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Brahms et l’espérance de la résurrection

En ce temps de Pâques, la sonate pour violon 78 en sol majeur de Brahms nous fait entrer dans la nostalgie de la vie éternelle.

La source de cette musique est l’amitié entre Brahms et Robert Schumann qui, comme un père ou un grand frère sut apprécier et valoriser le jeune Johannes Brahms, l’aide à publier ses partitions et à se faire un nom. L’amitié entre les deux hommes s’approfondit avec les années et Brahms eut aussi une vénération pour la femme de Schumann, Clara, dont il admire la musicalité. Cette amitié fidèle entre Brahms et la famille Schumann traversa les difficultés de la vie.

En 1854, lorsque Robert Schumann tombe malade et doit être interné, son huitième et dernier fils Félix n’a qu’un an. Il ne connaîtra pas vraiment son père qui meurt deux après. Brahms devient le parrain de Felix et restera fidèle à Clara Schumann et à la famille endeuillée. 

Brahms accompagne son filleul qui est fragile de santé et s’intéresse surtout à la poésie. Brahms compose pour lui des musique à partir de ses poèmes. 

Felix Schumann, comme sa soeur Julie Schumann que Brahms aime aussi beaucoup, contracte la turberculose en 1872 et vit une longue agonie. Brahms manifeste sa compassion de nombreuses façons envers la famille, il aimerait soutenir Clara Schumann, qu’il admire comme pianiste, compositrice et mère. 

 

Brahms compose alors pour elle cette sonate pour violon en sol majeur alors que Felix est encore à l’agonie. Il reprend la mélodie de son célèbre Regenlied (chant de pluie) et l’adapte cette fois au poème ci-dessous du même nom de Klaus Groth. Dans sa lettre qui accompagne la partition, Brahms écrit à Clara : « Si vous jouez assez lentement, peut-être qu’elle vous dira plus clairement que je ne pourrais le faire autrement combien je pense chaleureusement à vous et Felix ». Cela fait dire à certains musicologues que le morceau est tellement intime et personnel qu’il n’est pas fait pour le public. 

Brahms envoie la première partie à Clara qui est très touchée. Mais la maladie a le dernier mot et en 1879, le jeune Felix meurt à l’âge de 25 ans. Brahms reprend alors sa plume et termine le troisième mouvement, en mode mineur cette fois, avec la même mélodie, qui a cette fois franchi les portes de la vie éternelle pour apporter un rayon d’espérance à Clara : « Ce serait un grand plaisir pour moi si je pouvais créer un petit souvenir pour Felix ».

Ce troisième mouvement, Allegro molto moderato, reprend en mineur la mélodie principale tantôt fluide et tantôt saccadée du chant de la pluie [1]Regenlied, Op. 59,3, composé par Brahms sur un poème de Klaus Gorth https://youtu.be/REuicgNGrCg. Avec une profonde nostalgie, le violon répond aux allusions à la marche funèbre du piano. Entre la rosée et les larmes, le chant de la pluie féconde notre âme pour un nouveau printemps, comme le poème de Gorth qui se termine par ces vers : 

Je voudrais entendre à nouveau
Leurs doux murmures humides,
Mon âme délicatement laisserait tomber des gouttes de rosée,
Avec une crainte pieuse et enfantine.

Clara Schumann qui vient de perdre son troisième enfant accueille la composition de Brahms comme la certitude  d’une espérance et l’annonce de la résurrection  : « Pouvez-vous imaginer la consolation que j’ai ressentie lorsque, dans le troisième mouvement, j’ai retrouvé ma mélodie bien-aimée avec le charmant mouvement à croches ! Je dis  ma mélodie parce que je crois que personne ne puisse ressentir la douceur et la mélancolie de cette mélodie aussi intensément que moi. Les cordes les plus profondes de mon âme vibrent avec une telle musique ». (lettre à Brahms du 10.07.1879)

Chant de pluie 

Bouillonne, pluie, bouillonne,
Éveille à nouveau en moi ces rêves,
Que j’ai faits dans mon enfance,
Quand l’humidité écumait dans le sable !

Quand l’atmosphère étouffante de l’été
Luttait nonchalamment avec la fraîcheur
Et les feuilles pâles laissaient tomber des gouttes de rosée,
Et les blés devenaient bleu foncé.

Quel bonheur de se tenir
Dans le ru les pieds nus,
De frôler l’herbe,
Et de toucher l’écume avec les mains.

Ou sur les joues chaudes
D’attraper les gouttes fraîches,
Et avec les parfums fraîchement éveillés
D’aérer sa poitrine d’enfant !

Comme les corolles qui s’égouttaient là
Mon âme qui respirait se tenait ouverte,
Comme les fleurs, enivrée de senteurs,
Noyée dans la rosée du ciel.

Chaque goutte tremblante tombait fraîche
Profondément jusqu’au cœur battant,
Et le saint tissage de la création
Pénétrait dans notre vie cachée.

Bouillonne, pluie, bouillonne,
Éveille en moi ces vieux chants,
Que nous chantions à la porte,
Quand les gouttes de pluie crépitaient dehors.

Je voudrais entendre à nouveau
Leurs doux murmures humides,
Mon âme délicatement laisserait tomber des gouttes de rosée,
Avec une crainte pieuse et enfantine.

References

References
1 Regenlied, Op. 59,3, composé par Brahms sur un poème de Klaus Gorth https://youtu.be/REuicgNGrCg
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