Home > Santé > Le virus de la confusion

Alors qu’apparaissent de nouveaux « variants » – qui risquent de rendre l’épidémie incontrôlable – ce qui ne cesse de surprendre quand on s’interroge sur la situation actuelle, c’est le peu de certitudes qu’on a à l’égard de ce virus invasif et de la manière de s’y prendre pour endiguer l’épidémie. Des milliers de scientifiques et de chercheurs ont travaillé sans relâche depuis près d’un an, mais tout semble encore très incertain : cet organisme vivant de moins de 140 nanomètres reste un défi pour la science, une gifle à la toute-puissance technique qui prétend contrôler et dominer, un soufflet aux politiques déboussolées, et laisse tout le monde – scientifiques, gouvernements et nous autres, pauvres citoyens – dans une grande confusion.

 

 

Un virus bien secret

Sur le virus lui-même, il suffit de faire quelques recherches Google pour réaliser que plane encore sur le virus une large part de mystère :
Combien de temps reste-t-il sur les surfaces dans les maisons ? Entre quelques minutes et quelques jours selon les études (autant dire qu’on ne sait pas ?)
Combien de temps est-on contagieux ? La quarantaine selon les pays est à durée variable (7 jours en France et en Belgique, 10 en Slovénie ou en Suisse, 14 en Allemagne et Roumanie…).

Quelle distanciation sociale nous protège des transmissions par gouttelettes ? Les recommandations vont de 1m à 2,50m (nos voisins Suisses éternuent peut-être plus fort).
Peut-on transmettre le virus en extérieur, peut-on attraper le virus en marchant dans la rue (le débat sur les microgouttelettes) ? Les théories et opinions fusent mais en réalité, personne n’en sait rien, certains pays obligent le port du masque partout, d’autres seulement dans les espaces clos.
Combien de temps reste-t-on immun après avoir développé le virus (ce qui concerne maintenant une bonne partie de la population !), 4 mois, 6 mois, 8 mois ? Difficile à dire.
Qui meurt de la COVID-19 et qui meurt avec la COVID-19 ?

La science dans le brouillard

Si le virus lui-même protège jalousement ses secrets, les moyens sanitaires de lutte contre la pandémie nous plongent aussi dans une certaine confusion.
Les masques étaient inutiles – et on se riait des citoyens apeurés qui se ruaient dans les pharmacies pour en acheter – ils deviennent obligatoires et on insulte ou fait payer une amende salée à celui qui laisse une narine dépasser.

Les masques en tissu protègent-ils du variant anglais (qui, rappelons-le, à la même taille que les autres variants) ? La Bavière ou l’Autriche viennent d’obliger le port du masque FFP2, certains conseillent un double masque, d’autres affirment que les masques en tissu qui viennent mettre un peu de gaieté dans nos centres commerciaux sont en réalité purement décoratifs… On ne sait plus bien qui croire et que faire.

Les tests ? Efficaces dans 70% des cas, il faut faire parfois des contre-tests ; même si on est testé négatif, on peut craindre de développer le virus et donc de ne pas « protéger ses proches » (le nouvel impératif kantien) ; et positif, on craint d’être « faux-positif » et de devoir s’enfermer 14 jours en vain (plus personne n’affirme que cela nous laisse indemne sur le plan psychologique)… Si le résultat d’un test sur trois peut être faux, cela introduit évidemment une certaine confusion dans les chiffres et dans les comportements.

Le vaccin ? Il protège du virus dans 70% à 90% des cas ; on ne connaît pas les effets secondaires à long terme ; on pense à une stratégie globale alors que la balance bénéfice-risque n’est pas du tout le même pour les différentes catégories de la population. L’interrogation ultime ? On ne sait même pas s’il sera utile face aux mutations du virus (on en connait déjà trois, beaucoup plus contagieuses) ; on ne sait pas combien de temps il sera valable et s’il faudra se faire vacciner régulièrement comme la grippe.

