« Pittsburgh au matin : neige, puis ciel bleu et soleil. À l’aéroport. Il est près de quatre heures : une fois seul, je revis cet instant qui m’est déjà familier de ‘béatitude’, cette joie inexplicable, mais débordante de plénitude et de félicité, qui, comme toujours, m’envahit soudainement.
Les rayons du soleil à travers les baies, la musique en sourdine se déversant de partout et de nulle part, et brusquement cette unité parfaite avec tout ce qui nous entoure, comme si les objets eux-mêmes dégageaient de la douceur, se tournaient vers nous avec amitié, comme des proches.
Cet instant est hors du temps, mais il concentre toute l’existence : il est son point de convergence. Ce tout, en cet instant-là, bien qu’il ne soit pas nommé ni objectivé, ce tout vient du fond de l’enfance.
C’est l’éternité qui effleure l’âme, lorsqu’il n’est plus nécessaire de ‘se souvenir’ : car il n’y a plus d’abîme entre le sujet qui se souvient et ce qui est objet du souvenir, c’est-à-dire la vie elle-même. […]
De nouveau – pour la seconde fois – cette même ‘piqûre’ de plénitude et de béatitude. Pourtant, c’est une présence qui est toujours là, tout le temps à nos côtés et autour de nous. Or combien cette expérience est rare et éphémère, et en même temps gratuite : elle se déverse soudainement dans l’âme. »
Alexandre Schmemann, Journal, Editions des Syrtes, p.214
Photo : © Sabina Kuk
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