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La grâce ? Un don offert par amour (1/2)

Le petit Maximilien, que j’ai baptisé il y a cinq ans, m’a récemment demandé : « Oncle Gerhard, qu’est-ce que la grâce » ? Il venait d’écouter attentivement mon sermon dans une messe diffusée en direct pendant la crise du coronavirus ; il était resté profondément marqué par le concept de grâce, qui inclut dans son unité et sa totalité, notre relation avec Dieu. Alors que j’étais assez concentré pour essayer de résumer en quelques mots depuis la bibliothèque des concepts accumulés dans mon esprit sur la personne et la nature dans la théologie trinitaire, la christologie, l’anthropologie et la doctrine de la grâce, son père m’a sauvé avec la formule : la grâce est un don.

 

Marc Chagall – Le Paradis (detail)

 

Comme la définition classique nous semblait trop se référer à l’objet et à la substance, j’ai essayé d’illustrer le mot grâce en prenant l’image d’une action. D’une manière grammaticalement imparfaite – mais qui permettait de répondre à la question de l’enfant – je me suis exprimé ainsi : la grâce, c’est comme quand quelqu’un est bon avec toi parce qu’il t’aime beaucoup. Papa et maman t’aiment beaucoup. Mais Dieu, qui nous a tous créés, nous aime encore plus. Tout comme les fleurs ne poussent et ne mûrissent que dans la lumière et la chaleur du soleil, nous aussi, les humains, pouvons vivre ici sur terre uniquement avec la grâce de Dieu, pour aller un jour au Paradis. La grâce signifie donc en quelques mots : faire quelque chose de bien par amour pour une autre personne. Je ne mentionne pas cette preuve sympathique de la vivacité d’esprit chez un enfant pour démontrer ma capacité, comme éducateur religieux, à trouver la manière la plus simple d’expliquer un contenu extrêmement complexe. Ici, en effet, il ne s’agit pas de la communication d’un savoir quantitatif, mais d’une connaissance qualitative de la totalité de l’être-homme en relation avec Dieu, c’est-à-dire avec la source qui fait tout jaillir d’elle-même et avec la fin, l’être et la connaissance qui permettent de donner un sens à tout.

En fait, notre relation avec Dieu ne peut pas dépendre de la capacité de l’intelligence comme instrument, de l’état de la science et de la technologie, du degré de développement à l’adolescence, de la maturité morale du caractère, de l’efficacité de la pensée discursive ou des talents mis en pratique au cours de l’existence. Précisément parce que Jésus donne l’exemple d’un enfant à tous ceux qui cherchent le royaume des cieux [1]Mc 10/13-16 , notre relation avec Dieu ne se fonde pas sur la constitution autonome d’un « je » qui s’opposerait à Dieu (un postulat d’athéisme), mais plutôt dans l’acte d’accueil et de gratitude, dans le fait d’être créé comme étant ordonné incessamment à l’amour qui est Dieu lui-même. Dieu réalise sa propre essence dans la relation mutuelle des trois Personnes divines. La grâce est donc essentiellement l’auto-communication de Dieu (gratia increata) par laquelle Il nous rend fils et filles en Christ per adoptionem, de sorte que Dieu habite en nous et que la vie divine est notre héritage éternel (gratia creata, infusa, sanctificans). Nous ne sommes pas seulement dans une nouvelle relation avec Dieu, qui n’aurait fait que nous accorder de nouveau sa faveur (favor Dei) et, par conséquent, aurait changé lui-même dans sa relation avec nous. Dieu a fait davantage : il a fait d’un pécheur perdu son fils et ami bien-aimé et d’un être destiné à la mort une nouvelle créature. Dieu nous a transformés et renouvelés. Ce n’est pas Lui qui s’est réconcilié avec nous, mais il nous a réconciliés avec Lui [2]2 Cor 5, 18-19 . L’aspect essentiel de la nature humaine est sa création à l’image de Dieu (Gottebenbildlichkeit) qui, en termes théologiques, est ordonnée à la filiation divine qui trouve son accomplissement dans la reconnaissance de Dieu : « ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu » [3]1 Co 13, 12 .

