« J’suis pas tout seul à être tout seul, ça fait d’ja ça d’moins dans la tête » c’est par ces mots que commence le dernier tube de Stromae.
Le célèbre chanteur belge du vrai nom de Paul Van Haver, connu pour ses musiques qui abordent des sujets graves sur des mélodies dansantes revient après de nombreuses années de silence. À la suite d’un burn-out et d’importants problèmes de santé consécutifs à sa tournée, il se retire du monde médiatique. Il fait son retour musical notamment avec son passage médiatisé en direct sur le 20 heures de TF1 en janvier 2022, où au détour d’une question posée par la journaliste, il dévoile pour la première fois en public le single «l’enfer ». Dans cette chanson, il nous parle de sa santé mentale fragile et nous partage cet enfer intérieur de manière frontale : sa dépression, ses pensées noires qui le tourmentent, qui le mènent à des idées suicidaires comme « moyen de les faire taire ». Il ose aborder ce thème souvent tabou. « J’ai parfois eu des pensées suicidaires, Et j’en suis peu fier, On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire, Ces pensées qui nous font vivre un enfer ». En écoutant ses paroles, comment ne pas penser à cette augmentation massive de de tentatives de suicides chez les jeunes depuis le Covid ? À cette hausse de la dépression ? Certains visages nous reviennent, nous repensons avec tristesse au jeune Gaspard, le fils de Anne Dauphine Julliand…
Stromae nous pousse à ne pas être sourd à ces cris, à ne pas fuir cette réalité, ce mal de vivre. « Tu sais, j’ai mûrement réfléchi et je ne sais pas quoi faire de toi », alors pour l’exorciser il pose les mots, les met en chanson et les fait résonner dans nos radios. En mettant en musique ces maux si actuels, il est le porte-parole de ceux qui vivent dans cet enfer. Il vient aussi leur dire qu’on « n’est pas seul à être tout seul » et pousse à sortir du silence.
Le clip très épuré avec Stromae habillé tout de blanc fait ressortir ce cri à entendre et à accueillir. Le titre de la chanson est particulièrement inspiré : quelle pire torture y a-t-il que ces voix du dedans, ces voix des pensées qui tournent en boucle et conduisent au désespoir. Ce sujet lourd de souffrances intimes demande à être regardé avec courage et compassion, sans solution facile, et c’est le pas que fait Stromae. Il nous rappelle notre dépendance ontologique et dans nos maux si actuels, physiques et mentaux, combien nous avons besoin de cette main du dehors, de ce regard qui sauve, d’un Amour qui soit plus grand que nous-mêmes, puisque tout seuls, justement, nous ne nous en sortons pas.
« Justement réfléchir, c’est bien le problème avec toi » : dans un monde où la pensée rationnelle est devenue la nouvelle idole, ces pensées qui entraînent toujours plus bas et dont foncièrement on ne peut venir à bout tout seul nous montrent la vanité de cela. Venant de quelqu’un qui l’a vécu et souffert dans son âme, on se sent moins jugé. Et les voix du désespoir ont moins de force quand une main se tend, ce qui est très certainement le but de cette chanson. Nous saluons le courage et la compassion de Stromae.