Des politiques déboussolées

Sur les stratégies politiques à mener, là aussi, on en perd son latin (ce qui est dommage quand le virus couronné porte un noble titre issu de la langue de Virgile) ;
Modèle suédois ou modèle français ? Rappelons qu’aucune étude n’a réussi à évaluer clairement l’impact d’un confinement dans la lutte contre l’épidémie (alors que l’impact, sur la santé mentale et sur la santé des personnes en général est lui, étude à l’appui, de plus en plus dramatique), que les dernières études indiquent que les contaminations ont lieu dans les maisons, ces « nids à Covid » où nous devons passer le plus clair de notre temps… Une fois de plus, il faut bien reconnaitre que ce virus-roi fait régner une grande confusion et que la seule arme sûre dont on dispose pour lutter contre l’épidémie est de limiter les contacts et de se laver les mains, mesures bien connues de nos ancêtres.

Tout le monde est un peu perdu et tente de donner des justifications plus ou moins heureuses… Les épidémiologistes refusent finalement de faire des prédictions en disant qu’une épidémie est imprévisible, les politiques nous annoncent que l’été résoudra le problème, puis que le vaccin résoudra le problème, mais en même temps, qu’il faudra vivre avec la COVID-19 pendant des années. La date d’arrivée du vaccin, les objectifs de vaccination, tout comme la date de la fin de l’épidémie, tout cela recule sans cesse et nous plonge dans une sorte de sidération. Arnaud Fontanet – épidémiologiste autorisé sur les chaînes de télévision – l’admet : « La confusion est née du fait qu’on a entendu tout et son contraire sur cette épidémie » [1]https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-05-octobre-2020 . Mais il ne va pas jusqu’à reconnaître qu’on a dit tout et son contraire parce que nous sommes dans une situation où les scientifiques ont assez peu de certitudes et les politiques pas grande idée des solutions.

Un brouillard généralisé

Mais les scientifiques et les politiques ne sont pas les seuls à nager dans la confusion, il faut bien reconnaître que le citoyen lambda est régulièrement confronté à des questions sans réponse, qui peuvent provoquer une certaine angoisse, voire une angoisse permanente.
Est-ce vraiment un risque d’aller fêter Noël avec sa grand-mère ?
Dois-je rentrer voir mes parents âgés ce Week-End ? Et prendre le risque de leur transmettre la COVID-19 et d’avoir leur mort sur la conscience ?
Dois-je réellement m’isoler chaque fois que je suis cas contact, ce qui implique 4 jours d’isolement, un test et encore 48h d’attente?… Cela qui peut donner dans certains cas pas si rares vu le développement de l’épidémie : 3 jours « dehors », 7 jours enfermé à attendre une date de test, puis le résultat, le tout répété deux ou trois fois… Une certaine lassitude s’installe ?
Je n’ai rien contre le vaccin mais dois-je me faire vacciner ou n’est-ce pas nécessaire vu mon âge et mon état de santé ?
Dois-je renoncer à des retrouvailles familiales dont j’ai besoin pour respecter la règle arbitraire des 6 personnes ?
Dois-je supporter sans rien dire, au nom de la santé publique et de mon sens de la responsabilité solidaire, que l’école de mes enfants se fasse en ligne pendant toute une année scolaire ?
Puis-je braver le couvre-feu le soir de mon anniversaire ?
Dois-je renoncer à aller rendre visite à ma tante en EPHAD, ou dois-je me faire tester avant ?
Dois-je mettre toute l’équipe de ma start-up en télétravail au risque qu’en souffre l’ambiance de la boîte pour laquelle j’investis en temps et en énergie depuis des années ?

 

 

Au-delà du débat sur la gestion de l’épidémie, des tendances crédules ou complotistes qui surgissent dans toutes les discussions, tout le monde est confronté chaque jour à des questions difficiles, d’autant plus tendues qu’elles sont soumises à une véritable pression et parfois à la vindicte populaire (oser affirmer que, par prudence, et ne présentant pas de risque particulier, on ne pense pas se faire vacciner dans les trois mois à venir, est déjà un défi à l’ordre social et au pacte républicain, on se fera presque à tous les coups traiter d’égoïste et d’irresponsable ; il suffit de dire qu’on ne pense pas que ce soit une solution de faire porter un masque pendant un an aux enfants d’une école primaire et on est déjà rangé dans la catégorie des gilets-jaunes pro-trump complotistes).

