« Il est bon qu’un seul homme meure pour tout le peuple » (Jn 11, 50). Vincent est donc mort pour le bien de tous… au moins tel qu’il est défini par la nouvelle religion de la pensée commune.
Son grand prêtre puis ses thuriféraires du gouvernement ont effectué une remontée inattendue, rattrapant puis doublant la justice dans la dernière longueur. Sur la ligne d’arrivée, tous ont pu lever les bras en toute impunité, malgré les derniers rappels inespérés des défenseurs des droits de l’homme de l’ONU et, qui sait, peut-être de leur propre conscience…
Les journaux s’attèlent maintenant à l’explication du bien fondé de cette décision. La catéchèse « pour tous » débute :
Les parents de Vincent Lambert ? Des obscurantistes, catholiques de surcroît.
Ses soutiens ? Infréquentables résidus de la Manif-pour-tous et des Veilleurs.
Son porte-parole ? Un avocat au temps de parole réduit comme peau de chagrin au profit du neveu omniprésent, point de référence « incontournable-et-incontourné », répétant en boucle, au nom de Vincent Lambert, ses dogmes appris par cœur : souffrance inadmissible, prise d’otage, apaisement, retour à la normale, etc.
Quant à la liberté de la presse, piétinée mais consentante, elle s’accommode sans broncher de l’interdiction d’entrer dans la chambre du malade, de la censure de l’information. Filmer, photographier, enregistrer, tout cela est strictement « Verboten », même pour ses parents. Raison d’Etat oblige ! « Si tu le relâches, tu n’es pas ami de César » (Jn 18,12), semble prévenir l’écho.
Les grands prêtres du catholicisme et la conférence épiscopale, silencieux pour la grande majorité, distillent par leurs représentants la parole de leur corporation, toute en nuance et en respect des « approches divergentes ». Mis à part le courage de l’archevêque de Paris et de l’un ou l’autre évêque « de combat », l’Eglise « du dialogue », prônée par le nouveau secrétaire de la conférence épiscopale, accueille la diversité des opinions tout en élaborant, je le cite, « une co-parole audible » pour « relever les défis du monde contemporain »…
L’eau répandue jadis sur les mains de Pilate ne coule plus. Le pourrait-elle d’ailleurs car cette fois-ci, il n’y a plus de mains à laver. Il n’y d’ailleurs plus personne excepté la Mère-Nature entre les mains de laquelle la dépouille de Vincent est remise. Qu’il retourne à la Terre, maintenant que l’eau et la nourriture lui ont été retirés. Il n’y a pas personne pour appliquer une injection, personne pour le débrancher, personne pour l’accompagner. Car personne n’est responsable, c’est le cycle normal des choses qui reprend son cours… Ainsi va la vie, et nous, retournons aux fourneaux de nos activités.
Pour le bien de sa famille (l’Etat sait mieux que personne ce qui est le bien de ses enfants),
Pour le bien du monde de la santé toujours à la recherche de lits d’hôpitaux et pressé lui aussi à faire des économies solidaires pour alléger les souffrances budgétaires de son ministre de la santé…
Pour le bien de tout ceux que la souffrance concrète insupporte et qui aspirent à la faire disparaître de leurs écrans, de leur vue et de leur vie tout simplement…
Pour le camp des idéologues qui tirent profit d’une telle aubaine pour faire avancer de manière à peine voilée leur projet de loi sur la fin de vie et le suicide assisté…
Pour le bien d’autres encore…
« Il est bon qu’un seul homme meure pour tout le peuple ».
Etranger peut-être à toutes ces spéculations, Vincent Lambert se contente de dépendre de l’amour et de la présence de ses parents, des soins médicaux qui lui sont prodigués. Trahi par les siens, y compris par ceux de son propre sang, livré à l’agonie de la soif et de la faim dans des souffrances qui restent son secret, Vincent vit sa Pâque. Saint Benoit, patron de l’Europe, fêté le 11 juillet, l’accueille sans aucun doute à la porte du ciel. « La sagesse commence avec la crainte du Seigneur », lui murmure-t-il à l’oreille, comme il le fit toute sa vie durant, avec ses simples moines comme avec les puissants, posant les fondations de l’Europe chrétienne sur la roche de l’humilité :
« Voici donc le premier degré d’humilité: se remettant toujours devant les yeux la crainte de Dieu, il consiste à fuir toute négligence et à se rappeler sans cesse tout ce que Dieu a commandé. »
Et pour ce faire, précise-t-il, « on repassera constamment dans son esprit, d’une part, comment la géhenne brûle, pour leurs péchés, ceux qui méprisent Dieu, et comment, d’autre part, la vie éternelle récompense ceux qui le craignent »[1].
Et au fait Dieu, que pense-t-Il de tout cela ?
[1] Règle, chapitre 7.
Merci Peter pour votre article. Il n’y a rien à redire. C’est exactement le regard de foi qui est absent en France. Le manque de courage des prélats devant l’ignominie étatique d’un gouvernement prétendument démocratique est affligeant. Hitler n’a pas mieux fait en voulant épurer la race notamment en supprimant les handicapés. On se bat la coulpe en regardant l’histoire, quelle ironie du sort. On a beau dire: « oui il faut le soulager », ne concevant qu’une seule dimension de la vie humaine. L’homme n’est plus corps et âme, il n’est que corps.
Encore, récemment, je rencontrais un prêtre qui après douze ans de sacerdoce a eu un accident de voiture qui l’a rendu tétraplégique. Cela fait vingt ans qu’il végète sur son lit d’hôpital. Je lui demandais: « dites moi, mon père, comment avez vous vécu cet accident qui a franchement limité votre vie sacerdotale? » et lui de me répondre d’une voie enveloppée de silence: « je n’aurais pas pu imaginer meilleure vie sacerdotale. ». Vincent Lambert ne vivait il pas d’une manière mystérieusement féconde sa vie d’homme, de fils et d’époux?