendre ou détendre des osselets. Ce mouvement, dépendant du développement de ces petits muscles est à la base de l’écoute. Quand le son passe dans les aigus, le muscle se contracte, quand il passe dans les graves il se détend : on fait donc faire une gymnastique à ces muscles de l’oreille moyenne car lorsque l’oreille moyenne est bien musclée il est beaucoup plus facile d’être attentif d’entendre bien toutes les fréquences. Le professeur Tomatis a donc inventé des appareils et une méthode pour affiner l’écoute et ouvrir l’oreille. Il aimait rappeler que le premier commandement de la Bible est « Ecoute Israël » , tout part de l’écoute !

Comment est-il passé d’une technique pour améliorer l’écoute et la voix des chanteurs à cette méthode dont bénéficient aujourd’hui ceux que vous recevez : des enfants avec des troubles de l’attention ou de l’apprentissage, des adolescents avec des problèmes de concentration, des personnes avec des dépressions légères ?

En travaillant avec les chanteurs et grâce aux tests d’écoute, il a compris que les personnes pouvaient mettre en place au niveau de l’écoute, de manière inconsciente, des protections à la suite de tel ou tel traumatisme de la vie. Ces protections font que l’oreille moyenne peut mal fonctionner. Mais il a aussi découvert par les chanteurs que ces protections pouvaient s’ouvrir grâce à la musique de Mozart et sa méthode d’écoute sous oreille électronique. L’essentiel de sa méthode étant d’ouvrir l’oreille et de développer une meilleure écoute, sa méthode pouvait alors s’étendre à beaucoup d’autres champs. 

L’écoute n’est donc pas liée seulement au bon fonctionnement de l’appareil auditif ?

Nous avons deux types d’écoute : celle du monde extérieur, l’écoute aérienne, mais aussi celle de l’écoute intérieure quand nous parlons, dite osseuse, on s’entend à travers son corps. On écoute ce qu’on ressent, ce qu’on se dit à l’intérieur de nous. Et il faut avoir un bon équilibre entre ces deux écoutes, on doit pouvoir écouter le monde extérieur comme on s’écoute soi-même. Si l’une domine l’autre cela peut se traduire par des problèmes relationnels, un manque de confiance en soi. On voit bien cette différence entre ces deux types d’écoute quand on entend un enregistrement de sa propre voix, on ne la reconnait pas, on est même choqué de s’entendre de cette façon. Généralement notre premier réflexe est de demander à quelqu’un, « est-ce que je parle vraiment comme cela ? » et généralement on s’entend répondre « mais oui c’est toi bien sûr! ». Lorsque l'on parle, on s’entend principalement en écoute osseuse et un peu en écoute aérienne. Lorsqu'on entend l'enregistrement on ne s'entend soudainement qu'en aérien. Ce que je vois souvent chez des enfants aujourd’hui c’est une écoute osseuse très importante, qui dépasse largement l’écoute extérieure : ils sont envahis par leurs propres affects et ne peuvent rester attentifs car l’écoute du monde extérieure n’est pas assez développée ; ils sont dominés par l’écoute de leur monde intérieur. C’est un mécanisme qui a pu se développer pour des raisons psychologiques, des traumatismes, des problèmes familiaux. L’enfant se replie sur lui-même. On voit bien ces deux types d’écoute quand on fait l’expérience de parler à quelqu’un qui nous entend sans nous écouter parce qu’absorbé dans une tache, une activité ou dans le monde intérieur. C’est très clair chez les enfants.

Qui sont les personnes que tu reçois, pourquoi viennent-ils ?

Dans la majorité ce sont des enfants qui ont des problèmes scolaires, mais aussi des enfants trop émotifs, qui manquent de confiance en eux. D’autres viennent pour progresser dans l’apprentissage des langues qui dépend beaucoup de la capacité de l’oreille à percevoir les fréquences du son : le français n’entend pas bien les langues car notre langue est majoritairement dans les sons mediums. Nous n’avons pas l’oreille naturellement assez affinée par notre langue maternelle pour les aigus de l’anglais ou les graves de l’allemand, donc on est assez médiocre en langue ! Alors qu’un slave va apprendre très facilement les langues étrangères parce que son oreille est très développée sur toutes les fréquences, les langues slaves ont une large amplitude de fréquences.