La situation générale laisse un peu tout le monde dans le brouillard : impossible de faire des projets, on ne peut s’organiser un week-end, acheter des billets d’avion, préparer une sortie, des vacances, des retrouvailles, tout est suspendu aux évolutions de l’épidémie et aux heures de confinement ; on se retrouve finalement un peu déboussolé, paralysé dans nos projets personnels et professionnels, dans l’incertitude permanente.
Il nous reste l’arme de l’humour pour montrer l’absurdité de certaines situations et évacuer un peu la pression, certains s’y sont essayés avec succès :

 

 

Un virus qui atteint la raison et la démocratie ?

Ce constat ne cherche pas à jeter la pierre au virus (qui est de toute façon trop petit pour être menacé par une simple pierre), aux Chinois (ou au pangolins chinois), aux scientifiques (qui sont déjà humiliés par un virus… 80% de réussite pour un vaccin, au XXI° siècle, appelons simplement cela un échec, une claque à la superbe scientifique), aux politiques de tout bord et de tout pays (même si certains devraient quand même y mettre un peu plus que de la bonne volonté)… Il souligne simplement le fait que ce virus est bien le virus de notre époque, il est un virus qui frappe un monde confus et qui nous plonge un peu plus dans la confusion ; il n’attaque pas seulement les cellules, mais aussi notre capacité de discernement et notre société déjà bien fragilisée.

Dans le brouillard généralisé, il est plus difficile d’y voir clair et la première victime du virus semble être la raison, capable de discerner, de poser des jugements, de reconnaître ce qui est vrai. Soit elle se plie aux injonctions politiques (priorité à la santé, « quoi qu’il en coûte »), soit elle se révolte contre la situation en général, sans grand discernement, et sombre dans le manichéisme. On est alors :
Soit vaccin soit anti-vaccin,
Soit obéissant et éclairé soit complotiste et obscurantiste
Soit un citoyen seul, responsable et connecté soit un dangereux égoïste criminel que la santé des autres n’intéresse pas parce qu’il prend le bus.

Le virus semble atteindre aussi la démocratie: on ne peut être que sidéré par le fait que le parlement (ou d’autres instances élues démocratiquement) ait si peu son mot à dire dans les décisions successives de l’exécutif, de confinement ou déconfinement, couvre-feu et stratégie vaccinale… Pour une crise qui engage tout le pays, on pourrait imaginer que les orientations les plus importantes soient discutées au parlement et non annoncées au journal de vingt heures.

Le virus de l’homme moderne

Étonnant de voir que ce virus vient faire voler en éclats les deux principales prétentions de l’homme moderne : dans le rapport à sa propre existence et dans son rapport à la vérité. Il met en évidence et bat en brèche la prétention de l’homme moderne à tout contrôler, à tout dominer, et à tout savoir, à se rendre « maître et possesseur » de la nature, de la vie et de sa vie . [2]Descartes dans le Discours de la Méthode : « et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une … Continue reading .

Nous prétendons contrôler parfaitement notre propre existence, nous organisons notre travail, nos journées, nos vacances, planifions notre vie de manière indépendante, personne ne doit nous dire ce que nous devons faire, nous « créons notre réalité ». Ce qui vient perturber nos plans n’est toujours qu’un « contretemps », un « imprévu » (avec sa connotation péjorative), un obstacle à abattre, un ennemi. A la racine de cette attitude se trouve le besoin de maîtriser et donc le refus de dépendre, de dépendre d’autres et ultimement de dépendre de Dieu. Dans cette crise sanitaire sans précédent pour cette génération, l’homme fait l’expérience de sa fragilité et de son impuissance : nos plans tombent à l’eau, nous perdons notre travail, le fruit d’une vie, ce que nous avons construit par notre labeur, nous perdons le sens, le goût pour notre métier qui passe désormais par des cours sur zoom…Nous perdons le contrôle et terminons soit abattus soit révoltés. Le virus nous rappelle que notre vie ne nous appartient pas, qu’elle peut nous être ôtée n’importe quand, qu’elle n’est pas « notre projet » mais un don. Et que nous ne dominons pas le virus, ne contrôlons pas notre vie et ne nous dominons pas nous-mêmes complètement (qui regarde honnêtement son confinement ou sa quatorzaine aura du mal à dire autre chose). Nous ne pouvons pas tout, nous ne contrôlons pas tout.

