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Le commencement de toutes choses

« Si certain que je sois d’exister, (…) je suis tout aussi certain que je ne puis pas être moi-même le fondement de mon être et de mon entendement. » Dans son livre « Le commencement de toutes choses », Romano Guardini nous fait entrer dans le mystère de l’existence en partant d’une méditation sur les deux récits de la Création.

Le premier récit de la Création révèle Dieu dans sa nature créatrice alors que le second récit nous parle d’avantage de qui est l’Homme dans sa relation originelle à son créateur. A travers ces deux récits Guardini nous fait avant tout entrer dans le mystère de l’oeuvre (1er récit) et de la vie (2ème récit) de l’Homme comme don gratuit de Dieu.

Dieu est garant de la bonté du monde

« L’Écriture le dit expressément par sept fois  (Gn 1, 4. 10. 12. 18. 21. 25. 31). Dieu se porte garant devant l’unique juge, lui-même, que le monde est ainsi, non autrement, et que cela est « bon » ; que l’homme réside en lui avec sa liberté finie et menacée et que cela est bon ; (…) Mais quand la question nous effleure de savoir quelle profondeur a le sérieux de cette responsabilité, c’est-à-dire devant Dieu lui-même, la croix du Christ donne la réponse ; or dans cette responsabilité aussi, Dieu est seul : personne n’est avec lui. »

Le jour du Seigneur et l’ordre du mariage : liberté et responsabilité

Dieu réalise une oeuvre de séparation dans la création, en vue de constituer l’espace vital de l’homme (Gn 1, 4). Cette oeuvre de séparation nous donne une lumière particulière sur sens du rythme de vie créé pour l’homme.

« la même époque qui ne reconnaît plus Dieu comme maître de l’existence et veut être autonome, rend l’homme esclave du travail comme aucune autre époque ne l’a fait. Le septième jour doit donner à l’homme la liberté de l’existence sans travail, afin qu’il prenne par là pleine conscience de sa noblesse. »

Guardini fait aussi un parallèle remarquable entre l’exigence du repos sabbatique et la fidélité dans le mariage.

« Les deux structures protègent la dignité de l’homme et font appel à sa responsabilité, vis-à-vis de l’oeuvre et vis-à-vis de l’être humain de l’autre sexe. Par là même, elles constituent aussi une barrière. Le septième jour exige que, tout le temps qu’il dure, l’homme abandonne sa domination, afin que, dans une sphère de silence, se dresse la majesté de Dieu. L’indissolubilité du mariage exige que la volonté vitale de l’homme se modère par le lien de la fidélité. »

Le Paradis comme lieu de communion

Dieu créé l’Homme entre ciel et terre, « son “lieu” est le bord du monde ». Cette situation lui permet à la fois de vivre dans l’intimité avec Dieu et d’aborder le monde, les choses et les autres Hommes selon leurs vraies natures.

avec Dieu,

« dans ce domaine de toute plénitude, Dieu lui-même veut résider et faire don à l’homme de sa sainte intimité. Quand, après l’ardeur du jour, “à l’heure où la brise du soir apporte la fraîcheur”, le grand Seigneur traverse le jardin, ses créatures humaines viennent à lui et s’entretiennent avec lui. L’image n’est-elle pas vraie et belle – si vraie et d’une telle beauté qu’elle touche le coeur ? (…) De quoi lui parlent-ils ? Je pense qu’ils lui parlent du monde, de la terre, des arbres, du soleil, de tout ce qu’il a créé (…) avec le désir de connaître – de connaître comme on ne le peut qu’avec Dieu, en sorte que la pensée et la prière, la connaissance et l’expérience ne font qu’un. Comme les choses devaient être lumineuses dans cet entretien ! Comme les hommes devaient saisir avec autant de clarté que de profondeur tout ce qui est ! »

avec le monde,

« Les choses ne sont pas un simple matériel que l’on pourrait traiter à sa guise : Dieu leur a donné leur nature et elles se soumettent à l’action de l’homme quand celui-ci les prend dans la vérité de leur nature. »

avec les Hommes.

« Chacun doit être une « aide » pour l’autre en tout ce que représentent la vie et l’oeuvre : la procréation d’une vie nouvelle, la protection, les soins et l’éducation qu’elle exige, le développement de la propre personnalité qui s’accomplit grâce à l’autre, l’édification du foyer, ce petit univers qui seul rend possible à l’être humain de ne pas se perdre dans le grand, le rapport avec les choses dont la plénitude ne s’ouvre qu’à celui qui les aime, la souveraineté sur l’existence qui n’est accordée à l’être humain que dans sa plénitude acquise seulement par la communauté. En tout cela, l’homme et la femme doivent être « une aide » l’un pour l’autre. »

La miséricorde de Dieu dès les commencements

Après l’expérience d’une telle intensité de communion avec Dieu et le monde, comment l’Homme après la Faute a t’il pu rester en vie ?

« Que le commencement n’ait pas été, par la faute, englouti dans l’abîme ; que la fidélité de Dieu ait maintenu l’homme dans la vie malgré son infidélité, c’était là déjà le début de la Rédemption. » 

« La foi en la Révélation (…) possède aussi cette confiance née du fait inaliénable de l’amour de Dieu, tel qu’il s’est manifesté dans la création et la Rédemption ; elle a aussi conscience que le don de la liberté et de la profondeur créatrice de la vie n’a pas été enlevé à l’homme. »

« La puissance de la mort, à laquelle la faute originelle nous a livrés, ne peut rendre vaine la promesse, car cette puissance a été brisée le jour où le Rédempteur l’a subie. Par là, un germe nouveau de vie sainte a été déposé dans l’homme »

 

Toutes les citations sont tirées de Romano Guardini, Le commencement de toutes choses, Méditations sur Genèse I-III, Editions du Cerf 1968.

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