 

Photo : Justine Cefalu

 

L’orientation de l’homme vers la communion avec Dieu

Les éléments constitutifs catégoriels de la créature dotée d’esprit, que nous appelons, ad extra, nature cosmique et, ad intra, nature-essence psycho-physique humaine dans la sexualité masculine et féminine, sont inclus dans l’orientation transcendantale de la personne vers Dieu. L’homme, en vertu de sa nature spirituelle, est ordonné dynamiquement à la communion personnelle avec Dieu dans l’amour. Cependant, il n’atteint pas ce but par lui-même, mais par le fait que Dieu vient librement à notre rencontre. Nous ne pouvons donc en aucune façon définir l’être humain dans le monde sans son aspiration naturelle à l’union surnaturelle avec Dieu dans sa vérité et son amour. En ce sens, celui qui est assoiffé n’a aucun droit à « l’eau qui jaillit pour la vie éternelle » [4]Jn 4,14 . Mais lorsqu’elle lui est donnée librement et par amour, elle devient signe et instrument de la bonté de Celui qui comble son désir d’éternité. Ainsi devient évident le Logos, le sens de l’être et de l’envoi du Fils par le Père, « afin qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » [5]Jn 10, 10

L’homme est plus – déjà selon la perspective méthodologique des conditions empiriques de son être dans le monde – que l’ensemble de ses sensations psychiques (David Hume) , que l’ensemble des conditions socio-politiques dont il prend conscience (Karl Marx) ou – dans le cadre d’une réduction atomique et mécaniste – que la simple somme de ses composantes physiques (Démocrite, La Mettrie, Helvétius). Le naturalisme post-chrétien de l’époque moderne, qui réduit positivement l’être à la matière et n’en garde que la dimension fonctionnelle, de moyen et de « volonté de puissance » (Nietzsche), est destiné à priver la raison de sa capacité de saisir le sens de l’être, de son orientation transcendantale, de sorte qu’elle ne reste qu’une raison instrumentale. Les conséquences de cet immanentisme aboutissent à une série de réductions de l’homme à ses conditions existentielles internes et externes, réductions qui ruinent le fondement dispensateur d’être de sa substance en tant que personne dotée d’une nature spirituellement libre. Selon cette définition, l’homme est défini comme suit : « L’homme n’est rien d’autre que... » une machine complexe, un animal hautement développé, un faisceau de gènes et de pulsions, un ordinateur performant, le stade organique qui précède une intelligence artificielle capable de performances supérieures. Ici, cependant, l’élément décisif de l’être humain est toujours nié : la dignité de la personne.

Un humanisme sans Dieu ?

Pour ceux qui acceptent les prémisses d’un monisme idéaliste et matérialiste, le christianisme – qui annonce la révélation surnaturelle du mystère de la volonté salvifique universelle de Dieu dans l’incarnation, la mort sur la croix et la résurrection du Christ – ne pouvait encore se justifier que comme une religion naturelle, que ce soit sous la forme d’une religion de l’humanité ou d’une éthique rationaliste ou sous la forme d’une éthique froide des devoirs ou dans la variante d’une éthique hédoniste de la situation. À cet égard, les titres des écrits déistes et des Lumières sont déjà significatifs [6]tels que Le christianisme sans Mystères (1696) de John Toland ou Le christianisme aussi vieux que la création (1730) de Matthew Tindal et, enfin, La religion dans les limites de la simple raison … Continue reading . Ici, le christianisme était uniquement considéré comme la manifestation suprême d’une culture en progrès continu et orientée vers un accomplissement immanent, et cela ne pouvait se faire qu’en renonçant à sa dimension surnaturelle liée à la compréhension d’une époque (c’est-à-dire la foi en la divinité du Christ, les dogmes comme formes de connaissance de vérités surnaturelles, les miracles comme irruptions, soi-disant contraires au système, dans la stricte causalité de la nature).

En ce qui concerne le christianisme culturel, la critique de la religion aux XIXe et XXe siècles a été encore plus vive et cohérente lorsque, en particulier, elle a démasqué la religion comme une dangereuse illusion et l’a rejetée comme un obstacle au paradis terrestre de l’homme amélioré sur le plan sociopolitique et reproduit sur le plan techno-psychologique. Les énergies religieuses se sont donc transformées en la vision trans-humaniste d’un Homo-deus, qui se comprend comme une simple entité naturelle et trouve son bonheur dans le plaisir des sens [7]Ludwig Feuerbach ou, selon la théorie post-humaniste, vient se détacher de sa base organique et, en franchissant le stade de l’évolution biologique, se reproduit numériquement sous forme d’intelligence artificielle [8]Vedi Yuval Noah Harari, Homo deus: eine Geschichte von Morgen, München 2018² .

