Mariella Escurra-Sanz, a participé a la fondation du Points-Coeur de Dakar en 1993. A l’occasion des 25 ans de cette aventure, fêtés aujourd’hui, elle nous livre son témoignage.
Peux-tu nous raconter la fondation ?
En février 1993, Luis Silva Dos Santos (Braisilien), Jorge Meneses (Colombien), Odile Dutailly (Francaise) et moi-même Mariella Escurra Sanz (Péruvienne), nous sommes retrouvé en France pour un temps de préparation : se connaître, étudier la culture et la langue…
J’ai un beau souvenir de l’arrivée, de Dakar vue du Ciel, ses rues de sables, ses mosquées à chaque coin de rue et surtout les couleurs vives des vêtements africains. Nous avons été accueillis chez les sœurs de Saint Thomas de Villeneuve qui nous ont aidés à la fondation en faisant les premiers contacts avec la Paroisse Saint Paul de Grand Yoff. Grâce à elles, nous avons trouvé une maison à Cité Millionnaire pour y installer le Point-Cœur Ste Monique.
Dès les premiers jours, nous recevions la visite de nos voisins, certaines femmes du quartier nous ont adoptés. Nous avons aussi reçu un bel accueil à la paroisse. Cette fondation était une chose étrange, une expérience nouvelle. Il a donc fallu passer beaucoup de temps à expliquer notre mission et le charisme que nous voulions vivre.
Nous avons également dû discerner comment vivre dans un milieu musulman, très respectueux de nos croyance. Nous-même faisions attention à ce que notre présence ne soit pas jugée comme du prosélytisme. Finalement nous avons été très vite acceptés grâce à l’ouverture et à l’hospitalité Sénégalaise : la Teranga !
Aurais-tu une anecdote à nous raconter ?
Je me souviens d’une multitude d’enfant voulant jouer dans la rue avec nous et grâce à eux, petit à petit, nous sommes entrés dans leurs maisons pour connaître leur famille. Badou, un garçon très lucide et intelligent du haut de ces 8 ans, est l’un d’entre eux. Son français était aussi basique que le mien alors nous nous entendions très bien. Il fut pour moi un vrai compagnon. Aujourd’hui, il est officier dans l’armée Sénégalaise, il se souvient avec joie des après-midi à la maison ou il venait jouer ou dessiner…
Les jeunes de la paroisse étaient aussi touchés par notre apostolat dans leur quartier. Je me souviens de René qui venait à la maison nous donner des cours de Wolof.
Je crois que c’est dès les premier moi qu’est née l’amitié avec Fatou Ba qui se poursuit aujourd’hui.
Pourrais tu nous raconter en détail cette rencontre ?
Un jour alors que nous marchions dans les rues sablonneuses du quartier de Arafat, nous avons rencontré un groupe de femme qui nous ont invité à boire le thé. J’étais avec Odile et notre wolof était bien pauvre, mais nous nous comprenions quand même avec quelques signes. A la fin de la visite, l’une des femmes nous demande de rencontrer une jeune de sa famille, nous sommes entrées dans une cabane en bois. C’était une jeune fille enceinte, Fatou Ba. Elle nous a raconté qu’elle avait déjà plusieurs enfants et souhaitait s’informer sur la possibilité d’avorter. Elle était déjà enceinte de quatre mois.
Nous avons commencé a la visiter régulièrement en demandant a quelqu’un de confiance de nous aider a mieux comprendre sa situation, un avortement dans ces conditions était particulièrement risqué. Notre communauté est devenue pour elle un véritable appuie spirituel et un soutien dans ses démarches médicales. Nous l’emmenions à ses rendez-vous de gynéco dans un dispensaire et tâchions de la laisser face à sa liberté.
Ainsi est né Idir Issa. Je me souviens qu’un matin, de très bonne heure, on est venu nous chercher car elle commençait déjà le travail d’accouchement. Quand nous sommes arrivés le bébé était sur le sol, tout sal. Odile et moi avons pu aider en coupant le cordon ombilical et en lavant le nouveau né, un très beau petit bonhomme. Sur le chemin du dispensaire, nous ne cessions de prier pour elle et pour la décision qu’elle devait prendre de garder le bébé avec elle. Elle a finalement dit un grand « Oui ! ». Les premiers jours nous lui avons montré notre joie avec nous immenses sourires. J’ai demandé à Fatou Ba a qui, du père ou de la mère, ressemblait le plus le bébé… Elle a tout de suite répondu que son fils ressemblait a chacun de nous, ses amis, les amis des enfants.
Apres 25 ans, je me demande encore comment Dieu a-t-il pu nous offrir cette amitié, et le fait de pouvoir être présent à ce moment là.
Comment cette expérience a t-elle marquée ta vie ? Peux-tu aujourd’hui encore en vivre ?
Pour moi ce fut une expérience extraordinaire ou la langue et la culture n’ont pas été des obstacles mais ont révélé que l’essentiel est la présence, surtout dans les moments les plus durs. On découvre que l’on est aimé de manière toute simple et que nous avons du prix aux yeux d’un autre, autant celui qui donne que celui qui reçoit.
Mon engagement n’aura duré qu’un an a cause de mes études, je l’ai vécu de façon tellement intense que j’ai l’impression d’avoir vécu 10 ans en un seul, autant pour la vie communautaire que pour les apostolats. Aujourd’hui, 25 ans ont passés et je peux dire que Dieu m’a rétribué au centuple.
Aujourd’hui j’essaie d’être fidèle à cette expérience comme membre de la frat’ Max du Pérou mais aussi dans mon travail dans une agence d’aide sociale que nous gérons avec mes parents.
Finalement je dois dire que tout ce que j’ai vécu est resté dans mon cœur et je le partage toujours avec joie : la joie africaine, et ceux qui ont vécu la même expérience au Point-Cœur sainte Monique sauront très bien ce que cela veut dire.
Popos recueillis et traduits de l’espagnol par G. de Laage.
Ce qui est formidable dans vos témoignages, c'est que l'on vibre et l'on vibre d'amour au travers des rencontres faites avec chacun d'entre vous.
Geneviève Tartas Auch
Qui parraine Soeur Mariam