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« Soyez prêts, nous serons des martyrs »

Le 29 octobre dernier, la congrégation pour la cause des Saints a été autorisée par le Pape François à promulguer les décrets concernant le martyre des serviteurs de Dieu, Léonard Melki et Thomas Saleh, prêtres capucins, tués en haine de la foi en Turquie au début du siècle passé, ouvrant ainsi la voie à leur béatification. Ces témoignages sont toujours autant d’actualité et renouvellent l’espérance des Eglises d’Orient et, avec elles, celle de l’Eglise Universelle.

 

Croix arménienne – Cimetière de Noradouze (Arménie)

 

A la fin de l’été 1906, le serviteur de Dieu Leonardo Melki [1]né Youssef Houais né dans le village libanais de Baabdath (région du Metn) en 1881 et le Serviteur de Dieu Thomas Saleh [2]né Géries né dans le même village libanais de Baabdath probablement le 3 mai 1879, quittent cette terre natale bénie pour un voyage qui les mène dans leur nouveau lieu de mission et, sans qu’ils le sachent encore, vers le lieu du don intégral de leurs vies pour le Christ. Jeunes prêtres, récemment ordonnés, ils sont destinés à cette florissante mission de la ville de Mardine, dans la grande province de la Mésopotamie, région de l’actuelle Turquie entre le Nord de la Syrie et l’Arménie.

C’est donc un long chemin qui les mène en ce mois encore chaud de septembre 1906, à travers le Mont Liban, le nord de la Syrie, les confins de l’Euphrate jusqu’aux hauts plateaux de l’Arménie.

« Mardine est une des rares villes de Turquie où les chrétiens sont plus nombreux que les musulmans, et les catholiques plus nombreux que les schismatiques. Il peut y avoir 8000 arméniens catholiques, 2500 syriens, 250 chaldéens et une trentaine de latins. Les schismatiques jacobites et protestants forment un noyau de 5000 âmes environ. » [3]https://www.leonardmelki.org/article/9/%C3%A0-mardine/fr 

Très vite nos deux jeunes prêtres se mettent au service de l’Eglise et les nombreuses tâches ne manquent pas : la paroisse, l’hospice, les écoles, le Tiers ordre franciscain, les groupes de jeunes, et diverses confréries.

Le serviteur de Dieu Leonardo Melki

 

1914, la guerre éclate, la Turquie s’allie à l’Allemagne et les tensions déjà présentes entre le pouvoir et l’Eglise s’accentuent. Les chrétiens sont assimilés à des alliés de la France ennemie. Les perquisitions et humiliations déjà pratiquées se transforment en expulsions des religieux français. Les écoles sont fermées, les couvents réquisitionnés, transformés en prisons, les biens confisqués… Un plan d’élimination systématique du peuple arménien est mis à exécution.

Le 5 décembre 1914, il y eut le premier raid des militaires dans l’église des Capucins de Mardine, suivi plus tard d’actes de violence et de harcèlement contre les missionnaires aboutissant à l’ordre de quitter le couvent. 

« Que l’année 1913 vous soit une source de toute grâce et de tout bien et que Dieu vous conserve longuement et vous assiste avec sa puissante grâce… Notre situation est assez critique à cause de la guerre entre la Turquie et les Etats Balkaniques… pourtant, nous ne pouvons trop nous lamenter quoiqu’il y ait beaucoup de menaces. De toute façon, nous sommes remis entièrement entre les mains de Dieu. Que sa Sainte volonté soit faite », écrivait l’année précédente le Père Leonardo à son Supérieur à Orfa 

Le Père Leonardo, pour ne pas laisser seul son frère de 80 ans, le Père Daniel de Manopello décida au dernier moment de rester avec lui malgré le danger. Le 5 juin 1915, le Serviteur de Dieu est arrêté et sauvagement torturé pendant six jours, avec l’intention de lui faire renoncer à sa foi et embrasser la religion islamique. Le 11 juin, fête du Sacré-Cœur, il est placé à la tête d’un convoi de 416 hommes, entamant ainsi un long voyage de déportation qui atteindra Diarbekir. A mi-chemin de ce long voyage, après avoir refusé, une fois de plus, de renoncer à leur foi, ils ont tous été massacrés dans le lieu appelé Kalaat Zirzawane, et leurs corps jetés dans des puits et des grottes. Parmi les déportés figurait également le bienheureux Mgr Ignace Maloyan, archevêque arménien catholique de Mardine, mort en véritable confesseur de la foi et dont voici le récit des derniers moments de ce bienheureux évêque dont le Père Melki partagea le sort.

« Monseigneur Maloyan sut que le moment est arrivé. Immédiatement, il demanda au chef de l’exécution de lui accorder seulement une demi-heure et le pria de lui donner deux pains. Le chef daigna donner les pains à Maloyan qui les prit, les bénit et dit au peuple : « Le moment du martyre est arrivé, agenouillez-vous et priez ». Il prit les pains et dit : « Ceci est le corps et le sang du Christ ». Il les donna au peuple au nom du Christ et dit : « Soyez prêts, nous serons des martyrs ». Ayant accompli le devoir, l’Evêque dit au chef : « Fais ce que tu veux, nous sommes innocents de ce que vous nous avez imputé. Si Dieu veut, nous serons des martyrs. J’ai accompli les devoirs ». [4]https://www.leonardmelki.org/article/61/abdo-bezer/fr 

Le chef turc du convoi s’approcha de Monseigneur Maloyan et, pour une dernière fois, lui proposa l’Islam. Celui-ci lui répondit : «Ta demande m’étonne. Je t’avais dit précédemment que je vis et meurs pour ma véritable foi. Je me glorifie en la Croix de mon Seigneur et Dieu». Le policier furieux dégaina son revolver et fit feu. La balle lui traversa la nuque. Il tomba par terre et, avant de rendre l’âme, il s’exclama : «Seigneur, prends pitié de moi, entre tes mains je remets mon esprit». [5]https://www.vatican.va/news_services/liturgy/saints/ns_lit_doc_20011007_beat-maloyan_fr.html 

 

Le Serviteur de Dieu Thomas Saleh

 

Quant au Père Thomas, il est expulsé le 22 décembre 1914, avec son frère et quelques religieuses du couvent de Diarbakir, se réfugiant au couvent d’Orfa. Pendant deux ans, il se cache sans être arrêté par la police et a survécu à deux séries de massacres de chrétiens dans la ville. Il a été arrêté le 4 janvier 1917 avec ses frères pour avoir caché un prêtre arménien, chef de sa communauté, dans le couvent, pour l’avoir enlevé à une mort certaine. Traîné d’un endroit à un autre, il a souffert de toutes sortes de violences et de mauvais traitements, et tombe malade du typhus. Arrivé à Marash épuisé, il mourut probablement le 18 janvier 1917, exhortant ses compagnons à faire confiance au Seigneur et renouvelant sa demande à Jésus-Hostie de pouvoir supporter les souffrances du prêtre arménien.

A plus d’un siècle de distance, étant donné les événements actuels, spécialement les récents événements en Karabakh opposant Arméniens et l’Azerbaïdjan, le témoignage de ces disciples du Christ nous est proposé comme modèle à imiter. Que leur intercession nous aide à rester fidèles à notre vocation chrétienne dans toutes les circonstances qui sont les nôtres en ce jour.

 

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