 

Marc Chagall – Adam et Eve chassés du paradis

 

Le présent est marqué par une ambivalence : une idolâtrie toujours plus grande de la nature au sein du mouvement écologique et un anti-humanisme dans lequel l’homme dénonce sa propre présence perturbatrice dans un monde qui pourrait bénéficier d’une faune intacte et d’une flore préservée. Par conséquent l’homme est « aboli » et décimé drastiquement à travers des politiques démographiques (évidemment les élites financières sont ici le sujet et les masses pauvres de la population l’objet qui à qui est asséné ce courant de bien pensance sur les comportements reproductifs : l’avortement comme droit des femmes et l’euthanasie comme suicide assisté payant).

Au contraire, le dogme anthropologique de l’homme en tant que personne, dont la vérité de l’être ne s’éclaire que dans le rapport au Dieu personnel, et dont la liberté ne se réalise que dans l’amour comme agape, est la forteresse contre les négations par toutes ces idéologies de la tradition chrétienne, confrontée à ce tsunami de nihilisme métaphysique engloutissant tout dans une fureur apocalyptique. Il n’y a pas de véritable humanisme sans Dieu. En réalité, « sans Dieu, tout est permis » [9]Fyodor Dostoïevski . Si Dieu est mort, nous pouvons certainement vouloir que vive le surhomme, mais nous ne pouvons pas empêcher le mal d’entrer en scène. Si la généalogie de la morale [10]Nietzsche et la biologie de l’évolution avaient démontré que la morale n’était qu’une simple stratégie de survie, personne n’aurait plus été capable de protéger l’homme de l’homme. L’inviolabilité de la dignité humaine serait privée de fondement. Le néoatéisme, milieu naturel d’auteurs tels que Richard Dawkins, Daniel Dennett et Christopher Hitchens, défend en vain un humanisme sans Dieu basé sur des hypothèses social-darwiniennes. Le simple fait que ce néoateisme veuille absolument entrer en polémique contre les hommes qui croient en Dieu révèle sa disposition anti-humaine et intolérante, alimentée par la haine et le mépris de l’homme.

De la personne humaine à la communion du Dieu trinitaire

Lorsque, en utilisant les catégories de la métaphysique classique de l’être, nous exprimons l’humanisme théologique avec l’axiome « la grâce présuppose la nature », nous ne voulons pas dire autre chose que ce que l’anthropologie chrétienne affirme avec la thèse du pape Jean-Paul II : la route de l’Église est l’homme, puisque seule la grâce du Christ sauve l’humanité de l’homme [11]Jean-Paul II., Redemptor hominis 14 . L’idéal de la nature humaine n’est pas le surhomme narcissique mais l’homme qui va au-delà de lui-même. Le sprinter atteint son but ultime non pas dans une salle d’entraînement, mais sur la piste.

C’est par une perforation verticale, qui décide de mettre de côté toute réalité accessoire, que nous atteignons le sujet souverain et le centre qui unifie tout dans la simple substance de son âme spirituelle qui subsiste dans sa personne. « Persona significat id quod est perfectissimum in tota natura, scilicet subsistens in rationali natura » [12]Thomas d’Aquin, Summa theologiae I q. 29 a. 3 . La personne n’est pas composée de parties. Elle ne peut donc renvoyée à quelque chose de plus simple ni être dépassée par quelque chose qui lui serait antérieur, précisément parce que dans son être-en-soi (Bei-sich-Sein) et dans son autodétermination morale, il y a l’immédiateté du rapport à Dieu, qui se communique à elle comme la Vérité première.

 

Natalia Satsyk – The Holy Trinity, 2006,  90×125 cm

 

