À travers cet extrait de sa lettre aux parrains, Agneska Ogiolda, volontaire polonaise actuellement en mission au Points-cœur de Barrios Altos au Pérou, partage son expérience de simple présence (humble et gratuite) qu’elle vit auprès des enfants.
Nous montons à l’étage et avant de nous mettre au travail, nous disons bonjour aux « garçons ». Ils ont plus ou moins mon âge. Tout le monde en fauteuil roulant, seulement trois d’entre eux parlent un peu. Il semble au début qu’il n’y ait aucun contact possible avec les autres. Puis il nous semble discerner une vague grimace ou un sourire, un cri de joie ou de colère. Même après un an, j’arrive rarement à faire la différence, et le plus souvent, il n’y a que le silence. Et c’est ce que j’ai dû apprendre : ici je ne sauve ni ne change la vie de personne, je ne soigne personne. D’habitude, je m’assois simplement à côté de l’un d’eux et je lui tiens la main.
Et j’espère que c’est ce dont il a besoin. Je n’en suis pas sûre, parce que beaucoup d’entre eux ne répondent ni au sourire ni à la pression de la main. Probablement le plus important que j’ai appris ici, c’est l’humilité. L’humilité et la capacité d’être donné. J’ai dû dire Adieu à mes « ambitions » (j’aiderai les plus nécessiteux, les abandonnés, les plus démunis, les impuissants, les plus vulnérables, je vais participer à une grande œuvre internationale avec l’incontestable reconnaissance qui va avec). Bien vite, j’ai pris conscience de ma propre petitesse. Nous ne sauvons pas le monde ici. Je veux dire, les sœurs [1]Missionnaires de la Charité où a lieu l’apostolat sauvent des vies de façon très concrète, en les sauvant souvent directement de la rue. Quant à moi je me contente de ranger les chaussettes, plier les draps, les laver, de couper les ongles des garçons, et quand c’est l’heure du déjeuner, de les nourrir. Bien sûr, la maison fonctionne très bien grâce à toutes ces petites mains qui secondent les sœurs. Mais en même temps, elle fonctionne bien les autres 6 jours de la semaine où nous ne sommes pas là ; elle ne s’effondrera pas quand je reviendrai en Pologne. J’ai le sentiment irrésistible que c’est moi qui ai besoin de ces visites, que je reçois beaucoup plus que je ne peux donner. À un moment donné j’ai réalisé que chaque semaine j’attendais le vendredi, parce que ces visites m’aident à « recharger les batteries », grâce auxquelles je peux mieux vivre le reste de ma mission. Me vient à l’esprit la fin de la prière de Saint François d’Assise : « car c’est en donnant que l’on reçoit, c’est en pardonnant que l’on est pardonné, c’est en mourant que l’on nait à la vie éternelle ». C’est en donnant que l’on reçoit, je n’en ai pas le moindre doute.
References
↑1 | Missionnaires de la Charité où a lieu l’apostolat |
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