 

 

Et nous ne savons pas tout, nous sommes dépassés. Nous prétendons posséder la vérité, c’est à nous de la décider ou plutôt de la décréter : elle est soit le résultat d’un consensus (la majorité a voté pour, donc cela est juste et bon) soit ce qui nous convient, qui nous correspond ; chacun avance donc avec sa vérité. Ratzinger avait clairement vu la montée de ce qu’il appelle « la dictature du relativisme », « qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs » [3]http://www.vatican.va/gpII/documents/homily-pro-eligendo-pontifice_20050418_fr.html . Mais il semble que le XXI° siècle nous fasse faire un pas de plus en direction de la confusion : on ne sent même plus une dictature identifiable qui affirme qu’il n’y a pas de mal mais seulement des choix personnels, ou que le bien et le mal dépendent des perspectives de chacun. Nous avons l’impression de nager dans une confusion permanente où il n’y a même plus de dictature, seulement une sorte d’incertitude généralisée que la situation sanitaire met en évidence.

Le bien et le mal ne sont plus relativisés, ils semblent presque s’effacer, « fusionner »,
la différence entre l’homme et la femme est confuse,
l’humanisme devient trans-humanisme (et on a beau dire que le vaccin ne fera pas de nous des mutants, tout le monde n’est pas complètement tranquille avec cette rassurante explication),
les frontières de la vie humaine deviennent également plus confuses (on allonge le délai de l’IVG et on raccourcit artificiellement la fin de vie),
tant de jeunes ne voient plus clairement la limite entre le réel et le virtuel après des heures derrière leurs écrans,
même la réflexion sur sens de la vie baigne dans une grande confusion.

Ratzinger parlait facilement de relativisme, Benoît XVI emploiera en 2009 ce mot de « confusion », pour caractériser notre temps. Au cours d’une Vigile Pascale, il rappelle que dans la confusion, le brouillard, une lumière est donnée, non comme une méthode générale ou extérieure, non comme un vaccin miracle qui règle le problème une fois pour toutes… mais à chaque chrétien qui peut porter cette lumière au cœur de la confusion de son temps : « Prions le Seigneur pour qu’au milieu de la confusion de ce temps, la petite flamme du cierge qu’Il a allumée en nous, la lumière délicate de sa parole et de son amour, ne s’éteigne pas en nous, mais qu’elle grandisse et devienne toujours plus lumineuse. Afin que nous soyons, avec Lui, des fils du jour, des foyers de lumière pour notre temps ». [4]http://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2009/documents/hf_ben-xvi_hom_20090411_veglia-pasquale.html

References

References
1 https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-05-octobre-2020
2 Descartes dans le Discours de la Méthode : « et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie ; car même l’esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes du corps, que, s’il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusqu’ici, je crois que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher. » ; étonnant projet de l’homme moderne de mettre la médecine et la technique comme base de toute sagesse… On ne peut que constater que cette prophétie, encore proclamée durant cette pandémie, ne fonctionne pas
3 http://www.vatican.va/gpII/documents/homily-pro-eligendo-pontifice_20050418_fr.html
4 http://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/homilies/2009/documents/hf_ben-xvi_hom_20090411_veglia-pasquale.html
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2 Commentaires

  1. David

    Merci pour cette analyse qui aide à prendre un peu de hauteur sur cette situation dans laquelle nous sommes englués, et qui dure…
    Prions qu’elle soit une occasion de conversion pour beaucoup d’âmes!