Même la médiation – nécessairement ecclésiastique et sacramentelle – de la grâce et de la connaissance de la Vérité Première, qui est exprimée dans le Symbole de la foi et du dogme, ne s’inscrit pas comme un troisième élément entre Dieu et l’homme ; mais – en vertu de la participation à l’union hypostatique du médiateur humain avec la présence divine de la connaissance dans le Logos – la médiation est celle-là même qui introduit l’immédiateté personnelle : ici-bas par la modalité de la foi et là-haut dans la vision face à face. La nature de l’étant cependant, n’est pas l’abîme, duquel cet étant vide de toute substance émergerait pour disparaître ensuite à nouveau dans le néant ; mais il émerge du sein de l’être capable de générer, qui s’actualise, et donne un étant qui existe concrètement. Ainsi un étant existe toujours dans sa nature, comme cette pierre, cet animal, cet homme nommé Socrate, comme cet homme ou cette femme. La nature d’un étant individuel manifeste sa vérité à partir de sa participation à l’être, de manière à ce que la vérité se révèle à nous. Ce serait une violence faite à la vérité que de la placer, comme le fait le nominalisme, dans le processus subjectif de formation autonome des concepts. La vérité de l’être, qui se dévoile et s’exprime dans la nature de l’être individuel, échappe à l’arbitraire et aux vues de la puissance de la raison finie, puisque seul l’intellect divin est l’unité originelle de l’être et de l’esprit. Notre intellect est capable d’accueillir et de reconnaître la vérité, mais il ne peut la fonder et la produire sans pécher contre la lumière incréée.

Pourquoi, sur la voie secondaire de la réflexion philosophique et théologique, le Père céleste a-t-il caché la connaissance de Mysterium Trinitatis aux personnes sages et intelligentes de ce monde, c’est-à-dire – formulé en termes plus ironiques – aux militants autonomes de la philosophie, et s’est-il au contraire révélé aux cœurs simples et semblables à ceux des enfants dans son être-soi essentiel qui se complète dans Sa relation avec le Fils dans l’Esprit Saint ? Il ne peut y avoir d’autre réponse : car l’être est simple et son fondement originel dans l’amour éternel ne se révèle que dans la simplicité d’un jugement affirmatif. C’est pourquoi Jésus affirme dans l’acte suprême d’auto-révélation divine : « Nul ne sait qui est le Fils si ce n’est le Père, ni qui est le Père si ce n’est le Fils et à qui le Fils le révélera » [13]Lc 10, 22 .

Une question aussi essentielle, concernant la relation avec Dieu dans la grâce, naît dans l’esprit de la créature, déjà dans la modalité de son enfance première originelle (Ur-Anfänglichkeit), seulement dans une écoute (Zu-hören) et une attention (Mit-denken) intenses qui présupposent son ouverture préalable à l’être et la reconnaissance de l’être dans la raison, ainsi que son articulation dans le langage. Tout aussi légitime est la question de la substance (Wesen) et de la provenance (Woher) de l’être, ainsi que la question de l’essence (Was) de l’étant, c’est-à-dire de quelque chose (aliquid) qui est défini dans un concept. Cela montre que l’ouverture de l’esprit à l’être précède la pensée discursive et toute intelligence cybernétique, qui n’existe que fonctionnellement, et non substantiellement, comme c’est le cas de l’intelligence artificielle. Seulement ainsi l’être peut être pensé et atteindre sa propre expression et manifestation dans le langage et, par conséquent, fonder une unité (Eins-sein) qui se communique dans les facultés de compréhension et de volonté. Ainsi, l’homme et Dieu sont radicalement différents dans leur nature et leur essence et pourtant, en se basant sur l’analogie de l’être, une réalisation de l’homme en tant que créature de Dieu peut être reconnue et poursuivie par son libre engagement dans la grâce en tant que finalité de l’homme.

L’actualité de l’être ne peut être pensé que dans des choses concrètes et conduit la pensée sur la voie d’un apprentissage qui dure toute la vie. La transformation de la connaissance de l’être en langage présuppose l’origine du monde dans l’être et l’esprit de son Créateur et démontre son existence en tant que fondement de l’être et de la connaissance finis.

 

Photo : Anne Gallot

 

Indépendamment de sa capacité de réflexion et d’articulation, conditionnée par l’âge et le talent, tout esprit créé est donc, en même temps, communication avec lui-même – puisque l’esprit, dans l’acte de penser se présente devant le mysterium de sa propre personne – et aussi, ouverture, au-delà de lui-même, au fondement et à la fin de sa propre existence, puisque l’homme, utilisant la raison, reconnaît dans les œuvres de la création la réalité invisible de Dieu dans sa puissance et sa divinité éternelles [14]Rom 1:20 . Non moins important pour la constitution des actes moraux est le fait que dans la loi de la conscience, puisse intervenir la sainte volonté de Dieu en tant que substance même du bien [15]Rom 2:14 .

