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Itinéraire d’une famille vénézuélienne

Luis M., Vénézuélien, a dû quitté son pays durant les années Chavez. Vivant aujourd’hui à Vienne, il fait parti de la diaspora vénézuélienne dont les rangs grossissent à mesure que la situation nationale empire. Il livre son point de vue sur la situation au Vénézuela.

Merci Louis d’avoir accepté de répondre à nos questions.

Tout d’abord je veux pouvoir dire que je rends grâce à Dieu pour avoir pu sortir du pays. Beaucoup n’ont pas cette chance. Pour ma part, j’ai compassion de ceux qui sont restés. Je pense à ceux qui restent dans ce chaos, malgré toute la douleur et les sacrifices que représente un départ.

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Louis M., je suis marié et père de 3 enfants. Nous sommes vénézuéliens et catholiques. Les parents de mon épouse sont autrichiens. Je suis publiciste et mon épouse dessinatrice de mode.

Notre vie n’a pas été facile comme vénézuéliens, car nous avons dû émigrer du pays il y a 12 ans pour plusieurs raisons. La principale était la sécurité de ma famille. En effet, nous avons vécu un évènement très dur : mon épouse a été séquestrée et nous avons dû payer une somme d’argent pour la sauver. Le fait de comprendre que ta famille n’est pas en sécurité a été un choc. Plusieurs mois après, ma fille de 2 ans a été menacée par un pistolet sur la tempe pour soutirer à sa mère une montre alors qu’elles étaient dans une boutique. Ça été le point de non retour.

Nous avons commencé à travailler pour sortir du pays. Il y avait aussi à l’époque une ambiance politique très perturbée, un pays conduit par la révolution cubaine de Chavez et je voyais que, jour après jours, ce qu’avait été l’agenda cubain se reproduisait chez nous. Nous avons donc pris la décision de partir en laissant des frères, des cousins et des amis.

Après 10 ans aux USA, nous avons pu venir en Autriche car les origines de mon épouse nous permettent de recevoir la nationalité autrichienne. C’est un privilège dont beaucoup de vénézuéliens ne peuvent pas jouir.

Quel regard poses-tu sur ce chemin ?

Si on regarde cela d’un point de vue positif, ces évènements nous ont permis de grandir en tant que famille et de tenir compte davantage les uns des autres à travers des chemins qui étaient tout sauf faciles.

Par ailleurs, le Vénézuela était un pays où il existait beaucoup de vices et de corruption, et ces épreuves nous aident à voir que le chemin est possible autrement. Je crois qu’on a vu déjà le pire et j’espère qu’il ne sera pas nécessaire d’en voir davantage pour que le peuple change. Mais une fois que ces épreuves seront passées, et j’espère que ce sera rapide, je pense que nous serons face à un nouveau Venezuela. Il est parfois nécessaire de vivre de telles choses pour être une personne nouvelle.

Beaucoup de personnes étaient loin de Dieu tout en ne manquant de rien. Je peux d’ailleurs faire le parallèle entre le Vénézuela et ma famille : Je vivais dans une famille où nous avions tout, il ne nous manquait jamais rien. Nous allions à la messe mais sans plus. Et je crois que nous avons appris à aimer Dieu à travers les épreuves que nous avons dû traverser. Je crois que pour mon pays c’est la même chose. Le Vénézuela apprend à revenir à Dieu à travers tout ce qu’il traverse.

On voit de fait de quelle manière Dieu se rend présent tant dans notre pays que dans notre famille. Si on regarde ça avec beaucoup de recul, c’est quelque chose de positif. Il est en revanche difficile de comprendre qu’il faille passer par tout cela pour pouvoir enfin vivre dans la paix.

Quel est la situation au Vénézuela et comment vois-tu l’avenir ?

Ce que le Vénézuela est en train de vivre est loin d’être facile. Il n’y a pas d’aliments, on sait que des gens fouillent les poubelles pour manger, on ne peut plus sortir de sa maison à cause de l’insécurité. Pour en sortir, on peut voir deux chemins. Le premier chemin, c’est celui du dialogue. L’autre est plus drastique. C’est que des personnes au niveau international doivent se rendre compte que quelque chose va mal. Il s’agit pour le monde de se rendre compte que le Venezuela est dirigé par la révolution cubaine, et que derrière cette révolution il y a le trafic de drogue, le trafic d’arme et d’autres choses encore très mauvaises.