" Le grégorien ne guérit pas, il sauve, car il s’adresse directement à l’âme"

Je reçois aussi des personnes qui vivent une dépression passagère et souvent la méthode Tomatis marche très bien : la musique, notamment les hautes fréquences, dynamise le cerveau. Pour ces personnes, on met de la musique filtrée en coupant les basses fréquences, et on garde ce qui est au-dessus de 8000 Hz, donc c’est très dynamisant pour le cerveau. Dans la thérapie on utilise essentiellement du Mozart, qu’on filtre ou pas. Filtré cela ne ressemble plus à de la musique mais il reste le rythme qui est rapide, qui rappelle le rythme du cœur de l’enfant ; Mozart a réussi à s’accorder sur une harmonie naturelle de l’homme. On utilise aussi du grégorien qu’on ne filtre jamais au contraire : son rythme lent apaise en profondeur. Le professeur Tomatis disait : « le grégorien ne guérit pas, il sauve ! » car « il s’adresse directement à l’âme ». Dans certains cas on utilise aussi la voix de la mère, qu’on filtre, qui ne devient plus reconnaissable ; on lui demande de lire des histoires, et ensuite on fait écouter au jeune ou à l’enfant la voix de la maman filtrée, il ne sait pas que c’est sa mère mais son inconscient reconnait la ligne mélodique de sa voix et son rythme ; cela peut rouvrir des protections qui se sont mises en place dès la période fœtale. C’est ainsi que l’enfant entendait dans le ventre de sa mère, il entendait comme des sons filtrés.

Des troubles de la concentration, des passages dépressifs, un manque de confiance en soi, etc. La capacité d’entendre et d’écouter a donc une influence sur toute notre personne !

J’observe chez ceux que je reçois que les séances que nous faisons ont toujours une influence sur la confiance en soi, la capacité et l’envie d’apprendre, la mémoire. Je le vois chez des élèves qui ont l’habitude de paniquer avant les contrôles ; un enfant en 6° est venu cet été, il manquait de confiance en lui, était paniqué avant chaque contrôle, ne trouvait pas sa place dans sa classe. Je l’ai revu aux vacances de la Toussaint, après toutes nos séances, et il s’était complètement ouvert : il avait été élu délégué de classe, se sentait à sa place et n’avait plus peur des contrôles ! J’accompagne aussi un enfant qui est autiste, alors cela va doucement, c’est long comme travail, mais sa maman que j’ai eue hier me disait qu’il commençait à lire, c’est un petit miracle !

L’oreille fonctionne sur tout ce qui est intellectuel. On n’est pas conscient que dans tout acte de la pensée l’oreille participe : même en lisant à voix basse, tu parles à l’intérieur de toi et il faut que ton oreille écoute. La preuve en est que si tu penses à autre chose en même temps que tu lis, tu ne comprends pas ce que tu lis, parce que ton oreille n’était pas capable d’écouter et ta pensée et ta lecture, nous en avons tous fait l’expérience. C’est la capacité d’écoute de notre oreille qui nous permet de maintenir l’attention plus longtemps sur un raisonnement, de suivre le fil d’une pensée ; c’est la puissance d’écoute qui permet de penser plus longtemps et donc plus loin. Quand on rétablit une meilleure écoute le raisonnement est plus facile. Certains enfants déchiffrent parfaitement un texte mais ne comprennent pas du tout ce qu’ils lisent parce qu’ils n’arrivent pas à écouter ce qu’ils lisent. Si on apprend à mieux écouter, on arrive à raisonner plus facilement, à aller plus loin et alors naturellement on prend confiance en soi ; penser plus facilement, plus longtemps, fait aussi grandir la capacité de discernement, de prendre des décisions. D’une façon générale, améliorer son écoute apaise et dynamise en profondeur !

Comment fonctionnent concrètement ces séances ?

C’est une méthode qui ne se fait pas en trois séances, il faut du temps ! Il faut d’abord une trentaine d’heures d’écoute pour que l’oreille s’ouvre vraiment ; puis une deuxième session avec une quinzaine d’heure d’écoutes. Dans cette deuxième session il y a aussi un peu de chant et de lecture à haute voix avec un retour de sa voix dans les oreilles. Parfois, il faut encore quelques séances si les protections qui se sont mises en place sont très importantes.

Comment se poursuit l’œuvre du professeur Tomatis aujourd’hui ?

Depuis la mort du professeur Tomatis en 2001, le Mouvement a un peu éclaté : il y a des personnes qui continuent à travailler comme lui, avec le son analogique, le son de la vie, du monde. Mais certains sont passés au numérique et donc travaillent autrement. C’est un peu dommage car le son analogique est plus riche, plus vivant que le son numérique ! Quand on écoute un CD, on le fait en numérique. L’oreille électronique au contraire peut retrouver le son analogique. Ce qui est le plus dommage évidemment c’est le mp3: il n’y plus grand-chose après 4000 Hz. Donc en compressant de plus en plus la musique on appauvrit l’oreille, et on appauvrit l’esprit ! On va vers des musiques qui sont de plus dans les basses fréquences, agissant sur le corps (qui réagit aux fréquences) mais il manque cette dimension de l’esprit, stimulée par les hautes fréquences. Les sons à haute fréquence vibrent très vite alors que les sons à basse fréquence ont une longueur d’onde beaucoup plus longue. On a besoin de sons avec des fréquences élevées pour bien stimuler son cerveau et son esprit. Il est donc excellent d’écouter des concertos de Mozart. Tomatis a choisi Mozart parce que c’est ce qu’il y a de plus proche de la vie, de plus stimulant pour l’esprit. Ecoutons du violon ! C’est excellent pour stimuler l’esprit !

 Visiter le site de la méthode Tomatis 

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