Lorsque nous demandons ce qu’est l’homme par rapport à l’Auteur de son existence, nous recevons cette réponse : il est une créature à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et quand on lui demande pourquoi il a été créé, on dépasse l’ordre du général et on entre dans le domaine de l’irréductible et du singulier, dans la sphère de la personne. Dieu se communique à l’homme personnellement et dans une liberté absolument spontanée. Il intègre mon être-qui (Wer-Sein) dans la filiation divine individuelle de telle manière que je puisse lui dire Abba, Père, dans le Saint-Esprit, par le Fils de Dieu [16]Rom 8:15 .

Puisque Dieu a déterminé l’homme selon une fin qui dépasse la capacité de comprendre de la raison naturelle, et puisqu’il a préparé pour son cœur une joie qui dépasse infiniment le bonheur terrestre, II s’est approché de l’homme dans son auto-révélation historique, comme vérité et vie, dans le Verbe fait chair et dans l’effusion de l’Esprit Saint [17]Thomas d’Aquin, Summa theologiae I q. 1 a. 1 . Nous, qui sommes devenus nous-mêmes par la Parole, avons reçu, par la foi au Fils de Dieu qui s’est fait homme, « le pouvoir de devenir enfants de Dieu » [18]Jn 1,3,12 .

Dieu ne gagne rien et ne perd rien lorsqu’il nous dispose comme ses créatures dans l’existence. Par conséquent, le perfectionnement de l’homme par la grâce ne le rend pas servilement dépendant de Dieu. Mais l’homme ne s’émancipe pas en refusant la grâce et en se constituant lui-même son propre dieu et créateur. En revanche, il acquiert son autonomie propre comme la plus haute dignité dans la coopération avec Dieu et est ainsi perfectionné dans sa liberté, dans la mesure où cette coopération fonde l’union de la volonté créée avec la volonté salvatrice incréée de Dieu dans l’amour. La grâce ne comble pas nos lacunes, ni n’ajoute une pièce manquante à une œuvre inachevée. La grâce présuppose la bonté d’une nature qui est achevée et elle la mène à son terme, tout comme un champion de course, franchissant la ligne d’arrivée en vainqueur, ne laisse pas derrière lui sa propre nature d’être humain et son statut de sportif, mais la mène à son terme dans ce triomphe. « De sa plénitude, nous avons tous reçu et grâce sur grâce » [19]Jn 1, 16 . L’expérience de la grâce doit plutôt être comparée à l’expérience d’une illumination dans laquelle nous trouvons ce que nous avons toujours cherché et qui va pourtant au-delà de toutes nos attentes. « Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme, ce que Dieu a préparé pour ceux dont il est aimé. » [20]1 Co 2, 9 .

La grâce n’est pas déductible de la nature créée et Dieu reste absolument libre à l’égard de l’homme. Néanmoins, entre le Créateur et la créature, il n’y a pas d’opposition dialectique ou d’unité dans la contradiction, mais une unité analogique, puisque la distinction des Personnes divines n’exprime pas un déchirement en Dieu, mais plutôt l’unité substantielle parfaite (Wesen-Einheit) comme amour. En cela se manifeste également l’unité du Dieu trinitaire en qui le Créateur du monde, le Rédempteur du péché et Celui qui porte à son achèvement dans l’amour, sont un Dieu identique.

 

La lectio magistralis du préfet émérite de la Congrégation pour la doctrine de la foi, le cardinal Gerhard Müller, prononcée le 4 octobre 2020 à Palazzolo sull’Oglio. Traduit de l’italien par C.M

References

References
1 Mc 10/13-16
2 2 Cor 5, 18-19
3 1 Co 13, 12
4 Jn 4,14
5 Jn 10, 10
6 tels que Le christianisme sans Mystères (1696) de John Toland ou Le christianisme aussi vieux que la création (1730) de Matthew Tindal et, enfin, La religion dans les limites de la simple raison (1793) d’Emmanuel Kant.
7 Ludwig Feuerbach
8 Vedi Yuval Noah Harari, Homo deus: eine Geschichte von Morgen, München 2018²
9 Fyodor Dostoïevski
10 Nietzsche
11 Jean-Paul II., Redemptor hominis 14
12 Thomas d’Aquin, Summa theologiae I q. 29 a. 3
13 Lc 10, 22
14 Rom 1:20
15 Rom 2:14
16 Rom 8:15
17 Thomas d’Aquin, Summa theologiae I q. 1 a. 1
18 Jn 1,3,12
19 Jn 1, 16
20 1 Co 2, 9
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