Or le peuple est désarmé et ne peut pas s’opposer à un degré si grand de mal. C’est pourquoi je pense que seul un miracle peut changer les choses. Il ne s’agit pas tant de savoir pourquoi tout cela arrive, mais de comprendre que si tout cela se produit, c’est que quelque chose est en train d’arriver maintenant.

Comment voir la situation de tension avec les Etats-Unis ?

Je la vois avec espoir car, malheureusement, il n’y a pas d’autre issue. Et cela pour une raison très simple: lorsqu’une minorité est compromises par tant de crimes et de commerces obscurs, l’unique horizon pour eux est la prison ou la mort. Il n’y a donc pas de possibilité de négocier avec eux.

On entend pourtant des voix affirmer que la situation économique est provoquée par le blocus américain…

C’est un élément de plus dans la stratégie de la révolution cubaine. Si le gouvernement affirme cela, c’est qu’ils vont très bien. Comme à Cuba, le blocus américain leur donne une excuse rêvée pour jouer les victimes. Dés lors que le Vénézuela peut affirmer qu’ils en sont là à cause du blocus, c’est qu’ils sont en train de gagner. En effet, ils ont intérêt à ce blocus qui leur donne la légitimité morale vis à vis du peuple et la liberté d’agir à l’intérieur. La différence avec la révolution cubaine, c’est l’existence des réseaux sociaux et des moyens de communications qui n’existaient pas à l’époque et se sont bien développés au Venezuela. Avoir un pays où tu gères le produit le plus rentable qu’est la drogue, et que personne ne peut intervenir parce que tu es chez toi ; posséder le pétrole pour commercer avec l’international, c’est une situation stratégique avantageuse. La seule manière de conduire ce « trust » à la banqueroute est d’intervenir.

Juan Guaido est-il pour toi légitime ?

Le problème, c’est que lorsque l’Assemblée Nationale a commencé à constituer une force d’opposition en 2015, le Président Maduro a créé une Assemblée Nationale Constituante déclarée légitime par lui en 2017. Le parlement garantissant le caractère démocratique a été, lui, déclaré illégitime. Dés lors que l’Assemblée Nationale a déclaré que les dernières élections étaient illégitimes à cause d’irrégularités, la Constitution prévois qu’elle a le droit de nommer un Président par intérim.

Et ta famille sur place, comment vivent-ils?

70 % de ma famille demeure au Vénézuela. Quelques uns ont pu sortir. Je viens d’une famille privilégiée. Et pour la première fois, ils ont faim. Des obèses sont devenues très maigres… Ils demandent de manière désespérée à ceux qui ont pu sortir de leur envoyer de l’argent pour manger. Le salaire qu’on reçoit aujourd’hui ne suffit pas à manger. Alors que la plupart sont des professionnels en activités parmi les 10% des personnes les mieux payées du pays. Même s’habiller est devenu secondaire! Beaucoup complètent avec ce que nous pouvons envoyer de l’extérieur. Mais il y a des familles qui n’ont pas la chance d’avoir cette aide.

À côté, il y a une minorité d’environ 7% qui soutient le gouvernement. Ayant accès aux dollars, ils peuvent sortir du pays pour faire leurs courses chaque mois. Malgré son petit nombre, cette minorité est puissante et fait que le gouvernement n’est pas prêt de tomber.

Est-ce que personnellement, tu retournerais vivre au Vénézuela ?

Non. Je ne vivrai pas au Vénézuela, parce que je sais ce qu’il s’y passe. Je ne peux pas penser à ce chemin ayant une famille et trois enfants. Sans famille, je serais au Vénézuela, pour travailler à libérer mon pays et aider tant de personnes dans le besoin. Pour l’heure, comme beaucoup de Vénézuéliens en exil, j’essaye à ma mesure de faire en sorte que des gens aident à convaincre de la nécessité d’une intervention dans mon pays.

Quelle issue vois-tu aux évènements qui se déroulent actuellement ?

La seule issue que je vois est de pouvoir s’approcher chaque jour un peu plus de Dieu. La seule manière c’est la prière et la proximité de Dieu. Tout ce qui se passe au Vénézuéla vient du fait qu’on est très loin de Dieu. Le gouvernement a semé la « Santeria » et bien d’autres choses. Et chaque fois qu’on s’approche de Dieu, les choses s’améliorent. On le voit avec notre nouveau président, Juan Guaido, catholique. Selon moi, Dieu agit à travers lui.

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