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La solitude n’est pas pour soi

Depuis le temps où je pratique assidûment le silence, j’ai compris que la solitude n’est pas une pièce fermée avec une cheminée, mais bien au contraire, elle est tout autre. Ma solitude n’est pas pour moi, c’est un chemin pour atteindre tout ce que je ne suis pas. Ces moments quotidiens de silence, assis sur mon tabouret en bois, avec la présence d’une bougie et d’une icône, ne sont pas la recherche d’une paix autiste ni une technique pour m’isoler et échapper aux problèmes. Au contraire, ils m’aident à être toujours là où je suis, tout en améliorant considérablement mes relations avec les autres. La méditation est une imposture d’une autre manière. Franz Jalics le dit : « Si nous voulons savoir quelle est notre relation à Dieu, nous pouvons la déduire de nos relations humaines. Personne ne peut dire qu’il aime Dieu si quelqu’un constitue pour lui une entrave. Je sais que ma solitude sera malade si je la défends, si je la protège des autres ».

 

Photo : © Hermine Pillet

 

Les Évangiles en sont un exemple : Jésus cherche la solitude dans le désert, la nuit. Mais les gens assoiffés de sens, finissent par interrompre ses retraites. Une fois dans l’intimité, Jésus se voit contraint d’aller vers les hommes. Et il le fait sans se plaindre, comme s’il n’y avait pas de rupture ou de tension entre le fait d’être en compagnie ou être seul. Quand il multiplie les pains, par exemple. Jésus se retire, mais au bout d’un moment, il entend des voix, il voit de la poussière de piétinement, des gens rassemblés au bord du lac. Sa réponse est éloquente : il ne se plaint pas et ne préfère pas continuer seul. Il les regarde avec compassion. Cet épisode illustre deux types de solitude : celle de Jésus, qui n’exclut pas la compagnie, mais la prépare ; et celle de ses disciples, qui vont leur propre chemin. Il n’y a pas assez de nourriture pour tout le monde, disent-ils. Jésus fait semblant de ne pas les entendre, mais les pains se multiplient. Autre leçon, celle de la faim rassasiée. Ce sont des détails qui révèlent le cœur de Dieu. Ce n’est pas un Dieu qui cherche à être tranquille : lorsqu’il est bouleversé, il se retourne pour s’occuper du cœur inquiet, malade et désespéré.

Dans cette vie, l’homme ne peut pas prier seul en permanence. Beaucoup d’obstacles frustrent notre désir de contempler chaque jour. Mais il est possible de rester dans une attitude de prière. C’est cela que Jésus fait dans les maisons qu’il visite, avec les gens qui le sollicitent, en distribuant du pain quand il fait nuit. Ou les Chartreux, lorsqu’ils travaillent le bois dans leurs cellules. Thérèse d’Avila arrêtait sa prière pour préparer un repas, mais elle continuait de prier : si vous aimez ce que vous faites, même si vous n’êtes pas croyants, vous priez.

La solitude n’est donc pas pour soi. Si elle ne peut être interrompue, si elle s’irrite parce qu’on la sollicite, elle finit par rendre l’homme malheureux, elle le sépare de la joie. La solitude, si elle n’a pas de portes ouvertes ou si elle n’aboutit pas à un amour concret, c’est l’enfer. Où l’on se sent très seul, bien que d’une manière différente.

Article de Jesús Montiel, paru dans le Journal El Debate de Hoy, le 22 novembre 2020.

Traduit de l’espagnol par C.M

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