Home > Accueil > Psychologue scolaire, de l’efficacité à la relation

Psychologue scolaire, de l’efficacité à la relation

« Si je cherchais l’efficacité, la résolution du problème de l’enfant que j’ai en face de moi, plus d’une fois j’aurais désespéré ». Nina Gérard raconte son expérience de psychologue scolaire à Varsovie.  Elle a passé 18 mois en mission au Honduras avec Points-Cœur de 2014 à 2016. 

Sur cette photo, Nina Gérard est la deuxième personne en partant de la gauche. 
Crédits : Points-Cœur ©️
 

Pouvez-vous nous décrire en quoi consiste votre travail ? 

Je travaille pour deux institutions. D’abord dans une école privée comme psychologue, où je réalise un soutien psychologique d’enfants  de 10 à 12 ans, mais aussi des parents et des professeurs. Je suis là pour répondre aux soucis, je passe beaucoup de temps à écouter. Une autre partie de mon travail consiste à mener des ateliers psychologiques prophylactiques sur des sujets un peu psychologiques comme les relations de communication entre les élèves. Le but est de protéger les enfants contre les difficultés qui pourraient survenir.

J’officie également dans un centre psychologique public où de nombreux spécialistes (psychologues, psychiatres, médecins, orthophonistes …) sont réunis pour les enfants en difficultés. Je travaille avec des petits enfants de 3 à 5 ans souffrant de troubles du développement, au moyen de thérapies individuelles et des thérapies de groupes. 

De quelles pathologies souffrent plus particulièrement les enfants ?

Je rencontre beaucoup d’enfants qui ont des soucis de relations sociales, par exemple des relations difficiles avec les enfants de leur classe. Ils sont tellement pris par toutes leurs activités scolaires et para-scolaires, qu’ils n’ont pas le temps de jouer, tout simplement, et de cette façon, ils ne peuvent pas tisser des liens. Cela relève parfois de la pathologie puisque je travaille aussi avec des enfants autistes dont les problèmes de communication atteignent un niveau très élevé.

D’autre part, je vois souvent à l’école des enfants déprimés qui ont perdu la joie, l’espoir et la spontanéité. Je pense que c’est la caractéristique de notre époque de performance où on exige tant des enfants. Surtout dans cette école qui a la réputation d’être très bonne, où ils ont beaucoup à faire, où une grosse pression pèse sur eux. L’enfant est vu comme un petit adulte qui doit accomplir de multiples tâches pour se préparer à ce monde de compétition. On lui vole son esprit d’enfance. 

J’essaie alors d’être là pour faire sentir à l’enfant qu’il n’a rien à craindre à l’école, que quelqu’un le comprend. C’est important, car ils ont souvent le sentiment d’être seuls. 

De nombreux cas dépassent sans doute les limites de votre salle de consultation, comment se passe l’interaction avec la famille ? 

Au fond, c’est à chaque fois le cas. Mais je travaille à l’école et n’ai pas vocation à entrer dans les problèmes intimes de la famille. Si l’enfant a un problème, par exemple une dépression, cela a bien sûr à voir avec toute la vie familiale. Et la difficulté pour la famille est d’accepter, d’une part qu’il y a un problème, et d’autre part que ce problème n’est pas juste celui le de l’enfant. Comme quelque chose à régler juste chez lui. Chacun a sa part, ils ont la leur.

J’essaie donc d’avoir beaucoup de compassion et de garder à l’idée que les parents, à leur mesure et avec leurs limites, veulent le bien de leur enfant. Même si j’avoue que certaines attitudes ou situations éveillent de la colère en moi à leur égard. Il me faut créer un climat de confiance où l’emporte toujours le sentiment que nous cherchons ensemble le bien de l’enfant. Il m’arrive même de commencer là : « nous ne jouons pas l’un contre l’autre, nous sommes dans la même équipe ». Souvent cela aide. Alors que beaucoup arrivent plein de méfiance vis-à-vis de la psychologue qui vient fouiller les problèmes, les murs tombent lorsqu’ils voient que je suis bienveillante et que, comme eux, je cherche le bien de leur enfant et le leur. Parfois, je dois quand même affronter les choses et demander aux parents d’aller chercher de l’aide à l’extérieur de l’école. 

Vous avez vécu un temps de mission avec Points-Cœur au Honduras, les situations rencontrées sont probablement assez différents ? 

Oui elles sont différentes, mais mon approche est la même. J’ai appris durant ma mission à être tout simplement à côté de l’enfant. Avec beaucoup d’humilité, car souvent la situation qu’il me faut affronter me dépasse. Aussi bien au Honduras qu’ici en Pologne, si je cherchais l’efficacité, la résolution du problème de l’enfant que j’ai en face de moi, plus d’une fois j’aurais désespéré. Dans les deux cas, les fruits visibles de cette présence ne sont pas évidents. Je me souviens de deux garçons assez rebelles, qui avaient de nombreux conflits avec des professeurs. J’ai proposé de les rencontrer chaque semaine. Il nous a fallu des mois pour construire la relation : tantôt par le dialogue, tantôt par des exercices. Je me souviens qu’après les vacances de Noël, alors que je lançais une série d’exercices, le plus difficile des deux m’a interrompu pour me dire : « attendez madame, dites-nous d’abord comment vous avez passé Noël ».  Cela m’a beaucoup touché, car ces garçons qui, au départ, étaient si repliés sur eux-mêmes, si bloqués dans la relation avec les adultes, trouvaient plus important de savoir comment j’allais et comment j’avais passé Noël que de faire des exercices. J’ai compris alors que cette relation était vraiment importante pour eux.

 

Propos recueillis et traduits du polonais par C.I.

Vous aimerez aussi
Madrid, une lutte nécessaire pour un enseignement libre et valable
La douce dictatrice
À l’école de l’école
L’identité comme vérité

Répondre